Les opérateurs s’engagent à atteindre la « neutralité carbone d’ici 2040 »

De la transparence, mais pas trop
Internet 9 min
Les opérateurs s’engagent à atteindre la « neutralité carbone d’ici 2040 »
Crédits : luza studios/iStock

Alors que le numérique occupe une place toujours plus importante, les fournisseurs d’accès à Internet s’engagent afin de réduire leur empreinte écologique ; ils publieront chaque année des indicateurs (globaux). Les politiques et l’Arcep sont aussi sur la brèche, notamment sur la question des vidéos et du streaming.

La Fédération Française des Télécoms regroupe trois des quatre opérateurs nationaux : Bouygues Telecom, Orange et SFR, mais pas Free qui est absent de longue date. On y retrouve aussi plusieurs autres opérateurs comme Colt, La Poste Mobile, Prixtel, Syma, Verizon, etc. La liste complète des membres se trouve par ici.

Au Sénat, la FFTélécoms et Free se sont regroupés pour « présenter devant le groupe d’études "Numérique", une charte pour un numérique durable qui détaille les engagements volontaires du secteur ». Mais aussi « ambition commune exigeante d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2040, avec 10 ans d’avance sur les Accords de Paris ».

Les engagements pris par les opérateurs feront l’objet d’un bilan annuel, réalisé par la fédération « pour l’ensemble des opérateurs ». C’est aussi l’occasion pour ces acteurs du numérique de donner quelques chiffres sur leur consommation, mais sans trop entrer dans les détails.

L’empreinte du numérique et celles des réseaux

Selon la FFTélécoms, « les réseaux télécoms représenteraient en moyenne 0,4 % de l’empreinte carbone en France, soit 7 % de l’empreinte carbone du numérique (en incluant les datacenters et les équipements connectés) ».

Elle ajoute que, « afin de réduire les émissions de CO₂ […], les opérateurs investissent massivement dans les réseaux (11,5 milliards d’euros en 2020) et au service de l’innovation ». Il y a quelques jours, la fédération organisait une conférence pour présenter ses « vœux » 2022, depuis les studios d’Altice (du même groupe que SFR).

Une des tables rondes portait sur les questions environnementales. Liza Bellulo, secrétaire générale de Bouygues Telecom et vice-présidente de la FFTélécoms, en a profité pour donner quelques chiffres complémentaires :

« Le numérique c’est seulement 2 % des émissions globales des gaz à effet de serre en France, les réseaux télécoms ne représentent que 7 % de ces 2 %, et pourtant nous nous engageons et pourtant aussi le secteur du numérique est une solution à l’empreinte carbone […] Chaque jour de télétravail, un Français économise 200 kg de CO2 par an ». 

Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et président de l’AVICCA, ajoutait une prévision : « si on restait sur la dynamique actuelle en 2040 on serait à 7  % », au lieu des 2 % actuels. Il met ce chiffre en perspective : « Le trafic aérien c’est 4,7 %, c’est quelque chose de considéré comme important ». Sur le plateau, notons qu'aucun véritable contradicteur n'était présent pour questionner ces chiffres ou en donner d'autres afin d'animer « le débat ». 

Des réseaux efficients, quid de leur (dés)installation ?

La FFTélécoms rappelle que les « dernières technologies (fibre et 5G) » sont « moins énergivores et plus efficientes » – comme l’avait déjà expliqué l’Arcep – et constituent donc « un élément déterminant pour faire du numérique un outil de réduction de l’empreinte environnementale de nombreux secteurs industriels ».

La fédération ne parle par contre pas du déploiement des réseaux, notamment sur la fibre où les tracas sont nombreux : des sous-traitants (parfois étrangers) à foison, des points de mutualisation à refaire quasi intégralement, une guerre des poteaux pour les supports aériens… Quid du bilan carbone de tout cela ?

Il y a aussi la question du décommissionnement du réseau cuivre lorsqu’il sera totalement délaissé au profit de la fibre. S’appuyant sur des études de pays nordiques, Fabienne Dulac (Orange France) avait expliqué durant l’université du THD qu’enlever les câbles pourrait être plus néfaste écologiquement que de les laisser en place.

Revoilà la « taxe » copie privée sur le reconditionné

La FFTélécoms affirme également que, « pour limiter leur impact sur les ressources naturelles, les opérateurs ont mis en place des mesures fortes visant à encourager l’allongement de la durée de vie des terminaux, en favorisant par exemple la collecte des mobiles et le recours aux appareils reconditionnés en lieu et place d’appareils neufs ».

Durant une table ronde, Patrick Chaize rappelait que « le matériel pèse pour 80 % de l’empreinte globale ». Durant cette même conférence, Aurore Bergé, députée des Yvelines, rappelait tout le bien qu’elle pense de la copie privée sur le reconditionné et du « compromis » qui a été trouvé.

Patrick Chaize n’était pas du même avis : « c‘est donner un mauvais signal, sur justement la volonté de prendre l’environnement comme étant la priorité ». « Le défaut de la redevance copie privée c’est de faire en sorte que c’est une redevance forfaitaire : quel que soit le prix initial du matériel, la redevance s’applique », ajoute-t-il.

Les quatre indicateurs environnementaux de 2020

Quoi qu’il en soit, pour montrer leur « bonne foi », les opérateurs télécoms « ont décidé de partager d’ores et déjà quatre indicateurs clefs sur 2020 ». Ils seront mis à jour chaque année, sous le contrôle de la FFTélécoms.

  • Total des émissions de CO₂ (périmètres 1 et 2) : 363 101 TeqCO₂
  • Proportion de l’électricité renouvelable utilisée par rapport à l’électricité totale consommée : 26,47 %
  • Nombre de portables reconditionnés vendus par les quatre opérateurs : 150 922
  • Proportion du nombre de portables collectés par rapport à la somme totale de ceux vendus : 11,35 %

Comme on peut le voir, aucun détail n’est donné par opérateur, on ne sait pas non plus le pourcentage que représente le nombre de portables reconditionnés sur la masse de ceux vendu tout au long de l'année. Il ne s’agit que de chiffres globaux ne permettant pas de distinguer les éventuels bons élèves des mauvais. 

On relève aussi que les opérateurs sont ici juge et partie, sans l'intervention d'un organisme indépendant pour décider de la pertinence de tel ou tel chiffre/données. Ce qui explique sans doute les limites du résultat obtenu.

Les pistes : clim « innovante », énergie renouvelable…

Plusieurs pistes d’actions sont évoquées, à commencer par celles pour réduire les émissions de CO₂. Il est ainsi question de renforcer l’efficacité énergétique des réseaux, par exemple avec « la généralisation d’une climatisation innovante » dans les datacenters et le remplacement d’équipements anciens énergivores.

Les opérateurs vont également tenter de réduire « l’impact des flottes de véhicules » et d’améliorer « l’efficacité énergétique des bâtiments ». Il est aussi question, « quand cela est possible », d’avoir « recours aux énergies renouvelables notamment dans le cadre de contrat d’achat d’électricité renouvelable ».

Afin de limiter l’impact sur les ressources naturelles, les opérateurs vont « développer les démarches d’écoconception pour réduire l’impact des produits [physiques et services, ndlr] tout au long de leur cycle de vie ». Ils tablent également sur un allongement de la durée de vie des équipements, ce qui passe par exemple par « une promotion de l’indice de réparabilité ». L’UFC-Que Choisir pointait tout récemment du doigt les nombreux manquements à ce sujet.

Les opérateurs veulent aussi « augmenter la collecte des mobiles et le recours aux appareils reconditionnés en lieu et place d’appareils neufs ». La FFTélécoms rappelle que « 75 % de l’impact des terminaux mobiles est lié à la phase de fabrication et de distribution ».

On retrouve enfin une catégorie « fourre-tout » qui consiste à « mettre le numérique au service de l’environnement ». Pêle-mêle, on y retrouve la promesse d’« investir dans les innovations technologiques », d’« accompagner les consommateurs dans leurs usages numériques » et de mettre en place un suivi des engagements. Espérons que cela sera l'occasion d'impliquer des organismes tiers dans le processus.

La question des vidéos (conception et diffusion)

Laure de la Raudière, qui était aussi présente aux vœux de la FFTélécoms, en a profité pour donner quelques pistes de réflexion. Il est notamment question de « délivrer un label avec le CSA sur l’écoconception des vidéos », par exemple pour indique que « tel programme a été mieux conçu que tel autre ». Pour la présidente de l’Arcep, cela touche à la « question d’image de marque » et permettrait donc de lancer une « démarche vertueuse ».

Sur la question des vidéos, Liza Bellulo souhaitait que la France profite de sa présidence du Conseil de l'Union européenne pour revenir sur l’« évolution du trafic vidéo phénoménale ». Au lieu de « doubler les autoroutes d’ici 2030 », elle souhaite « construire un peu moins de routes » et « peut-être peut-on réduire la taille des camions ».

Pour cela, une solution pourrait être de mettre en place « un encodage plus économe des vidéos en amont puisque nous sommes finalement les émissions indirectes des GAFAM ». Derrière cette phrase se cache une volonté économique qui revient régulièrement sur le tapis : « faire davantage contribuer ceux qui nous envoient ce trafic ».

Faire contribuer (financièrement) les géants du Net

Elle cite notamment une idée qui a été émise il y a quelques années : « celle d’une terminaison d’appels data à l’interconnexion […] pour que ceux qui nous envoient du trafic vidéo contribuent davantage au financement des réseaux, car nous sommes le seul secteur de l’économie dans lequel le fret est gratuit. C’est quand même assez étonnant ».

Laure de la Raudière va dans le même sens. Elle rappelle que ce sont « les abonnements des consommateurs qui financent l’ensemble du réseau » avant d’ajouter : « il y a des gens qui achètent du trafic à un endroit et puis d’autres qui le reçoivent, peut-être qu’on peut financer/contribuer des deux côtés […] J’ai déjà demandé au Berec (le régulateur européen) de regarder ce sujet-là ». 

Enfin, elle ajoute que dans le cadre des licences 5G sur les 26 GHz à venir, « le gouvernement nous a demandé d‘intégrer la composante environnementale […] C’est une première au monde, ce n’est pas forcément une réflexion très facile ».

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