La bêta d’Ubuntu 21.10 est disponible depuis hier soir. La nouvelle mouture est attendue pour plusieurs raisons, dont le nouvel installeur et le passage à la branche 40 de GNOME. Tour d’horizon d’un système qui, s’il se modernise, fait en sorte de préserver les acquis.
Nous voici en automne, et comme toujours à cette époque de l’année, les nouvelles versions d'OS se dévoilent dont la bêta de la prochaine Ubuntu, disponible pour test. Elle se nomme Impish Indri, littéralement « indri espiègle ». L’indri est le plus grand lémurien vivant et provient – on s’en doute – de Madagascar.
Ubuntu 21.10 est la dernière révision semestrielle de la distribution avant la 22.04, qui sera la nouvelle LTS. Si la mouture 21.04 avait peu marqué les esprits tant les changements étaient discrets (en dehors de Wayland), la 21.10 est un peu plus richement dotée. Avec l’arrivée de GNOME 40, Canonical se risque en effet à casser quelques habitudes.
Un nouvel installeur flambant neuf
Il est peu probable que vous notiez une différence pendant l’installation d’Ubuntu 21.10. L’installeur Ubiquity a certes été remplacé après une décennie de services, mais son apparence générale et les étapes successives varient très peu par rapport à ce que l’on connaissait. Les changements sont sous le capot, avec un programme presque totalement réécrit et l’utilisation de Flutter, fruit d’une collaboration entre Canonical et Google.
Le père d’Ubuntu s'est chargé de porter Flutter sur Linux et est aux premières loges pour maîtriser le kit d’outil. Pour rappel, ce dernier ambitionne d’unifier le développement d’interfaces pour les applications, qu’elles soient natives, web, mobiles ou embarquées. Les plus attentifs remarqueront de légères différences visuelles, notamment dans les couleurs. Mais tout est fait pour que le changement soit transparent : qu’importe la couleur ou la forme des contrôles, le processus ne change pas d’un iota.
L’enchainement reste le même : choix de la langue, sélection du type d’installation (normale ou minimale) avec choix des éventuels téléchargements tiers (dont certains propriétaires), effacement complet ou non du disque (LVM, ZFS et le chiffrement sont dans les fonctions avancées), fuseau horaire, création du compte utilisateur (avec option pour Active Directory) puis l’installation proprement dite.
L’un des intérêts cependant du nouvel installeur – en dehors d’être plus fiable – est qu’il permet de réparer des systèmes existants, lorsque le média d’installation détecte qu’Ubuntu est déjà là. Nous n’avons pas pu encore tester l’efficacité du processus, qui consiste à réinstaller tout le système sans toucher aux documents et paramètres.
L’intégration de GNOME 40 dans Ubuntu
Sur la base d’un système embarquant un noyau Linux 5.13, on retrouve GNOME 40.2. Contrairement à ce que nous pensions, Canonical n’intègre pas GNOME 41, sorti trop récemment pour le calendrier fixé par l’équipe.
On peut imaginer que la nouvelle version sera proposée sous forme de mise à jour, mais il est plus probable que GNOME 41 attendra Ubuntu 22.04 Pour Ubuntu, cela signifie quand même le passage à la branche 40 de GNOME, qui inclut plusieurs changements ergonomiques majeurs, même si Canonical a adapté l’ensemble à sa sauce. Pas question par exemple de dock centré en bas de l’écran. On reste sur des icônes à gauche et une barre fixe.
Si vous n’avez jamais utilisé GNOME 40 avant, la transition vous paraîtra peut-être curieuse. Avec Ubuntu, on est pleinement dans le changement qui avait divisé une partie de la communauté, avec le passage à une organisation horizontale des espaces de travail.
L'ancienne vue à gauche, la nouvelle à droite
Comme on le voit sur les deux captures ci-dessus, les bureaux virtuels sont maintenant horizontaux et défilent dans ce sens avec la molette de la souris. C’est un coup à prendre, mais qui paraît d’autant plus curieux que Canonical a gardé son dock vertical. L’éditeur a probablement souhaité préserver les acquis des utilisateurs en ne chamboulant pas tout d’un coup. Après tout, Ubuntu est connue pour avoir une certaine rigidité face au changement.
Pour preuve par exemple, l’utilisation du serveur d’affichage Wayland par défaut, en place depuis Ubuntu 21.04 seulement. Avec Impish Indri, Wayland doit d’ailleurs beaucoup mieux fonctionner avec les pilotes NVIDIA. La grille d’applications se veut plus complète, car elle ne se contente plus d’afficher un champ de recherche les raccourcis.
Les espaces de travail y sont également présents, et on peut prendre par exemple l’icône d’une application pour la déplacer vers un espace, ce qui y provoque l’ouverture de l’application correspondante. Pratique pour préparer rapidement plusieurs bureaux.
La nouvelle grille, avec espaces en haut et dossier pour les utilitaires
En revanche, comme pour les espaces, le défilement des icônes est horizontal. Au passage, plusieurs utilitaires (Analyseur d’utilisation des disques, Sauvegardes, Mots de passe, Caractères, Polices…) ont été réunis dans un dossier dédié, pour nettoyer la grille et se concentrer sur les applications courantes.
Notez que GNOME est présent en version 40.2, donc avec de nombreux correctifs sur la mouture d’origine. Signalons également quelques petits changements, comme le déplacement de la Corbeille dans le dock ou encore l’utilisation du thème Yaru Light. Bien entendu, le traditionnel fond d’écran a été adapté et affiche une tête de singe.
Les autres changements
Comme dit précédemment, Ubuntu 21.10 est livré avec un noyau Linux 5.13, simplifiant d’autant l’installation du système sur des machines récentes. Il s’agit d’un noyau générique, sans modifications particulières de Canonical.
Concernant les autres paquets, cette mouture inaugure un changement controversé : Firefox (92) est intégré sous forme de snap et non plus en paquet .deb
. Il s’agissait d’une demande de Mozilla, qui souhaitait s’assurer un fonctionnement identique sur tous les systèmes disposant de snapd et une maintenance moindre. La version classique sera maintenue dans le dépôt jusqu’à Ubuntu 22.04 LTS et restera proposée par Mozilla par la suite.

D’accord, mais voit-on une différence ? Oui, en l’état actuel, ouvrir Firefox est plus long que de lancer Writer de LibreOffice. La différence avec Ubuntu 21.04 est sensible, particulièrement sur le premier démarrage à froid. Rien de grave évidemment, mais ce n’est pas le type d’évolution apprécié des utilisateurs, qui attendent toujours d’une nouvelle version qu’elle soit plus rapide que l’ancienne.
Canonical avait assuré dans son billet avoir beaucoup appris de l’épisode Chromium, grâce notamment à une modernisation de sa chaine d’outils, basée sur Clang et Rust. Il reste des progrès à faire, mais Ubuntu peut au moins compter sur la sécurité supplémentaire apportée par la sandbox des snaps.
Pour le reste, on retombe dans du classique avec une mise à jour générale des paquets, mais pas toujours avec les toutes dernières versions. Par exemple, LibreOffice 7.2.1.2, Thunderbird 91.1.1, PulseAudio 15.0, BlueZ 5.60, NetworkManager 1.32.10, GCC 11.2.0, glibc 2.34, Mesa 21.2.1, postgreSQL 13.4, Python 3.9.7 ou encore X.org 1.20.13, qui reste disponible dans le cas où Wayland ne s’enclencherait pas. Bien sûr, avec GNOME 40 viennent de nouvelles versions de toute la suite, comme Nautilus (40.2).
Attention aux bugs
Ubuntu est connue pour se mettre facilement à jour. De fait, il existe même une méthode pour passer de l’actuelle version 21.04 à cette bêta d’Impish Indri. Nous ne vous le conseillons pas, car une bêta contient des bugs. Pour tester le système, mieux vaut une machine dédiée, une partition secondaire ou même une machine virtuelle.
La version finale d’Ubuntu 21.10 est attendue le 14 octobre, ce qui laisse quelques jours à Canonical pour corriger les derniers problèmes. L’éditeur se dit confiant dans sa bêta, qui ne devrait contenir aucun bug bloquant. En outre, toutes les variantes officielles d’Ubuntu ont reçu une bêta pour cette version 21.10 : Kubuntu, Lubuntu, Ubuntu Budgie, UbuntuKylin, Ubuntu MATE, Ubuntu Studio et Xubuntu.