Musique : fronde des artistes et ayants droit face à YouTube

Bad Blood
Internet 5 min
Musique : fronde des artistes et ayants droit face à YouTube
Crédits : ocean yamaha (CC BY-ND 2.0)

Les actions du monde musical se multiplient pour rappeler YouTube au besoin de financer la création. Alors que la plateforme représente la majorité des lectures de musique en ligne, elle ne leur apporte qu'une fraction de leurs revenus. Le site est aussi attaqué sur son « laxisme » en matière de chasse aux pirates.

Si YouTube amène de nombreuses lectures aux ayants droit de la musique, il ne leur rapporterait pas assez. Ces dernières semaines, une nouvelle vague de critiques a émergé de l'industrie musicale pour attaquer la première plateforme de vidéos mondiale. Parmi les soucis relevés, la rémunération offerte par YouTube et le contrôle sur l'usage de la musique figurent en bonnes places. Cette action coordonnée intervient alors que certains labels seraient en pleine renégociation de licence avec le service.

Une révision du copyright en ligne demandée

Dans une lettre ouverte publiée le 20 juin, plus de 180 artistes (dont Taylor Swift, Trent Reznor ou encore U2) et les grands labels appellent le Congrès américain à une révision du Digital Millenium Copyright Act, qui régit la protection du copyright dans le numérique. Pour eux, si la consommation de musique a explosé, les revenus qu'en tirent les artistes ont drastiquement baissé.

Ceux qui affichent aujourd'hui des milliards de vues sur YouTube demandent aux parlementaires de « voter une réforme qui équilibre les droits des créateurs avec ceux des entreprises qui exploitent la musique pour leur gain financier ». Le but affiché : protéger les prochaines générations d'artistes, qui dépendront largement de ces plateformes pour vivre de leur musique. Même si, pour le moment, une révision de la législation profiterait d'abord aux signataires de la lettre ouverte, publiée à grands frais dans les pages publicitaires de journaux américains.

Comme l'expliquait Recode, si la proposition se veut large, elle concerne avant tout YouTube, qui est devenu le principal lieu de consommation de musique en ligne. Quelques jours plus tôt, certains de ces artistes étaient prolixes sur le sujet. Dans une interview à Billboard avec des responsables d'Apple, Trent Reznor estimait que « YouTube s'est construit avec des contenus gratuits, volés ».

La question du contrôle des contenus

Un problème que soulignait déjà le SNEP en mars. Selon le syndicat, YouTube compterait pour 65 % des écoutes en streaming en France, pour 10 % des revenus à peine. Cela serait autant dû à des prix bas qu'à des problèmes de rémunération sur l'ensemble des vidéos lues. Au-delà de l'argent, l'enjeu est surtout de contrôler les contenus sur YouTube. Comme l'expliquait hier le Wall Street Journal, YouTube peut rémunérer les ayants droit jusqu'à six fois moins qu'un Spotify pour la lecture d'un même morceau.

Pour les ayants droit musicaux, le problème est que beaucoup trop de monde peut utiliser leurs contenus sans qu'ils aient leur mot à dire. Pour eux, YouTube ferait preuve de laxisme à ce niveau, vivant des revenus publicitaires des vidéos « pirates » sans en reverser une part suffisante aux artistes.

Au coeur des critiques réside donc ContentID, le système de reconnaissance des contenus commerciaux de Google. Au WSJ, l'entreprise affirme qu'il est capable de détecter les contenus avec une précision de 99,7 %. De quoi identifier de manière fiable un extrait musical dans une vidéo. Le système ne convient pourtant pas à l'industrie musicale, qui estime le contrôle des contenus côté éditeurs toujours trop fastidieux. Il détecterait difficilement les remixes, les combinaisons, voire certaines utilisations simples. Selon le quotidien économique, certains labels doivent donc signaler eux-mêmes la moitié des contenus dont ils réclament les revenus.

Pour Fortune, la croisade de l'industrie musicale devant le Congrès ne donnera pas les résultats escomptés, et risque de fragiliser les entreprises technologiques, qui ont justement pu se développer grâce au DMCA actuel. « Ce que fait l'industrie musicale, c'est causer des problèmes à propos d'une loi importante, pour mettre une pression commerciale sur YouTube. » Pour le magazine, le problème fondamental est que l'industrie n'arrive pas à compenser la chute des ventes de CD. « C'est un problème pour l'industrie, mais qui ne sera pas réglé avec des attaques dévoyées sur YouTube et le DMCA » affirme-t-il encore. 

Un contrôle des contenus déjà largement critiqué

Si l'industrie musicale tient à mieux monétiser et contrôler l'ensemble de leurs contenus qui sont proposés en ligne, notamment sur YouTube, cela ne veut pas dire que les plateformes sont pour autant laxistes. Les atteintes abusives sur les contenus publiés sur la plateforme sont devenues nombreuses, au point que YouTube a affirmé à multiples reprises vouloir mieux protéger les vidéos qui utilisent des contenus commerciaux dans les règles.

En avril, une campagne menée par un critique de films (Doug Walker) américain a amené Google à s'excuser publiquement pour sa gestion des requêtes DMCA. La chaine de l'équipe avait été démonétisée après plusieurs réclamations d'ayants droit sur ses critiques de films, alors qu'elles sont normalement permises.

Pendant des semaines, l'entreprise n'a pu que difficilement contacter Google... La situation s'était rapidement réglée après qu'ils aient communiqué publiquement sur le problème. Après cela, le groupe de Mountain View a promis de laisser la monétisation sur les vidéos signalées par un ayant droit, sur lesquelles le créateur a porté une réclamation... Si les deux parties ont décidé de la laisser monétisée.

Des solutions pour ménager ayants droit et créateurs

YouTube subit donc une forte pression des deux côtés : des ayants droit qui veulent mieux protéger leur musique, et des créateurs de vidéos qui demandent un contrôle plus fin sur leurs contenus. Un problème important pour la plateforme, que d'autres parviennent pourtant à gérer.

Malgré ses soucis financiers, SoundCloud a ainsi pu passer des accords avec les majors, pour protéger les reprises et remixes de morceaux commerciaux qu'il héberge, en parallèle des morceaux commerciaux eux-mêmes. Ainsi, un utilisateur de SoundCloud est censé pouvoir mettre en ligne un remix sur SoundCloud sans être inquiété, voire gagner de l'argent dessus grâce à l'offre payante SoundCloud Go, récemment lancée en France.

Dans l'autre sens, l'industrie musicale essaie de se détacher de YouTube tant qu'elle le peut. Vevo, la société qu'ont montées plusieurs majors pour gérer les revenus de YouTube, dispose de son propre site et envisage de lancer une offre payante en dehors de tout lien avec Google. Cela en plus de partenariats avec des services tiers, comme Plex, pour fournir des clips à leurs utilisateurs.

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