Fort du succès de son rover et de ses missions lunaires, la Chine prévoit d’effectuer un aller-retour sur Mars en 2030 afin de récupérer des échantillons et préparer le terrain à une mission habitée dès 2033. Elle ne compte pas s’arrêter là un lancement tous les deux ans jusqu’en 2043. De quoi relancer la course à la conquête spatiale ?
Dans le domaine spatial, la Chine enchaine les succès. Depuis le mois de mai, le premier module de la Station spatiale chinoise – Tiangong – est en orbite autour de la Terre. Sans avoir l’ambition ni la possibilité technique de concurrencer la Station spatiale internationale, elle sert le même but : mener des expériences scientifiques dans l’espace.
Quelques semaines plus tard, un vaisseau cargo venait s’amarrer à la Station afin de livrer « des fournitures, des équipements et du propergol ».
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Trois Chinois sont dans « leur » station spatiale
Il y a quelques jours seulement, c’était au tour de la mission Shenzhou-12 de prendre son envol, avec trois astronautes à son bord. Ils doivent normalement rester trois mois sur place, sans plus de détails sur le contenu de leurs missions.
La prochaine grosse étape est attendue pour 2022 avec le lancement et le raccordement de deux modules baptisés Wengtian et Mengtian, des laboratoires pour missions scientifiques. D’autres personnes doivent se relayer dans la Station spatiale, y compris des étrangers, avait précisé les responsables chinois.
Ce n’est pas tout pour 2021, car la Chine a aussi posé son premier rover sur la planète rouge mi-mai. Elle se félicite d’ailleurs d’avoir réussi dès son premier essai en solo… une manière de tacler l’Europe dont l’atterrisseur Schiaparelli fait la crêpe sur la surface martienne. Le pays avait pour rappel essuyé un échec en 2011 lors d’une mission commune avec la Russie.
Les succès du rover Zhurong, qui prend la pose pour un selfie
Depuis, de premières photos ont été envoyées et le rover a effectué ses premiers tours de roue sur le sol martien, s’éloignant au passage de sa plateforme d’atterrissage. Il y a deux semaines de nouveaux clichés étaient publiés : un panorama du site d’atterrissage, une autre avec le drapeau chinois sous la plateforme, des photos du sol et un selfie du rover avec sa plateforme en arrière-plan.

L’histoire des incontournables selfies sur Mars…
Sylvestre Maurice, notamment responsable des instruments scientifiques ChemCam de Curiosity et SuperCam de Perseverance, expliquait il y a quelques années que les selfies étaient un passage devenu obligatoire : « Il y a eu tellement de publicité […] qu'on en fait un tous les six mois ». Il aurait demandé aux responsables quel était le but scientifique, avec pour seule réponse : « Ce n’est pas grave, Selfie ! ». Cela fait désormais partie du jeu : « on envoie à la presse et on continue la science ». Même sur Mars le « marketing » est important.
La Chine fait de même… avec sa touche personnelle : « La caméra, initialement installée sous le rover, a été libérée par le rover à dix mètres au sud de la plate-forme et a capturé des vidéos du rover retournant sur la plate-forme et a pris le selfie. La caméra a ensuite utilisé un signal sans fil pour transmettre les images et les vidéos au rover, qui les a renvoyées sur Terre via l'orbiteur », explique l’agence de presse officielle Xinhuanet. Cela donne un résultat presque surréaliste (voir image en tête de l’article).
Voulant jouer la carte de l’ouverture, comme avec sa Station spatiale, la Chine affirme qu’elle publiera « les données scientifiques en temps utile pour permettre à l'humanité de partager les fruits du développement de l'exploration spatiale du pays ». C’est du moins ce qu’indique Zhang Kejian, directeur de l'Administration nationale de l'espace de Chine (ANEC).
Depuis l’espace, la NASA repère l’atterrisseur et le rover sur Mars
Notez que la NASA a repéré la présence de l’atterrisseur et du rover sur la planète rouge, confirmant qu’il se déplace bien sur sa surface pour ceux qui en douteraient. La sonde Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) a en effet pris en photo le site d’atterrissage à plusieurs jours d’intervalle avec sa caméra HiRISE. On voit les trainées de poussières laissées par l’atterrisseur et le petit rover à deux endroits différents.
Deux clichés de MRO à cinq jours d’intervalle. On voit bien les déplacements du rover et les traces de l’atterrisseur.
La Chine veut maintenant envoyer des humains sur Mars
Que ce soit sur la Lune avec les missions Chang’e, sur Mars ou dans l’espace avec sa Station spatiale, la Chine n’est à chaque fois pas la « première » nation : les États-Unis, les Russes ou l’Europe sont passés avant. Le pays a donc décidé de se lancer un autre objectif ambitieux : rapporter des échantillons fin 2030 et envoyer des humains sur Mars, dès 2033.
De quoi redonner un coup de fouet à cette course puisque la NASA veut aussi envoyer des humains sur la planète rouge (après la Lune dans le cadre du programme Artemis). SpaceX est aussi dans la course, avec un calendrier ambitieux puisqu’Elon Musk parle de 4 à 6 ans.
- Missions Artemis : comment la NASA veut renvoyer des humains sur la Lune
- SpaceX : Elon Musk prévoit un vol vers Mars en 2022, puis avec des humains dans 4 ou 6 ans
Un vol « à vide » dès 2030, puis des voyages tous les deux ans
Les ambitions de la Chine sont élevées : cinq missions entre 2033 et 2043, soit une tous les deux ans environ. C’est pour rappel la période qu’il faut attendre pour que la Terre et Mars soient dans une position optimale pour un voyage (la distance entre les deux planètes est la plus faible). C’est en tout cas ce qu’affirme Wang Xiaojun, directeur de l’Académie chinoise de technologie des lanceurs (CALT), comme le rapporte le Financial Time.
Avant d’en arriver là, plusieurs étapes doivent être franchies, à commencer par récupérer des échantillons de sol martien et « mener à bien un certain nombre d'autres missions robotiques ». Il faut en effet préparer le terrain avec par exemple la mise en place de systèmes d’extraction des ressources (eau, oxygène…), mais aussi maitriser la technologie permettant de revenir sur Terre après un atterrissage sur Mars. Là encore, la Chine peut s’appuyer sur un succès récent : le retour d’échantillons de la Lune.
Des « réactions nucléaires » pour aller plus vite
Une première mission aller-retour sur Mars non habitée est prévue pour 2030, précise Reuters. Afin d’accélérer le voyage – qui dure environ six mois pour un aller simple actuellement – la Chine prévoit que « ses engins spatiaux exploitent l'énergie libérée par des réactions nucléaires sous forme de chaleur et d'électricité, en plus des propulseurs chimiques traditionnels », ajoutent nos confrères. Aucun détail supplémentaire n’est donné.
Un aller-retour pourrait alors se faire en « quelques centaines de jours », affirme le responsable de la CALT.