L'European Digital Rights (EDRi), qui fédère une cinquantaine d'ONG de défense des droits humains à l'ère numérique, a compilé une impressionnante liste d'arguments s'opposant à ce qu'elle qualifie de « projet de loi européen le plus critiqué de tous les temps ».
La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants est l' « une des lois européennes sur l'internet les plus controversées et les plus malavisées » auxquelles ait jamais été confronté l'EDRi, qui a compilé un nombre impressionnant d'avis et rappports d'experts à ce sujet :
« Un nombre sans précédent de parties prenantes se sont inquiétées du fait qu'en dépit de ses objectifs importants, les mesures proposées dans le projet de règlement européen sur les abus sexuels commis sur des enfants sont fondamentalement incompatibles avec les droits de l'homme, les droits fondamentaux et la jurisprudence de l'UE. »
EDRi relève bien évidemment que « toutes les parties prenantes conviennent de l'importance de l'objectif de protection des enfants ». Pour autant, « toutes les évaluations juridiques et techniques formelles ont conclu que les mesures proposées pourraient constituer des violations disproportionnées de la vie privée, des données personnelles et de la liberté d'expression, et s'appuyer sur des mesures techniquement irréalisables ou dangereuses. »
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La publication de cette compilation d'arguments est d'autant plus opportune qu'Apple vient tout juste d'expliquer avoir finalement renoncé à détecter les contenus pédocriminels afin d'éviter tout risque de « surveillance de masse », et que la Grande-Bretagne vient de son côté de renoncer à son propre projet de surveillance proactive des messageries chiffrées initialement destiné, tout comme la proposition européenne, à identifier les contenus pédosexuels, parce que cela s'avère « techniquement impossible ».
Quand les autorités se tirent une balle dans le pied...
EDRi commence son recensement en soulignant, ironiquement, que l'analyse d’impact de la Commission européenne reconnaît elle-même qu’il n’existe pas de méthodes offrant de bons niveaux de confidentialité, de sécurité et de faisabilité, et que son propre comité de surveillance réglementaire a pour sa part prévenu que la proposition pourrait s'apparenter à une surveillance généralisée, et donc illégale.
L'avis officiel du service juridique du Conseil de l'UE a, lui aussi, mis en garde contre un « risque sérieux » de surveillance généralisée, sapant le chiffrement, et violant l'essence même du droit à la vie privée.
Le Contrôleur européen de la protection des données et le Comité européen de la protection des données ont tous deux averti que la proposition porterait gravement atteinte à des personnes innocentes, sans que rien ne prouve qu'elle protégera les enfants.