À San Francisco, Cruise et Waymo peuvent désormais proposer des courses payantes en voiture autonome toute la journée, sans la présence d’un chauffeur de « secours » derrière le volant. Une étape majeure pour les deux sociétés, qui vont rapidement étendre leurs services commerciaux.
En Californie, les deux entreprises américaines étaient déjà autorisées à faire rouleur leurs « taxis » autonomes, mais avec des limitations. Cruise pouvait ainsi facturer des clients sur ses voitures autonomes sans chauffeur, mais uniquement entre 22h et 6h. Le reste du temps, il fallait qu’un « chauffeur de secours » soit derrière le volant. La société pouvait par contre opérer gratuitement toute la journée à San Francisco.
Pas de restriction horaire du côté de Waymo, mais la filiale d’Alphabet (Google) ne pouvait facturer ses clients qu’en la présence d’un chauffeur de secours derrière le volant de sa voiture autonome. La California Public Utilities Commission (CPUC) rappelle que Waymo pouvait également proposer ses services gratuitement « dans certaines parties de Los Angeles et autour de Mountain View, avec ou sans présence d'un chauffeur de sécurité ».
Cruise et Waymo deviennent des concurrents de Uber et Lyft…
Désormais, c’est bien plus simple : Cruise et Waymo peuvent transporter et facturer des clients toute la journée à San Francisco, qu’un humain soit présent ou non derrière le volant. La principale différence tient donc à la possibilité de facturer les clients à toute heure de la journée dans une voiture autonome sans chauffeur, et ainsi commencer à rentabiliser les lourds investissements.
La CUPC affirme avoir examiné de près les demandes des deux entreprises avant de rendre sa décision, « y compris les mesures de sécurité des passagers » qui sont mises en place. « Bien que nous n’ayons pas encore les données nécessaires pour juger les véhicules autonomes face aux conducteurs humains, je crois au potentiel de cette technologie pour améliorer la sécurité sur la route », affirme John Reynolds, commissaire de la CPUC.
Revenons deux minutes sur John Reynolds, un membre un peu à part de la CPUC. Il était en effet conseiller juridique de Cruise pendant près de trois ans (jusqu’en janvier 2022), comme on peut le voir sur sa page LinkedIn. The Verge rappelle qu’il s’était récusé lors des précédents votes de la commission sur les voitures autonomes. Il a par contre participé à celui-ci car, selon lui, de l’eau a coulé sous les ponts depuis.
Rappelons également que dans l’accident mortel impliquant une Tesla, le NHTSA (régulateur des transports américains) vantait les louanges du pilote automatique (Autosteer). Contrairement à ce que le nom laisse penser, il ne s’agit pas de conduite autonome, mais d’une aide : le conducteur doit garder les mains sur le volant et être prêt à reprendre le contrôle à tout moment. Malgré tout, « les données montrent que le taux d'accident des véhicules Tesla a chuté de près de 40 pour cent après installation d'Autosteer », selon le NHTSA.
De manière générale, les voitures autonomes sont généralement bien meilleures que les conducteurs humains, même si tout n’est pas parfait. Il reste néanmoins plusieurs questions juridiques et éthiques à régler.
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… avec des limitations
Dans les autorisations délivrées par la CPUC (Cruise et Waymo), il existe des limitations. Cruise par exemple ne peut pas dépasser les 35 miles/h, soit 56 km/h. De son côté, Waymo peut grimper jusqu’à 65 miles/h, soit 105 km/h. Dans l’autorisation de la filiale d’Alphabet, il est également précisé qu’elle peut opérer « dans des conditions météorologiques défavorables, y compris la pluie et le brouillard ».
Les deux entreprises ne peuvent pas proposer de courses partagées entre plusieurs clients. Cruise ne prévoit pas de le faire, tandis que rien n’est mentionné concernant Waymo.
Cruise et Waymo sur un petit nuage
Kyle Vogt, CEO et cofondateur de Cruise se dit particulièrement « ravi » de pouvoir désormais proposer un « fonctionnement payant 24h/24 et 7j/7 dans tout San Francisco ». Même son de cloche chez Waymo. Pour Tekedra Mawakana, co-CEO de l’entreprise, cette étape « marque le véritable début des opérations commerciales à San Francisco ».
« Dans les semaines à venir, nous commencerons à facturer les trajets réservés aux passagers dans la ville et à en accueillir progressivement davantage », ajoute Waymo. Il y aurait pour le moment plus de 100 000 personnes sur la liste d’attente. La société revendique actuellement plus de 10 000 trajets – sans humain au volant – chaque semaine à travers les villes de San Francisco et Phoenix.
Des pour et des contres, la CPUC explique sa décision
The Verge précise que les membres de la commission ont voté avec trois voix en faveur de ces autorisations et une contre, au terme d’une audience de six heures. Les échanges étaient parfois houleux, comme le rapportent nos confrères. Il faut dire que les expérimentations à San Francisco n’ont pas toujours été de tout repos.
Des voitures autonomes ont par exemple bloqué des routes avec la création de bouchons, empêchant parfois les véhicules d’urgence de passer. Certains craignent également que les voitures autonomes deviennent de nouveaux outils de surveillance avec leurs nombreux capteurs et caméras, dont les données pourraient être remises aux forces de l’ordre sur réquisition.
Du côté des personnes en situation de handicap, c’est mi-figue mi-raisin : certains sont pour, d’autres préféreraient que l’on développe les transports en commun adaptés à leurs handicaps. Des chauffeurs de VTC se sont aussi élevés contre ces « robotaxis » autonomes. Selon nos confrères, le camp des « non » était un peu plus présent.
Mais la CPUC explique que Cruise et Waymo ont respecté toutes les obligations du cadre réglementaire sur les essais des voitures autonomes. « Nous devons fonder notre décision sur ces données et ces témoignages, ainsi que dans le champ d’action de notre autorité », explique Alice Busching Reynolds, présidente de la commission, pour justifier la décision.
En France, on a des ronds-points, beaucoup de ronds-points
En France, des expérimentations ont aussi lieu depuis des années, mais une spécificité locale complique un peu les choses : les ronds-points. La France en compterait « entre 30 000 et 40 000 » selon le CNRS – et même largement plus selon certains – « soit près de la moitié des ronds-points comptabilisés dans le monde ».
Le problème étant que cette question « n’est étudiée nulle part ailleurs », affirmait le CNRS il y a un peu moins de deux ans. Et il est bien difficile d’imaginer un trajet de « robotaxi » sans jamais rencontrer le moindre rond-point tant ils sont présents dans le paysage.