Smartphones et tablettes reconditionnés : des informations lacunaires dénoncées par la DGCCRF

Une bonne occasion de corriger le tir
Internet 6 min
Smartphones et tablettes reconditionnés : des informations lacunaires dénoncées par la DGCCRF
Crédits : jinga80/iStock

La DGCCRF a enquêté sur la vente de smartphones et tablettes reconditionnés. Le résultat est sans appel : des anomalies ont été constatées dans 62 % des établissements contrôlés. En cause notamment : l’« information délivrée aux consommateurs reste à améliorer ».

Réutiliser plutôt qu’acheter du neuf permet de réduire sa facture, aussi bien financière qu’écologique. Ce n’est que depuis février de cette année que l’expression « produit reconditionné » a enfin sa définition officielle en France. La conséquence d’un décret publié le 18 février, rétroactif au 1er janvier 2022. 

Le reconditionné, c’est quoi ? (les différences avec l’occasion)

Il ne peut ainsi s’agir que d’un produit ou d’une pièce détachée qui a subi « des tests portant sur toutes ses fonctionnalités afin d'établir qu'il répond aux obligations légales de sécurité et à l'usage auquel le consommateur peut légitimement s'attendre ».

Le produit a ainsi « subi une ou plusieurs interventions afin de lui restituer ses fonctionnalités », et cette intervention « inclut la suppression de toutes les données enregistrées ». Le décret prohibe plusieurs expressions comme « état neuf », « comme neuf », « à neuf ». Bref, les mentions qui peuvent tromper le consommateur sur le véritable statut du produit. Cela permet aussi de distinguer le « reconditionné » de l’« occasion ».

Ces précisions ne viennent pas seulement se caler sur la définition posée en Commission copie privée lors de l’extension  de la redevance éponyme à ces biens de seconde vie. Elles devraient aussi permettre à la DGCCRF de disposer de nouvelles armes à l’encontre des intermédiaires, qu’elle pourrait accuser de mélanger serviettes et torchons dans les annonces de vente notamment en ligne.  

La forte progression du reconditionné en France

Et justement, la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes vient de publier le résultat d’une enquête sur les smartphones et les tablettes reconditionnés. Sans surprise pour ceux qui se sont déjà penché sur le sujet, le résultat n’est pas à la hauteur : « l'information délivrée aux consommateurs reste à améliorer », d’autant plus dans un marché en forte progression.

Le marché du reconditionné est en effet loin d’être anecdotique : 2,8 millions de smartphones se sont ainsi vendus en 2020 selon la DGGCRF, soit 25 % de plus qu'en 2019. Cela ne représente que 13 % de l’ensemble des smartphones vendus sur l'année, mais ce chiffre devrait largement augmenter dans les années à venir, notamment à cause des pénuries et des hausses de prix sur certains composants. 

Dans un rapport mi-2021, l’Arcep rappelait que « 4,4 millions de téléphones de seconde main ont été achetés en 2020 en France ». Dans le lot, le marché de l’occasion représenterait 36 %, en baisse de 10 % sur un an, contre 64 % pour le reconditionné. Recommerce, spécialiste du reconditionné, était confiant pour l’avenir et estimait que « 50 % des Français envisagent d’acheter un mobile reconditionné auprès d’un professionnel ».

Le reconditionné a donc le vent en poupe ces derniers temps, pour deux principales raisons : la baisse de prix par rapport au neuf et l’aspect écologique qu’il ne faut prendre à la légère. Dans un rapport récent, l’Arcep et l’ADEME rappelaient que « en moyenne, faire l’acquisition d’un téléphone mobile reconditionné permet une réduction d’impact environnemental annuel de 55 % à 91 % (selon les catégories d’impacts) par rapport à l’utilisation d’un smartphone neuf ».

« Cela permet d’éviter l’extraction de 82 kg de matières premières et l’émission de 25 kg de GES par année d’utilisation, soit 87 % de moins qu’avec un équipement neuf », ajoutaient les deux institutions. Avec la crise sanitaire, la pénurie, la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, certains matériaux sont de plus en plus difficiles à obtenir, ce qui alourdit la facture écologique. 

Et même si l’on prend un téléphone auquel il faut changer l’écran, la batterie et auquel on ajoute des accessoires neufs, l’impact environnemental est « plus de 2 à 4 fois inférieur à celui de la production d’un équipement neuf, et ce, quels que soient la provenance et le lieu de reconditionnement », affirmait le régulateur des télécoms. Bref, le reconditionné est bon pour la planète et le porte-monnaie du consommateur, à condition qu’il soit bien informé.

Des dizaines d’injonctions et d’avertissements par la DGCCRF

C’est justement l’objet de la mission de la DGCCRF : « vérifier la loyauté des allégations figurant dans les offres commerciales, notamment celles portant sur la réalisation de tests. Les enquêteurs de la DGCCRF sont intervenus auprès de 84 magasins et sites de vente en ligne » ;

Si la liste des sociétés n’est par contre pas précisée, le verdict est sans appel : « ils ont constaté des anomalies, plus ou moins importantes, dans 62 % des établissements contrôlés ». Au total, 27 injonctions administratives et 26 avertissements ont été donnés, là encore sans donner le nom des mauvais élèves.

Les griefs concernent « des insuffisances dans les justifications apportées aux enquêteurs de la DGCCRF par les professionnels contrôlés, majoritairement des distributeurs, pour l'usage du terme "reconditionné", s'agissant en particulier des vérifications et tests effectués permettant de distinguer ces produits des simples biens "d'occasion" ». Comme expliqué, la différence est importante entre occasion et reconditonné : « L'utilisation du terme "reconditionné" induit en effet que les fonctionnalités de l'appareil ont été testées et que celui-ci a été si besoin remis en état ».

Les consommateurs pas suffisamment informés

Ce n’est pas tout, l’enquête des services de la répression des fraudes « a aussi permis de constater une insuffisance de l'information précontractuelle sur l'état des produits électroniques grand public et de communication reconditionnés, avec des informations sommaires se rapportant à l'état extérieur des produits, comme "très bon état", "premium", "bon état" ou "parfait état", sans plus de précisions ou accompagnées de la simple mention "fonctionnel" ». 

Le problème étant que, faute de détails suffisants, les consommateurs ne sont pas en mesure de connaitre l’éventuelle perte de qualité d’usage. Ils ne peuvent pas non plus comparer des produits reconditionnés entre eux ni avec un neuf. La DGCCRF pointe ainsi du doigt un manquement : « L'information donnée au consommateur n'est dans ce cas pas conforme aux articles L. 111-1 et L. 221-5 (vente à distance) du code de la consommation qui imposent aux professionnels de délivrer préalablement à la vente au consommateur les informations portant notamment sur les caractéristiques essentielles du bien ».

D’autres griefs sont aussi mis en avant par la Direction, notamment que « la notion de certification était souvent utilisée pour désigner des processus de contrôle interne ne correspondant pas aux exigences du cadre légal de certification, qui requiert de recourir à un organisme tiers accrédité ».

Confusion entre garantie légale et commerciale

Dernier point, l'information précontractuelle sur les garanties légales était « souvent inexacte, absente ou parfois même trompeuse ». Lors des contrôles, c'était notamment le cas de la garantie légale de conformité, c’est-à-dire « la garantie que peut faire valoir un consommateur contre les éventuelles défaillances d'un produit ».

Elle est de deux ans pour un produit neuf, mais de seulement un an pour les produits d’occasion. Problème, l'information donnée au consommateur « était souvent de nature à créer une confusion entre la garantie légale, obligatoire et gratuite, et la garantie commerciale, souvent payante ». Les boutiques poussent en effet à la vente de garantie supplémentaire pour augmenter le prix de la facture.

Après cette première enquête « exploratoire », la Direction compte continuer ses travaux afin « d'accompagner la mise en place des filières de reconditionnement » afin de « mettre en place une réglementation adaptée ».

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