Quand une box, un casque sans fil ou un câble HDMI brouille les fréquences

... dans une zone de 10 kilomètres alentour
Droit 7 min
Quand une box, un casque sans fil ou un câble HDMI brouille les fréquences
Crédits : ANFR

L'intérêt de « Brouillages d'ondes », le recueil d'enquêtes de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) publié à l'occasion de ses 25 ans (voire les première et deuxième parties de notre florilège) tient aussi au caractère improbable voire pittoresque de certaines des sources de parasitisme électromagnétique. 

L'ANFR note que « plus de 35 % » des brouillages qui lui sont signalés ont pour origine « un problème de compatibilité électromagnétique (CEM) », à savoir des signaux parasites émis par un appareil radioélectrique (préamplificateur TV, antenne, émetteur...), électrique ou électronique (éclairage par lampes LED, clôture électrique...) industriel ou domestique. 

L'agence explique que les causes de ce type d'interférences peuvent être multiples, qu'il s'agisse du vieillissement d'un composant, d'un mauvais entretien, d'un équipement en panne (mais non débranché), d'un usage non conforme, d'un appareil non adapté au marché européen (sans marquage CE), du desserrement ou de l’altération d’un câble, d'une mauvaise mise à la terre... :

« Il est ainsi important d’être vigilant lors de l’achat de cet équipement : il faut vérifier sa conformité à la réglementation européenne (directive RED), qui se traduit par un marquage CE, et aux éventuelles conditions d’utilisation dans sa documentation. Il faut ensuite le maintenir en bon état et ne pas hésiter à le changer périodiquement pour éviter son obsolescence. »

Un radioamateur ayant alerté l'ANFR d'un brouillage dans son village avait ainsi permis d'identifier non pas un, mais deux « parasites électromagnétiques » : un ruban LED servant à éclairer un dressing, et une clôture électrique « pour empêcher les chats errants de s’introduire dans le jardin et d’abîmer le potager ».

Un téléspectateur s'étant plaint qu'à partir de 18h, et jusque tard dans la nuit, les images de son poste de télévision étaient pixelisées, a par ailleurs permis à des enquêteurs de l'ANFR de remonter jusqu'à un spot halogène défectueux dans un complexe sportif voisin.

Un préampli TV, un câble HDMI, une box wifi, un casque sans fil

L'ANFR évoque également le brouillage d'un opérateur mobile au zoo de Beauval, dans le Loir-et-Cher, empêchant visiteurs et employés de téléphoner et de se connecter à la 3G.

Le brouillage émanait d'un préamplificateur de télévision situé dans les combles d'une maison située 2 kilomètres plus loin. Le responsable du brouillage étant de bonne foi et ayant accepté de régler le problème, l'ANFR précise ne pas avoir intenté de procédure judiciaire, ce que, légalement, elle aurait pourtant pu faire. 

Elle relève en effet devoir traiter « de très nombreux cas » similaires chaque année (180 en 2018) affectant les bandes de fréquences utilisées par la téléphonie mobile.

Alertés par le ministère de l'Intérieur que des installations radio du pylône d'un centre d’incendie et de secours étaient brouillées, les agents de l'ANFR furent par ailleurs confrontés à un cas de perturbation « particulièrement complexe », car intervenant « de manière aléatoire : pour le pister, il faut intervenir quand il se manifeste ! » :

« Les agents s’apprêtent alors à lancer la chasse au coupable, mais le brouillage disparaît. Quelques jours plus tard, ils interviennent à nouveau, mais sans succès, pour les mêmes raisons, le signal joue à cache-cache... Ce n’est que partie remise. »

Après plusieurs tentatives infructueuses, ils finirent par identifier un appartement situé à 100 mètres de la caserne des pompiers, puis un cordon HDMI reliant la box à la télévision « qui, mal isolé [et] peut-être par manque de blindage, rayonnait des signaux électromagnétiques parasites de manière intempestive dans une bande de fréquences pile réservée au ministère de l’Intérieur pour les communications des services de pompiers ». Ce brouillage n’intervenait donc que lorsque la télévision était en marche.

L'ANFR raconte aussi qu'une entreprise spécialisée dans le développement d’équipements professionnels GPS et Galileo pour la géolocalisation de haute précision avait identifié « une interférence pulsée, centrée sur la fréquence 1 581,15 MHz », qui perturbait ses activités, mais qu'elle ne parvenait pas à géolocaliser.

Grâce à un goniomètre, les agents de l'ANFR remontèrent jusqu'à un bâtiment puis, munis d'un récepteur portable doté d'une antenne directive, jusqu'à un appartement en particulier. Le coupable : une box défectueuse, qui permettait à une dame âgée de téléphoner, regarder la télé et se connecter à internet, « tout en parasitant une bande de fréquences sensible réservée à l’Aviation civile, à la Défense et à l’Espace ».

L'ANFR explique également comment un casque audio sans fil, « bien que disposant d'un marquage CE », avait dérivé et émettait lui aussi en dehors de sa bande de fréquences allouées, au point d'empiéter sur celle de la 4G et de brouiller les télécommunications dans une zone de 10 kilomètres alentour.

Du « brouillage frontalier » de la radioactivité

L'Agence évoque un autre cas de figure susceptible, lui aussi, de se démultiplier à l'avenir, à la rencontre de l'Internet des objets et de la robotique connectée et géolocalisée. Elle avait en effet été saisie par son homologue allemand, suite au brouillage d'un réseau de sondes installé le long du Rhin pour relever les niveaux de radioactivité.

Après avoir identifié que la source du « brouillage frontalier » se trouvait au sud de Mulhouse, la voiture laboratoire remonta jusqu'à une université avant que, munis d'un analyseur de spectre et une antenne directive, les détectives de l'agence n'aboutissent sur un toit.

Là, ils découvrirent une base RTK (pour real time kinematic, ou cinématique en temps réel en français) utilisant, dans le cadre de travaux de recherche et développement d’un robot autonome, mais « sans autorisation », la même fréquence que celle du réseau que l'organisme allemand utilisait, lui, avec autorisation.

L'ANFR précise que la technique de positionnement par satellite RTK permet d’apporter une précision accrue de positionnement, « de l’ordre du centimètre », par rapport aux signaux GNSS des systèmes GPS, GLONASS ou Galileo. Il a vocation à se banaliser : « Le RTK, très utilisé aujourd’hui pour l’agriculture de précision, s’impose comme une solution appropriée dans le cas de robots autonomes qui préfigurent ce que seront les véhicules autonomes de demain. »

L'ANFR rappelle en outre que l'utilisation des fréquences pour les réseaux mobiles professionnels (PMR) est encadrée par le code des postes et des communications électroniques (CPCE), qu'elle gère les demandes d’autorisation de fréquences PMR pour le compte de l’Arcep, et qu'elle a mis en place un portail dédié à cet effet.

Le compte à rebours et les portes des voitures

L'agence explique enfin qu'intervenant lors d'une course hippique, ses agents avaient identifié « une étrange émission » sur la fréquence 433,8 MHz.

Cette dernière fait partie de la bande 433,05-434,79 MHz dite « libre », c’est-à-dire non soumise à autorisation individuelle de l’Arcep, et que n'importe qui peut utiliser sans avoir à payer de redevance. L'ANFR rappelle cela dit que son utilisation ne doit pas excéder 10 % du temps (entre autres limitations), ce qui n'était pas le cas.

Plusieurs personnes ne pouvaient plus ouvrir la porte de leurs voitures, cette bande de fréquence étant précisément utilisée par les télécommandes (de voitures, de portes de garage, de portails, etc.) et le LoRa (protocole réseau sans fil bas débit dédié aux objets connectés).

La source n'était autre qu'un émetteur, « activé pour le compte à rebours du départ de la course », qui était resté continuellement en marche et qui, une fois éteint, permit aux turfistes de rouvrir leurs voitures, et de quitter l'hippodrome.

Signe des dommages collatéraux qu'un tel brouillage de la bande de fréquences dite « libre » peut entraîner, l'ANFR rappelle que le tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF) autorise, sous couvert d'une limitation de puissance d’émission (et donc de portée) ainsi que de « temps de cycle » (c’est-à-dire de taux d’utilisation), un grand nombre de catégories de dispositifs autorisés : 

« Wi-Fi, Bluetooth, RFID, systèmes d’alarmes, microphones, systèmes audio, systèmes de transport intelligent, radars pour automobiles, communication entre véhicules, télémesure, systèmes de recharge sans fil, applications de radiorepérage, applications inductives, implants médicaux actifs, autres dispositifs à courte portée non spécifiques, etc. »

Sur son site web, où elle partage des dizaines d'autres histoires de brouillages, l'ANFR racontait aussi récemment comment un système antivol RFID caché dans la doublure d'un sac à main avait été mal désactivé. De plus, « cousu dans la doublure du sac à main dans un autre continent », il n’était pas conforme à la réglementation européenne, utilisant la bande de fréquences 900 MHz réservée aux services 3G (téléphonie et données) :

« Cet improbable brouillage bénéficiait d’un double concours de circonstances. Le sac à main était posé dans une pièce qui donnait directement sur l’antenne relais en question. Les ondes émises par l’antenne relais activaient la puce RFID, qui à son tour émettait en continu son identification dans la bande 900 MHz, réservée en France aux réseaux mobiles. Une boucle sans fin s’enclenchait donc chaque fois que le sac était posé face à l’antenne. »

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