La DGCCRF ordonne le déréférencement de Wish, la plateforme contre-attaque

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Droit 7 min
La DGCCRF ordonne le déréférencement de Wish, la plateforme contre-attaque
Crédits : plej92/iStock

C’est une première. Bercy active l’une des nouvelles mesures prévues par le Code de la consommation afin de s’attaquer à la plateforme Wish. La DGCCRF va ainsi réclamer le déréférencement du site de e-commerce des principaux moteurs et des magasins d’application « afin de protéger au mieux les consommateurs ».

Début 2020, six associations de consommateurs du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) lançaient une campagne de vérifications sur des produits vendus sur les principales places de marché, dont eBay, AliExpress, Amazon et Wish. Au total, 165 produits sur les 250 achetés lors de ce test furent jugés dangereux.

« Entre fausses remises et produits dangereux, ce vendeur en ligne très prisé des jeunes multiplie les pratiques à la limite de la légalité ». Deux ans plus tôt déjà, l’UFC Que Choisir épinglait en ces termes Wish, plateforme américaine fondée par Piotr Szulczewski, un ancien de Google, et Danny Zhang, autrefois directeur chez AT&T.

La plateforme éditée par Contextlogic Inc. était également à l’index du rapport annuel de la DGCCRF (ou Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes). Les services de Bercy ont déjà transmis au procureur de la République les conclusions de ses investigations concernant plusieurs pratiques : des réductions calculées sur un prix de référence trompeur, de bruyantes mises en avant de produits non disponibles, quand ce n’est pas la présence de produits aux logos et signes distinctifs s’apparentant à ceux de marques déposées notoires…

Une injonction sans réponse satisfaisante 

En 2020, une enquête spécifique était ouverte concernant la question de la sécurité des produits. « Dans le cadre d’une campagne de prélèvements de plus de 140 produits vendus sur Wish, pour la plupart importés, l’enquête a permis de révéler la mise en vente d’un grand nombre de produits non conformes et dangereux, avec des taux de dangerosité particulièrement élevés pour certaines familles de produits comme les jouets (95 % non conformes, dont 45% dangereux), les appareils électriques (95 % non conformes, dont 90% dangereux) et les bijoux fantaisie (62 % dangereux) », écrit la Répression des Fraudes.

Depuis, se sont multipliés des faits peu glorieux. Ainsi, « il a été constaté que Wish n’effectuait pas les retraits et les rappels de produits de manière satisfaisante, comme elle en a pourtant l’obligation au titre de son statut de distributeur ».

Des pratiques pour le moins catastrophiques : « Si les offres concernant les produits notifiés dangereux sont bien retirées sous 24h, dans une majorité de cas ces produits restent proposés sous une autre dénomination et, de surcroît, parfois par le même vendeur, la société ne conservant d’ailleurs aucun historique lié à la vente des produits non conformes et dangereux ». Et la plateforme d’être accusée d’alerter les consommateurs de manière beaucoup trop évasive, sans même mentionner les causes du rappel.

En mai 2021, Wish fut enjointe par la DGCCRF de se mettre en conformité « en cessant de tromper le consommateur sur la nature des produits, sur les risques inhérents à leur utilisation et sur les contrôles effectués et ce dans un délai de 2 mois ».

Un déréférencement en plein BlackFriday

Ce délai passé, les ministres Bruno Le Maire, Alain Griset et Cédric O ont décidé d’activer une mesure inédite, inscrite à l’article L.521-3-1 du Code de la consommation. Un texte issu de la loi du 3 décembre 2020 « portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière » (dite loi DDADUE).

Ainsi, il a été demandé à la DGCCRF « d’enjoindre aux principaux moteurs de recherche et magasins d’application mobile le déréférencement du site de e-commerce Wish et de son application tant que cet opérateur ne se sera pas mis en conformité, afin de protéger au mieux les consommateurs ».

En clair ? Wish va être prochainement déréférencé de Google, Bing et les autres moteurs, outre des magasins d’applications, et ce tant que la plateforme n’aura pas répondu de manière satisfaisante à l’injonction initiale. « Les consommateurs réalisant des achats en ligne ne pourront ainsi plus être dirigés vers le site Wish à l’occasion de leur recherche de produits, dès lors que les risques d’acheter des produits non conformes et dangereux sur celle-ci sont importants », note la DGCCRF.

Pour Cédric O, « c’est avec détermination que nous avons pris aujourd’hui une décision forte et inédite. Il n’est acceptable pour une plateforme en ligne ni de vendre des produits qui ne sont pas au standard européen, ni de ne pas coopérer avec les autorités lorsqu’il s’agit de protéger les consommateurs »

Ceci dit, à l’approche du Black Friday, les consommateurs qui connaissent de longue date l’adresse de la plateforme pourront toujours y accéder directement depuis n’importe quel navigateur…

Pas de blocage

Pourquoi Bercy n’a-t-il donc pas enclenché une autre des modalités prévues par l’article L.521-3.1, à savoir le blocage du site dans son entièreté, si tant de produits dangereux sont proposés sur cette plateforme ? Questionnés par nos soins, les services rappellent que la loi de 2020 a effectivement prévu un système de réponse graduée, « en fonction de la gravité des manquements constatés et de leur persistance dans la durée ».

Au premier stade, la DGCCRF peut ainsi « ordonner l’affichage d’un message d’avertissement visant à informer les consommateurs du risque grave de préjudice pour leurs intérêts que représente un contenu illicite en ligne ». L’injonction peut être adressée aux comparateurs de prix, aux moteurs, aux places de marché voire aux navigateurs.

« Pour des infractions plus graves, la DGCCRF peut enjoindre les opérateurs en ligne de déréférencer les interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, d’en limiter l’accès ou d'en bloquer temporairement l'accès ». Et en cas de persistance de l’infraction, « la DGCCRF peut alors délivrer une injonction de suppression ou de transfert du nom de domaine ».

Pour Bercy, la mesure visant à ordonner le déréférencement de Wish sur Google ou Bing est donc à ce stade « une réponse proportionnée aux manquements de l'opérateur mis en évidence par l'enquête et vise à protéger au mieux les consommateurs ».

À cet instant, même si les moteurs de recherche ont pu être destinataires de l’injonction de Bercy, Wish est toujours référencé par les moteurs.

Wish contre-attaque

La plateforme envisage d’ores et déjà d’attaquer la mesure qui sera mise en œuvre : selon un communiqué relayé par l’AFP, Wish assure toujours se conformer « aux demandes de retrait de la DGCCRF et est, par conséquent, perplexe face à l'approche excessive à l'égard de cette question. Nous avons essayé à plusieurs reprises d’engager le dialogue de manière constructive avec la DGCCRF. Nous entamons maintenant un recours juridique pour contester ce que nous considérons comme une action illégale et disproportionnée menée par la DGCCRF » 

La loi du 3 décembre 2020, qui a organisé la mise en œuvre de ces pouvoirs de déréférencement voire de blocage, n’est pas une initiative franco-française. Le texte est venu mettre le droit interne au diapason de plusieurs règlements européens pris en 2017 et 2019.

En particulier, le règlement du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs. Son article 9 prévoit, au titre des pouvoirs minimums des autorités compétentes, une série de mesures qui doivent pouvoir être prises « lorsqu’aucun autre moyen efficace n’est disponible pour faire cesser ou interdire » une infraction, afin de prévenir le risque de préjudice grave pour les intérêts collectifs des consommateurs : 

  • « le pouvoir de retirer un contenu d’une interface en ligne ou de restreindre l’accès à celle-ci ou d’ordonner qu’un message d’avertissement s’affiche clairement lorsque les consommateurs accèdent à une interface en ligne »
  • « le pouvoir d’ordonner à un fournisseur de services d’hébergement qu’il supprime, désactive ou restreigne l’accès à une interface en ligne »
  • « le cas échéant, le pouvoir d’ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d’enregistrement de domaines de supprimer un nom de domaine complet et de permettre à l’autorité compétente concernée de l’enregistrer »

Des sanctions qui doivent impérativement être « effectives » et « dissuasives », mais aussi et avant tout « proportionnées ». Toute la question sera de déterminer s’il est toujours proportionné de déréférencer tout un site en raison de la présence de produits ne répondant pas à l’obligation de sécurité et aux autres normes du Code de la consommation, outre du défaut de réponse aux injonctions.

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