L’Europe privée de lanceurs jusqu’en 2024

Une Ariane vous manque ...

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Alors qu'Ariane 5 vient de réussir son 117è et dernier décollage, l'Europe se retrouve le bec dans l'eau cette année avec le retard d'Ariane 6 qui devait prendre la suite du fameux lanceur et les déboires de Vega-C qui n'en finit pas de repousser son retour sur les pas de tir.

Ça y est, on peut dire que le vol VA 621 et dernier vol d'Ariane 5 est un succès. La fusée européenne qui a assuré pendant 27 ans le lancement de 239 satellites est bien dans notre rétroviseur et l'Europe doit maintenant se tourner vers son avenir spatial.

Pour l'instant, celui-ci reste bien flou et l'Europe spatiale va devoir dépendre, pour un temps, du bon vouloir des lanceurs américains et notamment du Falcon 9 de SpaceX – comme pour le lancement d’Euclid – car Ariane 6 et Vega-C accumulent les retards. 

Le Centre spatial guyanais en stand-by

Conséquence des déboires des lanceurs européens et de l'arrêt prématuré des lancements Soyouz suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le Centre spatial guyanais tourne lui aussi au ralenti depuis 2020. Seulement sept lancements cette année-là ainsi qu'en 2021 et six en 2022. En 2023, seulement deux lancements pour l'instant, les deux derniers d'Ariane 5.

Le Centre vient d'ailleurs de subir la suppression de 190 postes, actée par un accord signé entre les directions d’Arianespace, ArianeGroup et du CNES et l’intersyndicale CFE-CGC, FO, UTG (Union des Travailleurs Guyanais).

Si cette réduction d'effectifs était prévue depuis longtemps, elle coïncide avec un trou d'air dans les lancements prévus sur le pas de tir de Kourou.

Ariane 6 se fait désirer, et pas qu’un peu !

En 2014, lorsqu'Ariane 6 est validée par le Conseil de l'ESA, le vol inaugural était prévu fin 2020. Le tuilage entre la version 5 et la version 6 du lanceur européen devait donc se faire sans souci. Mais il a constamment été repoussé d'année en année. Officiellement, les annonces sont des plus floues et même si la prévision d'un premier vol d'Ariane 6 fin 2023 n'est pas démentie, il est possible qu'il soit repoussé au premier semestre de l'année 2024.

Dans le Monde, Frédéric d’Allest, premier PDG d’Arianespace, dénonce le manque d'anticipation pour lancer les études sur la conception d'Ariane 6 à temps, selon lui, à cause de « la paralysie du CNES, tétanisé par les deux échecs d’Ariane-5 en 2001 et 2002 ». Pour lui, c'est à ce moment-là que l'évolution d'Ariane aurait pourtant dû être lancée, alors même que SpaceX testait de son côté son lanceur Falcon et non dix ans plus tard.

Quoi qu'il en soit, Ariane 6 ne sera pas prête pour des lancements commerciaux avant 2024. Et le tuilage ne pourra pas avoir lieu : les chaines de production utilisées pour Ariane 5 ont été reconverties depuis longtemps pour Ariane 6 ou arrêtées et la remise en route serait trop longue.

Vega-C sans doute repoussée à 2024

Concernant l'autre fusée européenne, Vega-C, les difficultés se suivent aussi. Suite à l'échec de son premier vol commercial en décembre 2022, le lanceur léger italien devait s'envoler pour un tir de qualification avant la fin de l'année. Cet échec a été attribué à une anomalie dans le col de tuyère du moteur Zefiro 40 du second étage. Elle était fabriquée en Ukraine et le constructeur Avio s'était engagé à revenir à l'utilisation de cols de tuyère fabriqués par ArianeGroup.

Mais fin juin, Avio, son constructeur, a annoncé dans un communiqué de presse avoir détecté une anomalie lors de l'essai de mise à feu statique du moteur Zefiro 40, celui utilisé dans le deuxième étage de Vega-C et qui avait posé problème. Si le nouveau matériau carbone-carbone de la tuyère « a montré une performance nominale », « après 40 secondes d'essai, une autre anomalie a été révélée, entraînant une réduction des performances globales du moteur en matière de pression avant l'achèvement de l'essai prévu à 97 secondes ».

Le constructeur a indiqué qu'une étude plus approfondie et des essais devaient être menés en coopération avec l'Agence spatiale européenne (ESA) pour garantir des conditions de performance optimales. Vega-C est donc loin d'être prête et l'on peut raisonnablement penser qu'elle ne redécollera pas avant la fin de l'année.

L’Europe n’a pas franchement le droit à l’erreur avec Vega-C, deux anomalies coup sur coup seraient catastrophiques pour l’image de marque. Ariane 6 aussi doit réussir son entrée dans le grand bain pour conserver son image de lanceur à la fiabilité éprouvée… mais ça commence à faire long, il faut bien l’avouer.

Commentaires (13)


Cela fait vraiment choc des cultures ou plutôt de générations. Entre les anciens qui ne supportent pas l’idée d’un échec et ceux qui assument de les enchainer, il y a manifestement un chiisme.



Sachant que l’on apprend rien sans échec, comment va t-on faire?


Ou alors des organismes publiques qui doivent rendre des comptes si ça foire, et du privé qui a la bénédiction d’un patron pleins aux as pour faire des tests grandeur nature, pourvu que ça avance vite…


yannickta

Ou alors des organismes publiques qui doivent rendre des comptes si ça foire, et du privé qui a la bénédiction d’un patron pleins aux as pour faire des tests grandeur nature, pourvu que ça avance vite…


Je suis d’accord avec les éléments que tu soulève. Mais la question retste entière.



Mon sentiment est que les structures très efficaces qui ont permis à la France et à l’Europe de développer des savoirs faire de pointe se sont ankylosées. La peur et l’interdit de l’échec en sont la conséquence selon moi.


Ce sont deux approches différentes. Et donc il est normal de ne pas supporter l’échec quand celui-ci a lieu sur un vol commercial. SpaceX font plein de tests grandeur nature, c’est prévu que ça explose, ce sont des tests. C’est moins gênant de voir partir en fumée la fusée de test dont on avait envisagé sa destruction, qu’une fusée de série qui emmenait le matériel onéreux des clients.



Les déboires d’Ariane et Vega-C dont on parle ici, c’est comme si Crew Dragon avait explosé avec des gens à bord. Leur PDG aurait du mal à s’en sortir avec un “ah ah, c’est normal, on s’y attendait !” dans ce cas.


Il faudrait surtout encourager les startup innovantes européennes eu lieu de chercher à préserver Arianespace.



Quoi qu’en dise Frédéric d’Allest, les dirigeants de l’époque y compris Stéphane Israël, toujours en poste (!), se moquaient de SpaceX et ne croyaient pas à la réutilisation. Ariane 6 n’arrive pas juste trop tard, elle est déjà obsolète sur le papier depuis sa conception.



wagaf a dit:


Il faudrait surtout encourager les startup innovantes européennes eu lieu de chercher à préserver Arianespace.



Quoi qu’en dise Frédéric d’Allest, les dirigeants de l’époque y compris Stéphane Israël, toujours en poste (!), se moquaient de SpaceX et ne croyaient pas à la réutilisation. Ariane 6 n’arrive pas juste trop tard, elle est déjà obsolète sur le papier depuis sa conception.




Ce n’est pas vraiment une startup qui peut faire ce genres de choses sans énormément de fonds derrière. Il faut aussi prendre en compte que l’industrie de lancement de satellites répond aussi a des problématiques plus grandes que pour l’aviation civile par exemple. L’origine de la création du groupe Ariane c’est quand même le refus de l’oncle Sam d’envoyer des satellites qui rentre en concurrence avec les leurs. Ne parlons même pas des satellites militaires. Donc oui on a du retard sur les US mais est-ce si important ?


Une startup n’a pas pour but de faire un produit rentable mais de se faire racheter. Alors subventionner des startups avec de l’argent public pour voir les brevets se faire racheter dans 5 ans par Musk, non merci.


A mettre de l’argent public, je préfère qu’il s’agisse dans une entreprise publique plutôt qu’une société qui ne permettra que d’enrichir les sociétaires si la société décolle (double sens tavu :D ) et être dépendant d’aléas du secteur privé.


Zetny

A mettre de l’argent public, je préfère qu’il s’agisse dans une entreprise publique plutôt qu’une société qui ne permettra que d’enrichir les sociétaires si la société décolle (double sens tavu :D ) et être dépendant d’aléas du secteur privé.



Zetny a dit:


A mettre de l’argent public, je préfère qu’il s’agisse dans une entreprise publique plutôt qu’une société qui ne permettra que d’enrichir les sociétaires si la société décolle (double sens tavu :D ) et être dépendant d’aléas du secteur privé.




SpaceX est une société privée privée, c’est à dire non côtée sur un marché public comme le NYSE. Les parts possédées par les propriétaires ne valent que d’hypothètiques montants estimés par des banquiers d’affaires, comme le Manu. Et de toute façon, le gouvernement US ne laissera jamais SpaceX faire une IPO car c’est un domaine trop stratégique pour la sécurité nationale.



Donc ça n’enrichit pas tant que ça les propriétaires…



wanou a dit:


il y a manifestement un chiisme.




Il aurait suffit d’un peu de bonne volonté pour qu’ils sunnites…


Reste à savoir à qui prophète tout ça… :fumer:



the_frogkiller a dit:


Ce n’est pas vraiment une startup qui peut faire ce genres de choses sans énormément de fonds derrière. Il faut aussi prendre en compte que l’industrie de lancement de satellites répond aussi a des problématiques plus grandes que pour l’aviation civile par exemple. L’origine de la création du groupe Ariane c’est quand même le refus de l’oncle Sam d’envoyer des satellites qui rentre en concurrence avec les leurs. Ne parlons même pas des satellites militaires. Donc oui on a du retard sur les US mais est-ce si important ?




SpaceX est parti de zéro il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui ce sont les leaders.
Ils ont été soutenus par l’État américain pour faire émerger une concurrence à Boeing, leur équivalent de notre Arianespace.



Il y a aussi Rocket Lab et d’autres qui émergent.



Soit on accepte de lâcher Arianespace et surtout d’encourager des concurrents européens, ce qu’on aurait dû faire depuis longtemps, soit on continue de s’enfoncer dans l’obsolescence et dans la dépendance envers ceux qui ont su bouger.




Zetny a dit:


A mettre de l’argent public, je préfère qu’il s’agisse dans une entreprise publique plutôt qu’une société qui ne permettra que d’enrichir les sociétaires si la société décolle (double sens tavu :D ) et être dépendant d’aléas du secteur privé.




Dans une économie saine (c’est pas si rare que ça), les transactions entre acteurs privés sont gagnant-gagnant.



Par ex. SpaceX a fait gagner des milliards à la NASA (et donc aux contribuables américains) en faisant fondre le prix des lancements par l’innovation (réutilisation et optimisation de la chaine de production).



Des gros mastodon inefficaces et incapables de changer de voie même après 10 ans d’erreurs il y en a partout, dans le public et le privé (Arianespace et Boeing).



À mettre de l’argent public (l’argent des travailleurs qui bossent dur pour le gagner) je préfère que cet argent ne soit pas jeté par la fenêtre ou utilisé pour mettre en scène notre humiliation et manque de vision devant le monde entier pour deux fois le prix de SpaceX.



wagaf a dit:


SpaceX est parti de zéro il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui ce sont les leaders. Ils ont été soutenus par l’État américain pour faire émerger une concurrence à Boeing, leur équivalent de notre Arianespace.




Pas si longtemps … SpaceX a 21 ans quand même et leur premier lancement a eu lieu en 2005.


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