Vidéo d’Éric Zemmour : des tonnes d’extraits, mais pas de censure YouTube… pourquoi ?

RobotCopyright, mais pas trop
Droit 5 min
Vidéo d’Éric Zemmour : des tonnes d’extraits, mais pas de censure YouTube… pourquoi ?
Crédits : Eric Zemmour (via YouTube)

« Je suis candidat à l’élection présidentielle ». Dans une vidéo, Éric Zemmour entre officiellement dans la course pour 2022. Seul hic, cette vidéo reprend plusieurs extraits d’œuvres. Des ayants droit envisagent d’agir, selon Les Jours, mais les robotcopyrights de YouTube n’ont pas bougé d’un pouce. Pourquoi ?

C’est officiel. Eric Zemmour devient officiellement le candidat Zemmour. Dans cette vidéo de 10 minutes et 11 secondes, il déroule sa déclaration surfant sur son thème favori, la défense des valeurs (très) traditionnelles « pour que nous refassions des Français en France et pas des étrangers sur une terre inconnue ».

Et l’intéressé de promettre la poursuite de « la belle et noble aventure française » pour « transmettre le flambeau aux prochaines générations » face à une immigration qui « aggrave » tous les problèmes, soutient-il.

Dans son allocution, il assure vouloir « réindustrialiser la France », « rééquilibrer notre balance commerciale », « ramener en France nos entreprises qui ont déménagé », « cesser de brader » nos trésors technologiques « aux étrangers ».

Une vidéo diffusée depuis le site d’un hébergeur américain diffusée sur un site, Zemmour2022.fr, dont le nom de domaine a été déposé en Allemagne et qui est lui-même hébergé par une entreprise installée à Los Angeles. Et pas n’importe quelle entreprise : NationBuilder, dont les services furent utilisés par Jean-Luc Mélenchon en 2017, Alain Juppé, Emmanuel Macron, ou encore Donald Trump en 2016. 

Au-delà du fond, la vidéo du candidat Zemmour – déjà 379 417 vues en 3 heures -, a suscité plusieurs interrogations sur Twitter, en particulier pour le patchwork de vidéos que le candidat a intégré pour surfer sur ses thèmes favoris.

Des extraits de film, de plateaux TV, une vidéo de Yann Barthes, un passage de Léon Zitrone sur France 3, de BHL sur France 2, la reprise d’un reportage signé France 24, de BFM TV, etc.

Selon le journal Les Jours, « BFMTV et LCI ne diffusent plus la vidéo de Zemmour », au motif que « plusieurs extraits ont été utilisés sans l'accord des auteurs c'est le cas du film Jeanne d'Arc (Gaumont). Ou d'images du journaliste Clément Lanot ». Ces derniers envisageraient même des poursuites. « L'amateurisme est total », estiment nos confrères. 

« YouTube, toujours prompt à dégager les vidéos qui ne respectent pas les droits d’auteur va laisser combien de temps la vidéo de Zemmour en ligne ? » s’interroge par exemple Julien Bellver, de l’équipe de Quotidien. 

Comment expliquer cette situation ? De fait, si YouTube n’a toujours pas agi, c’est en raison de la mécanique interne de la gestion des contenus. Depuis des années, les ayants droit nourrissent les bases d’empreintes ContentID, la solution maison inventée en 2007 d’abord sous le nom de « Video Identification ».

Or, l’interface de cette solution (tout comme celles des concurrents) est modulable selon les utilisateurs.

En ce sens, les titulaires de droit peuvent décider de la durée minimum d’un extrait au-delà de laquelle le système de filtre va s’appliquer, avec possibilité de blocage ou de partage des revenus publicitaires.

« Les ayants droit peuvent configurer leurs règles en jouant sur différents paramètres tels que la durée d’un extrait reconnu, notamment au regard de la durée totale de l’œuvre concernée, ou le niveau de confidentialité des contenus partagés (public ou privé) », prévenait ainsi ce rapport du CSPLA en 2019

Le même document relevait de même qu’« il existe un seuil technique qui correspond à la durée minimum que doit faire un extrait pour pouvoir être reconnu par le système d'empreintes ».

« Avec les progrès techniques, ce seuil technique qui pouvait auparavant dépasser les 30 secondes baisse progressivement et peut parfois être réduit à quelques secondes aujourd'hui ». Seulement, les systèmes en vigueur contiennent un seuil de base calibré pour éviter « un trop grand nombre de correspondances pour les courts extraits, bandes-annonces, etc. »

Ainsi, si YouTube n’a pas « striké » ou supprimé automatiquement les vidéos, c’est avant tout parce que chaque ayant droit fixe le seuil de déclenchement à partir duquel la plateforme va adresser une notification automatique.

Sans notification, YouTube n'est pas devin

Voilà aussi pourquoi le live du Parti Pirate sur Twitch, hébergeur qui utilise des outils similaires, a été censuré à la demande de BFMTV alors qu’il reprenait l’entièreté de l’émission relative à la Primaire de la droite. Le dossier n’est pas clos, il a été transféré entre les mains du CSA à l’initiative du groupe politique soulève la question d’un débat d’intérêt général, conjugué à la liberté d’expression et d’information.

En somme, si au-dessus de ce seuil, les extraits dans la base d’empreinte sont automatiquement notifiés, en dessous de ce seuil, il revient à chaque ayant droit le soin d’adresser une telle dénonciation à la plateforme.

Dit autrement, sans notification, YouTube ne peut instinctivement deviner le sort qu’il doit réserver à chaque court extrait. Et si un long extrait reste en ligne (comme la musique du 2e mouvement de la 7e symphonie de Beethoven qui accompagne toute la vidéo), soit le contenu n'est pas dans la base d'empreintes, soit il est autorisé d'une manière ou d'une autre. 

La question des droits d'auteur 

L’absence d’une notification automatique ne permet pas de trancher la question de la légalité de ces reprises. Sans l’aval des titulaires de droits, ces extraits mêmes très courts peuvent constituer des atteintes à leur monopole, une atteinte au droit moral ou au droit patrimonial du droit d'auteur, pour autant que l'originalité de ces oeuvres soit démontrée. 

Il existe certes une exception de courtes citations, seulement celles-ci doivent être « justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées ».

Outre ces conditions d’inclusion, le Code de la propriété intellectuelle conditionne aussi leur bénéfice à une inévitable réserve : « que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source », ce qui n’a pas été fait dans la vidéo du candidat.

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