Sur 250 produits achetés sur des places de marché et testés par six associations de consommateurs européennes, 165 « semblent ne pas satisfaire aux règles de sécurité ». Leur bilan à la main, elles demandent à l’Europe « de rendre les places de marché responsables des produits dangereux vendus sur leurs sites ».
Dans le cadre de l’International Consumer Research and Testing (ICRT), dont le but est notamment de « compresser les frais élevés de grands tests », six associations de consommateurs du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) se sont regroupées afin de mener des vérifications sur des produits vendus sur les principales places de marché.
Test Achats/Test Aankoop (Belgique) a pris la direction des opérations, avec Altroconsumo (Italie), Consumentenbond (Pays-Bas), Forbrugerrådet Tænk (Danemark), Stiftung Warentest (Allemagne) et Which? (Royaume-Uni). Leur conclusion est sans appel : « les deux tiers des 250 produits achetés sur les places de marché en ligne échouent aux tests de sécurité ».
Les risques sont divers et variés : chocs électriques, incendies, asphyxies, irritation cutanée, etc. Pour Test Achats, « 165 produits (66 %) semblent ne pas satisfaire aux règles de sécurité européennes. Les principales raisons pour lesquelles les produits sont recalés sont une mauvaise qualité de fabrication ou la présence de substances chimiques indésirables ».
L’Europe dispose pour rappel d’un « réseau d’échange d’informations [RAPEX, ndlr] entre chaque pays membre qui permet de signaler rapidement un produit dangereux », dont les principales places de marché sont partenaires. Mais c’est visiblement insuffisant pour le BEUC, qui invite la Commission à se saisir de ce sujet
75 % des produits électroniques recalés…
Les références analysées se classent dans 18 catégories et certaines s’en sortent (un peu) mieux que d‘autres. Sur les 250 tests, 60 concernaient des produits électroniques, dont 43 ont échoué. Dans le lot, on retrouve sept alarmes de monoxyde de carbone (sur sept), quatre alarmes d’incendies (sur quatre), la quasi-totalité des chargeurs de voyage (onze sur douze), près de la moitié des batteries externes, etc.
Voici quelques exemples des problèmes rencontrés : « détecteur de fumée et de CO qui ne pouvaient pas détecter la fumée et le monoxyde de carbone », « guirlandes de Noël qui pouvaient entraîner un choc électrique », « chargeurs USB et de voyage pouvant provoquer un incendie » et enfin « une batterie externe qui a fondu pendant les essais ».
…et aussi 50 % des jouets
La situation est légèrement meilleure pour les jouets, mais loin d’être suffisante : sur 86 produits passés entre les mains des associations, 41 sont jugés dangereux, dont la moitié concerne des jouets pour les enfants.
43 sur 61 produits cosmétiques ont également été recalés, 14 vêtements sur 16, 16 jumelles sur 17, 5 bijoux sur 7 et enfin les 3 casques de vélo passés au crible. Ce ne sont pas les seuls griefs : « il s’est également avéré que les informations figurant sur l’emballage de nombreux produits étaient insuffisantes, erronées, illisibles ou uniquement disponibles en chinois », explique Test Achats. Score final : 165 produits sur les 250 achetés sont jugés dangereux par les six associations.
Lorsqu'elles ont contacté les plateformes concernées, les produits incriminés ont visiblement été rapidement retirés de la vente, « mais cela ne signifie pas qu’ils disparaissent complètement des places de marchés pour toujours ». Comme l’explique Monique Goyens, directrice générale du bureau européen des unions de consommateurs, des produits similaires ont malheureusement vite fait de revenir en ligne sur une plateforme ou une autre...

Le BEUC en appelle à l’Europe
Les associations reconnaissent que certaines places de marché font des efforts, mais affirment que « cela est insuffisant, car beaucoup trop de produits dangereux qui finissent par être mis en vente ». De son côté, le BEUC en appelle aux autorités de l’Union européenne : « il est temps de rendre les places de marché responsables des produits dangereux vendus sur leurs sites, et que les autorités les placent sous un examen plus approfondi ».
Rappelons qu’en Europe, il existe le système d’alerte RAPEX : « un réseau d’échange d’informations entre chaque pays membre de l’UE qui permet de signaler rapidement un produit dangereux et de prendre les mesures nécessaires dans toute l’Union européenne ».
Dans le cadre du programme « Safety Gate », les principales places de marché comme AliExpress, Amazon, Cdiscount (depuis le 30 janvier 2020), eBay et Rakuten France se sont engagées auprès de la Commission européenne « à prendre des mesures pour protéger les acheteurs en ligne contre les produits dangereux ». C’est « un engagement volontaire, allant au-delà des obligations légales en matière de sécurité des produits ».
En France, c’est la DGCCRF qui s’en occupe et on trouve des organismes référents dans chaque pays. Une fois les problèmes remontés, « la Commission européenne est par la suite chargée de communiquer toutes les informations provenant des contacts nationaux ». Des bilans sont publiés chaque semaine. Les particuliers, professionnels et associations peuvent contacter la DGCCRF, notamment pour l'alerter sur la sécurité des produits non-alimentaires.
Le cas du Leagoo S8 en France
Ce n’est pas la première fois que les places de marché sont ainsi pointées du doigt. Durant l’été 2019, le Wall Street Journal publiait une longue enquête sur celle d’Amazon que nos confrères accusaient de vendre des produits dangereux.
Plus récemment en France, le smartphone Leagoo S8 était toujours disponible chez des revendeurs alors que l’ANFR avait obtenu depuis quelques mois déjà un arrêté signé du ministre de l'Économie pour l’interdire à la vente et lancer une campagne de retrait à cause d’un DAS trop élevé.
Cette publication au JO n’avait pas immédiatement eu l’effet escompté : la suppression dans les boutiques. Suite à notre enquête, nous avions contacté plusieurs plateformes qui avaient alors rapidement procédé au retrait du smartphone… même s’il était parfois de retour de manière éphémère.
Pour rappel, après avoir obtenu l’interdiction et le retrait en France, l’ANFR nous avait expliqué avoir « averti la Commission, afin que l'interdiction soit effective sur l'ensemble de l'Union européenne ». Qu’en est-il aujourd’hui ? On retrouve encore le Leagoo S8 sur eBay, avec une mention précisant que « c’est le dernier ».
Bonne nouvelle, il n’y en a par contre plus de trace sur les marketplaces d’Amazon, Cdiscount et Rakuten.