Suite de notre dossier consacré à l’histoire de macOS. Nous arrivons à une période où le temps des grands changements est terminé, avec une évolution plus en douceur, sur un cycle annuel. De macOS vont naitre plusieurs systèmes chez Apple, à destination de nouvelles plateformes.
La période qui s’ouvre pour Mac OS X – c’est encore son nom – avec Leopard est une sorte d’âge d’or. Les années vont s’écouler presque paisiblement sur un système qui n’a plus rien à prouver et dont la presse vante les mérites.
Le système s’est alors payé un petit lifting avec un thème général plus « plastique » et lisse, abandonnant le métal brossé des débuts. L’ensemble devient plus sobre. Il est sorti en 2007, une année doublement importante pour Apple. D’abord par la nouvelle fournée de Mac tous équipés de CPU Intel. Ensuite parce qu’en juin est sorti l’iPhone.
Premier smartphone de l’entreprise, il provoque une petite révolution dans le monde de la téléphonie en centrant toute l’utilisation sur l’écran tactile capacitif. Tout est pilotable au doigt, le stylet et le clavier physique deviennent has been et l’industrie va s’aligner peu de temps après, notamment avec l’arrivée d’Android.
Quand sort l’iPhone, on peut déjà mesurer la grande popularité de Mac OS X. Steve Jobs, sur scène pour présenter ce qui va très vite devenir le produit phare de l’entreprise, explique en effet que l’entreprise a tout simplement utilisé le système des Mac comme base pour l’iPhone. iOS, c’est son nom, aura sa propre vie, tout en entretenant des liens étroits avec son grand frère, avec qui il partagera un nombre croissant d’interfaces de programmation.
Rappelons qu’il faudra attendre iOS 2.0 pour que l’App Store apparaisse et que l’on puisse installer des applications tierces. Mac OS X, lui, va entrer doucement dans un rythme de croisière. Apple change progressivement ses priorités, les Mac étant certes les produits historiques de l’entreprise, mais plus ceux portant la croissance.
Notre dossier sur l'histoire de macOS :
- Histoire de macOS : de Lisa OS au System 7, l'héritage du PARC de Xerox
- Histoire de macOS : de la mort des systèmes Classic à la douloureuse révolution Mac OS X
- Histoire de macOS : du rapide Snow Leopard à Yosemite et son flat design
- Histoire de macOS : d'El Capitan à Catalina, l'influence toujours plus forte d'iOS
- Histoire de macOS : Big Sur, Apple Silicon et après ? (à venir)
Snow Leopard, la grande optimisation
Snow Leopard sort environ deux ans après, fin août 2009. La proximité des noms n’est pas un hasard : la nouvelle version présente un nombre réduit de nouveautés. Qu’a fait Apple pendant deux ans ? Du nettoyage et des optimisations, en grande partie. Snow Leopard est ainsi débarrassé de tout le code encore lié aux PowerPC.
C’est un système tourné entièrement vers les processeurs Intel et qui ne peut donc pas être installé sur les anciens Mac à base de puces G4 et G5. En conséquence, le poids du système diminue de plusieurs gigaoctets. Il n’y a en effet plus aucun Universal Binaries, le format utilisé par Apple pendant la transition.
Snow Leopard embarque cependant encore Rosetta pour que les anciens logiciels PowerPC puissent fonctionner.

Ce nettoyage s’accompagne d’une grande vague d’optimisations. La plupart des composants et logiciels fournis ont été réécrits pour profiter, tant que possible, des dernières nouveautés matérielles. Il est le premier Mac OS X à noyau en 64 bits, bien qu’il ne soit pas utilisé par défaut sur les machines grand public. Les applications fournies s’exécutent également dans ce mode quand le processeur adapté est présent, cette fois sur tous les Mac compatibles. Un fonctionnement qui va faire grimper la RAM minimale à 1 Go, contre 512 Mo pour Leopard.
C’est également avec Snow Leopard qu’arrivent deux technologies marquantes en leur temps, Grand Central Dispatch et OpenCL. La première propose des API permettant aux développeurs de faciliter la répartition des calculs sur les cœurs multiples des processeurs (ils en ont désormais au moins deux). La seconde permet l’utilisation des GPU pour des calculs plus génériques au sein des applications.
Parmi les autres améliorations, on peut citer le passage à CUPS 1.4 pour les impressions, un plus grand nombre de composants système protégés par la sandbox, ou encore une première version de l’outil supprimant les malwares les plus courants. Mais on fait vite le tour. Ajoutons quand même le Mac App Store, même si la boutique d’applications n’est arrivée qu’avec la version 10.6.6, en janvier 2011, soit 17 mois après la mouture initiale.
Apple a fait son jeu de cette quasi-absence de nouveautés « pratiques » et a promu le système comme n’ayant « aucune nouvelle fonction ». Snow Leopard a d’ailleurs été commercialisé à 29,99 euros/dollars, contre 129,99 euros/dollars pour les versions précédentes. Ce sera la dernière version vendue sur DVD.
Snow Leopard est resté longtemps dans le « cœur » des utilisateurs, pour une raison simple : il est le dernier système d’Apple à supporter les applications 32 bits. Il garde aujourd’hui l’image d’un OS véloce, où tout était plus réactif, et où les Mac s’éteignaient et se mettaient en veille assez vite. Le temps en a presque fait une légende.
Lion et les premières infiltrations d’iOS
Lion sort en juillet 2011, un peu moins de deux ans après Snow Leopard. Il est la première version distribuée sur le Mac App Store. Son prix reste de 29,99 euros/dollars et ne repartira jamais à la hausse. Bien qu’Apple ayant au début parlé d’une version dématérialisée, des clés USB d’installation seront vendues à 69 euros/dollars.
Lion est tout le contraire de Snow Leopard : peu de changements sous le capot, mais une longue file d’améliorations diverses dans le système et les applications embarquées. Signalons qu’il est quand même le premier à embarquer le support de la commande TRIM pour les SSD, en tout cas ceux fournis dans les Mac. Les modèles tiers attendront encore quelques années que ce support soit élargi.
Lion est connu pour avoir introduit notamment Auto Save et Versions, qui permettaient l’enregistrement permanent des modifications dans les fichiers, depuis les applications compatibles. En conséquence, « Sauvegarder sous » disparaissait au profit de « Dupliquer », dont le fonctionnement parut moins intuitif à beaucoup.
Ce changement traduisait pour la première fois une infiltration d’iOS dans Mac OS X. Sur le système mobile, il n’y avait en effet pas de gestion des fichiers, car seul comptait le contexte applicatif : l’utilisateur n’avait pas à voir les données. Cette inspiration d’iOS va se retrouver dans de nombreux éléments.
Comme l’interface de Contacts, proche de celle sur iPad, le comportement de la correction automatique à la frappe, le support des emojis, le Launchpad et sa grille d’applications, FaceTime, l’intégration définitive du Mac App Store, de nouveaux gestes tactiles multitouch, les notifications push ou encore le « défilement naturel ». Ce dernier point fut lui aussi détesté par une partie des utilisateurs, puisqu’il inversait le défilement réalisé au touchpad. La mesure était cependant destinée aux nouveaux utilisateurs qui, conquis par l’iPhone, se seraient acheté un MacBook.
De nombreuses améliorations étaient cependant propres à Mac OS X. On l’oublie parfois, mais c’est bien le système fixe qui a reçu AirDrop le premier, deux ans avant iOS 7. Il s’agit pour rappel d’une fonction d’échanges directs de fichiers entre appareils proches. Lion a également introduit l’ASLR, une technologie importante pour la protection contre certaines attaques. Apple avait été critiquée pour avoir tardé à la mettre en place. De la sécurité également avec la possibilité, dans FileVault, de chiffrer l’intégralité du disque et le support des disques externes.
Lion est également accompagné pour la première fois de sa partition de restauration. Fonction accessible au démarrage par le raccourci Cmd + R, elle permet de télécharger la dernière révision stable de Mac OS X pour réinstaller le système en cas de gros problème. C’est aussi sur Lion qu’arrive le mode plein écran pour les applications. Le comportement de la pastille verte change alors : l’application (quand elle est compatible) remplit tout l’écran, masquant la barre de titre et le Dock. Quand plusieurs applications sont ouvertes en plein écran, on peut passer de l’une à l’autre par un glissement latéral à trois doigts. La fonction existe toujours en l’état.
Autre gros morceau, Mission Control qui réunit Exposé et Spaces. Quand il est déclenché, il affiche toujours les fenêtres côte à côte en vues réduites comme Exposé, mais affiche en plus les bureaux virtuels en haut de l’écran sous forme de vignettes. On peut notamment déplacer une application d’un bureau à l’autre dans cette vue.
Lion a cependant laissé certains clients sur le carreau. Il exigeait un processeur Intel 64 bits (donc au moins un Core 2 Duo) et 2 Go de mémoire, un doublement qui avait fait pester. Certains ne l’ont pas installé tout de suite à cause du retrait de Rosetta, donc de la capacité du système à faire fonctionner les anciennes applications PowerPC.
Mountain Lion, et Mac OS X devint OS X
Mountain Lion a un peu été à Lion ce que Snow Leopard avait été pour Leopard : on reste sur les mêmes bases, mais on affine. La configuration réclamée ne change d’ailleurs pas. Il sort en juillet 2012 et initie le cycle annuel d’OS X, qui perdure encore aujourd’hui.
Il apporte moins de nouveautés que Lion, mais plusieurs sont appréciables. Il récupère par exemple le centre de notifications d’iOS, toujours disponible aujourd’hui dans la barre latérale à droite de l’écran. Les notifications s’affichent dans de petits encadrés, exactement comme sur iOS.
L’influence du système mobile se poursuit avec la suppression d‘iChat au profit de Messages. Cette première version s’interfaçait encore avec les protocoles XMPP (Jabber) et OSCAR (AIM). Comme avec iChat, on pouvait échanger du texte et des médias, mais Apple y avait ajouté en plus la synchronisation iMessage (bulles bleues sur iOS), l’intégration FaceTime et le partage d’écran.
Mountain Lion signe également la grande arrivée d’AirPlay. Dans sa version originale, il permettait uniquement la copie miroir de l’écran du Mac vers l’Apple TV et la transmission de l’audio vers les appareils compatibles. Depuis, la fonction supporte aussi le partage de la vidéo dans les applications compatibles.
Parmi les autres améliorations, signalons une nouvelle barre d’adresse dans Safari qui intégrait la recherche (Google par défaut), l’arrivée de la mise en veille prolongée, les mises à jour automatiques des applications par le Mac App Store, une nouvelle apparence pour le Dock ou encore l’intégration de Notes, qui jusque-là n’existait que sur iOS. C’est aussi Mountain Lion qui a donné une interface à l’utilitaire Gatekeeper, arrivé à Lion et responsable du contrôle des signatures numériques dans les applications.
Le lancement Mountain Lion fut cependant entaché par le lancement d’iCloud, qui mettait fin à l’existence de MobileMe. Ce dernier était payant et fonctionnait relativement bien. Avec iCloud, Apple partait sur une stratégie de gratuité, les utilisateurs ne payant que l’espace supplémentaire en ligne. Mais les premiers pas d’iCloud furent catastrophiques : le service eut de nombreux problèmes durant les premières semaines, dont une synchronisation très aléatoire. Les soucis ne furent corrigés que très progressivement, au grand dam des utilisateurs.
Mavericks : désormais gratuit, OS X évolue plus doucement
Mavericks a initié un changement de nomenclature pour OS X : plus question désormais de noms de félins – Apple avait presque épuisé le stock des races connues – et place aux lieux géographiques connus de Californie. Mavericks est ainsi le nom d’un célèbre spot de surf de l’État américain.
Il est mis à disposition en octobre 2013 dans le Mac App Store et prend en charge les mêmes machines que Mountain Lion. On entrait alors pleinement dans le cycle des évolutions douces. Les utilisateurs ont largement noté à l’époque que le système proposait nettement moins de nouveautés que les versions précédentes. D’ailleurs, le système était pour la première fois gratuit. Il fonctionnait sur les mêmes configurations que Mountain Lion.
Mavericks apportait plusieurs améliorations notables pour les écrans multiples. Par exemple, le Dock et la barre de menus étaient affichés sur l’ensemble des écrans, et pas uniquement le principal. Mission Control avait été adapté pour gérer des bureaux virtuels sur chaque écran et déplacer plus facilement les applications d’un écran à l’autre.

Plusieurs mécanismes avaient en outre été intégrés pour réduire la consommation des applications inactives. Mavericks savait ainsi plonger en « sommeil » celles ne servant plus depuis un moment. En outre, si l’utilisateur s’approchait de la saturation mémoire, les données stockées en RAM par ces applications étaient compressées.
On y trouvait également un mécanisme de coalescence des horloges logicielles, synchronisant les opérations de réveil des processus, afin que le CPU les traite en lots. Ce mécanisme existait dans Linux, Unix et Windows depuis plusieurs années et avait montré son efficacité, avec notamment une meilleure autonomie des portables à la clé.
Parmi les autres améliorations, signalons l’arrivée des onglets dans le Finder, une hausse majeure des performances JavaScript dans Safari, l’intégration de l’application Plans (qui reprenait les mêmes fonctions que sur iOS) ou encore du mieux pour la synchronisation iCloud. Malheureusement, ce dernier point a été accompagné d’une suppression des services de synchronisation locale, ce qui avait fait pester un certain nombre de personnes.
Enfin, on notait dans Mavericks la suppression d’éléments de skeuomorphisme, c’est-à-dire la tendance graphique de l’époque à copier les matières pour en décorer les applications. Par exemple, Calendrier (iCal auparavant) se débarrassait de l’apparence cuir qui caractérisait sa partie supérieure. Ce mouvement préfigurait ce qui allait se passer l’année suivante, avec l’arrivée d’iOS 7 et la bascule d’Apple dans le flat design.
Yosemite : le grand chamboulement du flat design
Avec Yosemite, nommé d’après la célèbre réserve naturelle, OS X suit la tendance initiée par le système mobile. Plus question de surfaces texturées, place aux aplats blancs ou colorés et à une volonté de simplifier les lignes.
C’est le grand avènement – chez Apple en tout cas – du flat design, qui va marquer durablement les lignes esthétiques de l’entreprise. Nous y sommes toujours. C’est la première grande refonte graphique du système depuis sa création. Tout ou presque change dans l’interface d’OS X : le cadre des fenêtres, leur contenu, les lignes de séparation, les barres de défilement, les icônes et jusqu’à la police principale.
Lucida Grande était remplacée par Helvetica Neue. Le Dock, jusqu’ici incliné en 3D, devient un simple cadre rectangulaire en 2D pour se rapprocher de celui d’iOS. C’est peu dire que la réaction initiale a été mitigée. On trouvait autant de personnes adorant cette simplification générale de l’esthétique que ceux qui la décriaient.
Une certaine forme de consensus s’est cependant établie au bout de quelques semaines, car beaucoup estimaient qu’un retour aux anciennes interfaces n’était plus possible.

Dans la plupart de ses apports, Yosemite a été une suite directe de Mavericks, avec une présence toujours plus forte d’iOS. L’un des changements les plus marquants a ainsi été le remplacement d’iPhoto et Aperture par Photos, du même nom que l’application d’iOS. Elle devait amener l’ensemble des utilisateurs sous une interface commune, qui synchronisait l’ensemble des données via le compte iCloud pour tous les appareils.
Mais comme souvent avec les remplacements « radicaux » d’Apple, les retours ont été très critiques avec cette première version. Il était largement reproché à Photos de faire l’impasse sur des fonctions courantes des deux logiciels qu’il remplaçait. Autre apport d’iOS, la vue « Aujourd’hui » dans le centre de notifications, réunissant dans un même endroit l’ensemble des évènements prévus dans la journée.
Le plus gros morceau fut cependant Continuité. Toujours dans un but d’intégrer plus les plateformes au sein d’un écosystème commun, il devenait possible de commencer une activité sur un appareil pour la poursuivre sur un autre. C’était le but de fonction Handoff, qui permettait par exemple de commencer un email sur un iPhone, puis de reprendre sa rédaction sur un Mac. La fonction s’étendait à toutes sortes d’activités, y compris les SMS et les appels téléphoniques, classiques ou FaceTime.
C’est également Yosemite qui modifia le comportement par défaut de la bille verte, qui jusque-là maximisait la taille des fenêtres. Le bouton spécifique au mode plein écran, ce fut son nouveau rôle. Dans les applications, il est le plus souvent possible de revenir au mode maximisé par un double-clic sur la barre de titre. Le moteur de recherche Spotlight fut également renforcé, en prenant notamment une position centrale dans l’écran.
Les machines supportées étaient encore les mêmes que les deux moutures précédentes (processeur Intel 64 bits, 2 Go de mémoire, etc.). Cependant, il fallait un Mac récent équipé du Bluetooth LE pour utiliser Handoff.