Selon une équipe de recherche du MIT, la généralisation des voitures autonomes sera comparable à un datacenter sur roues en matière de gaz à effet de serre.
La voiture autonome est le Graal de la conduite assistée qui a permis à de nombreux industriels de lancer des projets d'assistance des véhicules toujours plus poussés. Les voitures intègrent une quantité croissante d'électronique, au point qu'en 2021 Wired parlait de « datacenters ou de superordinateurs sur roues ». Mais petit à petit, ces systèmes risquent de consommer de plus en plus et de devenir un poste non négligeable d'émissions de gaz à effet de serre.
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Dans un article scientifique [PDF] qui reprend l'expression de Wired, des scientifiques du MIT se sont penchés sur le calcul de l'ensemble des émissions induites en cas de généralisation des voitures autonomes. Leur conclusion est que si on adoptait de manière massive ces véhicules, leurs émissions de gaz à effet de serre seraient rapidement du même ordre que celle des datacenters disséminés dans le monde.
Une informatique embarquée consommatrice
La doctorante au MIT Soumya Sudhakar et ses collègues affirment dans leur article qu' « un véhicule autonome qui roule une heure par jour en calculant 10 inférences d'apprentissage profond à 60 Hz sur chacune des entrées de 10 caméras, ferait 21,6 millions d'inférences par jour, et un milliard de véhicules autonomes ferait 21,6 quadrillions [1024, ndlr] d'inférences par jour ! ». Effectivement, la vaste quantité de calculs justifie de se poser la question de l'énergie dépensée pour autonomiser nos voitures.
Ils ont donc calculé combien il faudrait de véhicules autonomes (VA) pour atteindre l'équivalent de gaz à effet de serre émis par les datacenters, en prenant comme point de comparaison l'année 2018 pour laquelle ils ont émis 0,14 gigatonne équivalent CO2.
L'idée n'est pas de calculer leurs émissions globales, mais uniquement celles des puces : leurs calculs n'incluent ainsi pas le fonctionnement des capteurs, la fabrication des composants, ou les émissions liées à la création et à l'entraînement des réseaux de deep learning nécessaires à leur fonctionnement.
Résultat, avec 335 millions de véhicules autonomes (soit plus d'un quart du parc automobile mondial actuel) circulant en moyenne une heure par jour et une puissance de 840 watts utilisés par l'ensemble des puces, le parc mondial de ces véhicules égalerait les émissions des datacenters.
Le remplacement du parc automobile mondial (1,2 milliard de voitures) par des véhicules autonomes consommerait, lui, 1% du total des émissions équivalent CO2 de l'année 2019.
Et ce scénario avec la puissance de 840 watts demandés par les ordinateurs de bord est optimiste, puisqu'avec les puces actuelles, il faudrait plusieurs kilowatts pour les faire fonctionner.
Différents scénarios
Les chercheurs ont modélisé plusieurs scénarios d'adoption des véhicules autonomes et de leurs consommations.
Par exemple, avec une puissance actuellement demandée par 8 caméras et 10 tâches à 60 Hz et une adoption de 95 % de véhicules autonomes, les émissions des ordinateurs de bord seraient le double de celles des datacenters. Mais si on augmente le nombre de caméras et les tâches, les émissions explosent avec, par exemple, une possibilité d'atteindre 4 tonnes d'équivalent CO2 par an si on utilise des systèmes à 16 caméras et 100 tâches à 60 Hz.
Ils ont aussi calculé les émissions en prenant en compte différentes évolutions d'efficacité du matériel. Ils expliquent que « pour que les émissions dues à l'informatique embarquée dans les VA en 2050 restent inférieures aux émissions des centres de données de 2018 ou à 1 % des émissions totales de 2019 dans le scénario d'adoption élevée, l'efficacité énergétique du matériel doit doubler plus rapidement que tous les 1,1 ou 1,4 an respectivement. ». Or, selon eux, pour le moment, l'efficacité énergétique du matériel ne double que tous les 2,8 ans.
Des tendances insuffisantes
En conclusion, pour eux, les tendances « Business-as-usual » ne suffiront pas à contenir les émissions de carbone opérationnelles de l'informatique embarquée. Il va falloir trouver des solutions pour que ces systèmes consomment beaucoup moins.
Ils proposent, entre autres, de travailler sur la spécification du matériel à ces tâches de conduite autonome et le développement d'algorithmes moins énergivores, tout en soulignant que ce gain en efficacité peut se faire au détriment de la précision.
Les scientifiques font aussi remarquer qu'ils se sont concentrés sur les unités de calcul, mais que la consommation des capteurs dans ce genre de système n'est pas négligeable.
Signalons que l’équipe n’aborde pas directement la question de l’effet rebond. Les gains en efficacité sont presque toujours suivis d’un décollage de la consommation. Les constructeurs pourraient être tentés d’augmenter les équipements consommateurs de ressources grâce aux progrès sur les composants.