L'ARCEP vient de mettre en consultation publique ses lignes directrices sur l'itinérance et la mutualisation des réseaux mobiles, et son analyse des contrats existants. Pour le régulateur, le contrat Orange-Free pourrait durer jusqu'à fin 2020 pour la 3G et fin 2022 pour la 2G. Celui entre Bouygues et SFR sur la 4G, lui, aurait jusqu'à fin 2018.
Le régulateur des télécoms, l'ARCEP, vient de mettre en consultation publique ses lignes directrices sur la mutualisation et l'itinérance mobile. Elles sont accompagnées d'une première analyse des contrats existants entre les quatre opérateurs nationaux, de la 2G à la 4G. Il s'agit, d'un côté, du contrat d'itinérance 2G et 3G entre Orange et Free et, de l'autre, de l'accord de mutualisation et d'itinérance 3G et 4G entre Bouygues Télécom et SFR.
Dans les deux cas, l'ARCEP recommande une extinction de l'itinérance dans les prochaines années, estimant qu'elle n'a pas vocation à perdurer. Les personnes intéressées et les opérateurs ont jusqu'au 23 février pour donner leur avis.
Ce contrôle des accords d'itinérance et de mutualisation est une nouvelle attribution de l'ARCEP, introduite en août avec la loi Macron. Cette consultation publique suit également une attaque de Bouygues Télécom contre l'itinérance Free Mobile sur le réseau d'Orange, dont il exigeait à l'ARCEP l'extinction fin 2016. Le régulateur s'est dit incompétent et a refusé d'y donner suite. L'affaire a fini devant le Conseil d'État, qui a débouté Bouygues Télécom de ses demandes, mais a estimé que l'autorité était bien compétente pour intervenir sur la question.
Le but : garantir l'intérêt d'investir et la qualité de service
Cette consultation est donc l'occasion pour l'ARCEP de poser ses critères d'analyse des contrats d'itinérance et de mutualisation. Pour l'autorité, le but est avant tout que ces accords n'entravent pas l'investissement, qui dirige sa régulation.
« Le partage de réseaux mobiles peut avoir un effet défavorable sur les objectifs de concurrence effective et loyale au bénéfice des utilisateurs, de promotion de la concurrence par les infrastructures, d’investissement et d’innovation » prévient ainsi l'institution. « L’itinérance a d’autant plus d’effets négatifs [...] qu’elle porte sur le cœur de l’investissement et de l’innovation, dans les infrastructures améliorées et de nouvelle génération » précise-t-elle.
Sur le front de l'itinérance mobile, les critères sont d'ailleurs clairs. Pour passer le contrôle de l'ARCEP, un contrat d'itinérance doit préserver l'incitation à investir pour les opérateurs concernés, doit améliorer le service rendu aux clients, doit être réplicable par des opérateurs tiers et tous doivent pouvoir sortir de l'accord sans problème. Un accord d'itinérance ne pourrait donc être pérenne que dans les zones les moins denses, par exemple les zones blanches, « où les incitations à investir sont très limitées ».
Une mutualisation à privilégier sur les zones prioritaires
La mutualisation, elle, a plusieurs degrés. Il y a la mutualisation des infrastructures passives (comme un point haut), celle des installations actives (comme une antenne) et la mutualisation des fréquences, payées à prix d'or par chaque opérateur.
Comme nous l'annonçait son président Sébastien Soriano en novembre, l'ARCEP recommande fortement la mutualisation des installations passives, mais est bien plus prudente sur celle des équipements actifs. Une mutualisation sur une grande partie du territoire est possible, mais doit avoir plus d'effets positifs que négatifs, « en particulier des bénéfices suffisants aux utilisateurs ». En clair, le gendarme veille au grain sur le sujet.
Pour le régulateur, il faut garantir « un périmètre minimal de concurrence par les infrastructures », qui correspond aux zones denses où les opérateurs ont la majeure partie de leur activité. A contrario, il encourage fortement l'itinérance et la mutualisation dans les zones moins denses. La mutualisation la plus sensible, celles des fréquences mobiles, doit elle « être réservée aux zones peu denses ».
L'accord Orange-Free sur la 3G à éteindre par plaques dès que possible
À partir de ces critères, le premier contrat étudié par l'ARCEP est l'accord d'itinérance Free Mobile en 2G et 3G sur le réseau d'Orange, qui coûte plusieurs centaines de millions d'euros par an à Iliad. Son extinction est prévue pour la fin 2017, alors qu'il est largement contesté par la concurrence et que Free Mobile remplit ses obligations de couverture (75 % de la population en 3G en janvier 2015). Le régulateur se dit d'ailleurs confiant sur le projet jalon : 90 % de la population en 3G d'ici janvier 2018.
Quelques problèmes existent tout de même, dont une couverture en propre en retrait face à celle d'Orange et une qualité de service moindre que celles de ses concurrents. Le contrat d'itinérance n'étant qu'un élan donné à Free Mobile pour son lancement en 2012, il devra bien être clos une fois que son réseau sera assez performant.
L'ARCEP ne compte pas attendre l'échéance de la fin 2017 pour commencer à éteindre l'itinérance en 3G. Pour l'autorité, de premières zones peuvent être coupées « avant la fin 2017 », là où le réseau Free peut tenir la charge seul. Par contre, elle estime que la fin totale de l'itinérance devra arriver après la date prévue, entre fin 2018 et fin 2020. Une des raisons est que même avec 90 % de la population couverte en 3G, Free Mobile aura sûrement besoin d'une aide pour couvrir les 10 % restants et l'intérieur des bâtiments.
Côté 2G, la question n'est pas tant les déploiements de Free Mobile (qui ne dispose pas de licence 2G) mais le pourcentage de terminaux qui dépendront encore entièrement de cet ancien réseau. Pour le régulateur, l'accord 2G pourra être éteint entre début 2020 et fin 2022. Sur la 3G, l'ARCEP prévoit tout de même des contrôles de l'extinction de l'itinérance, par exemple par zones.
Plus de transparence demandée sur la mutualisation Bouygues-SFR
Le second accord examiné par l'autorité est celui signé début 2014 entre Bouygues Télécom et SFR, qui ont prévu de mutualiser leurs réseaux mobiles (2G, 3G et 4G) sur environ 57 % du territoire. Chacun opère une moitié de la zone, qui exclut les agglomérations de plus de 200 000 habitants et les zones blanches. En attendant que la mutualisation soit effective, pas avant 2018, Bouygues Télécom fournit une itinérance 4G à SFR sur 15 à 20 % du territoire concerné. Pour l'ARCEP, étant donné que la construction du réseau mutualisé prend du retard, la fin de l'itinérance ne doit pas être liée à son calendrier.
En clair, l'ARCEP propose une fin de cette itinérance 4G entre la fin 2016 et fin 2018, que le réseau mutualisé soit prêt ou non. Il faut dire que les deux opérateurs ne sont pas les meilleurs élèves sur la couverture 4G. « SFR et Bouygues Telecom sont les opérateurs qui ont déployé la 4G le moins rapidement en 2014-2015 » constate l'autorité. Elle se dit aussi « vigilante » sur le respect des obligations de couverture (40 % de la population en janvier 2017).

Sur la mutualisation des réseaux mobiles en elle-même, l'ARCEP demande donc plus de contrôle par les pouvoirs publics. D'une part, elle veut plus de transparence sur les objectifs de gains en qualité de service, ainsi que les gains réels au fil du temps. D'autre part, elle demande la possibilité que ces garanties soient opposables par l'État.
Enfin, « les risques de concertation injustifiée sur le marché de gros pourraient être mieux circonscrits », estime l'autorité. En cas d'itinérance d'un autre opérateur sur ce réseau, une concertation a posteriori avec les pouvoirs publics pourrait ainsi être nécessaire.
Tous ces scénarios, que ce soit pour Orange et Free ou pour Bouygues Télécom et SFR, sont calculés à quatre opérateurs. Dans le cas où Orange rachète Bouygues Télécom, ces prévisions pourraient bien être revues. Les opérateurs ont donc jusqu'à fin février pour proposer leurs propres dates d'extinction des accords d'itinérance. L'accord de mutualisation du réseau entre Bouygues Télécom et SFR, lui, semble avoir encore de beaux jours devant lui, même s'il mériterait d'être rendu bien plus transparent.