Return to Sender : Rocket Lab « récupère » le premier étage de sa fusée, mais il reste encore du travail

Return to Sender : Rocket Lab « récupère » le premier étage de sa fusée, mais il reste encore du travail

Here comes a new challenger

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

20/11/2020 7 minutes
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Return to Sender : Rocket Lab « récupère » le premier étage de sa fusée, mais il reste encore du travail

Rocket Lab vient de valider une « étape majeure pour faire d’Electron une fusée réutilisable ». La société doit maintenant valider son système en récupérant un premier étage au vol avec un hélicoptère, une opération déjà réussie lors d’une démonstration il y a quelques mois.

Comme prévu, la société américaine (d’origine néo-zélandaise) a procédé hier au lancement de sa 16e mission. 30 petits satellites étaient à bord et devaient être livrés sur une orbite héliosynchrone à 500 km d’altitude. Contrairement à Vega qui a connu un nouvel incident, la fusée Electron a parfaitement rempli sa mission (voir le replay).

Le plus intéressant se trouve en fait dans l’objectif secondaire de ce lancement baptisé « Retour à l’expéditeur » : essayer de récupérer le premier étage. Il est cette fois tombé en pleine mer, mais l’objectif est atteint. Il faudra maintenant que la société passe à l’étape suivante et récupère son premier étage avec un… hélicoptère avant de penser à le réutiliser. 

Le premier étage réussit toutes ses étapes de retour, et tombe dans l’eau

Le plan s’est déroulé comme prévu. Après environ 155 secondes de vol, le premier étage s’est séparé du second, qui a continué sa route sans encombre. La fusée était alors à environ 80 km d’altitude et se trouvait donc à la limite de l’espace suivant le système métrique utilisé. En effet, si en France et en Europe on parle de 100 km pour la ligne imaginaire de Kármán, les États-Unis, la NASA et l'US Air Force utilisent parfois 50 miles (environ 80,5 km) pour définir cette frontière de l’espace.

Lors de sa séparation, le premier étage volait à une vitesse de plus de 8 000 km/h. Rocket Lab détaille la suite des opérations : « le système de contrôle réoriente l'étage de 180 degrés pour le placer sur un angle idéal pour la rentrée, afin de lui permettre de survivre à l'incroyable chaleur et pression » lors de son retour sur Terre.

Le premier étage décélère jusqu’à une vitesse inférieure à Mach 2 (deux fois la vitesse du son), puis un « parachute stabilisateur » est alors déployé pour le freiner et le stabiliser. Ensuite, « durant les derniers kilomètres de la descente, un grand parachute principal est déployé pour le ralentir davantage ». Dans le cadre de cette mission « Retour à l’expéditeur », le premier étage devait se poser sur la surface de l’eau en douceur et sans se disloquer. Mission accomplie.

Un bateau est venu sur place pour récupérer le morceau de la fusée et le transporter vers les usines de la société afin qu’il y soit inspecté. Le but n’est pas de le réutiliser (notamment, car il est tombé dans l’eau), mais de récupérer des données pour la suite des opérations.

Une étape majeure dans la réutilisation, mais pas la seule

Peter Beck, fondateur et directeur général de Rocket Lab, ne cache pas son plaisir : « Ce que l’équipe a réalisé aujourd’hui en récupérant la première étape d’Electron n’est pas une mince affaire. Il a fallu un effort monumental de la part de nombreuses équipes de Rocket Lab ». C’est une « étape majeure pour faire d’Electron une fusée réutilisable », ajoute-t-il.

Il s’agit certes d’une étape majeure, mais la société n’est pas encore au bout de ses peines, car elle n’a pour le moment réalisé que la moitié du travail. En effet, elle doit réussir à attraper son premier étage en plein vol afin de pouvoir le réutiliser (s’il tombe dans l’eau, il est trop abimé). Pour cela, elle utilisera un hélicoptère, et n’allez pas croire qu’il s’agit d’une idée en l’air : une démonstration en conditions réelles a déjà été réalisée avec succès en avril.

Le principe est simple : un grappin fixé au bout d’une « longe » attachée sur l’hélicoptère vient « attraper » les cordes du parachute. Le premier étage est alors suspendu sous l’hélicoptère, qui peut l’emmener et le déposer sur la terre ferme.

Voilà à quoi ressemble cette opération en images : 

Rocket Lab a également mis en ligne une autre vidéo en image de synthèses de ce que serait un lancement complet avec récupération. Cette technique de l’hélicoptère est aussi étudiée chez ULA pour son lanceur lourd Vulcan, mais la société ne voudrait récupérer que la baie propulsive (c’est-à-dire la partie où se trouvent les moteurs, sans le reste du premier étage). 

Dans un rapport d’information sur Ariane 6, le CNES n’est pas convaincu de l’utilité d’une telle opération : « la valeur récupérée (la baie de propulsion) est plus faible que celle du premier étage et le coût de récupération plus élevé ».

Dans ce même rapport de fin 2019, les sénateurs expliquaient que Rocket Lab voulait rendre son lanceur réutilisable « non pas en vue de baisser le prix (d’environ 6,5 millions de dollars par mission) mais en vue d’augmenter la cadence de production pour répondre aux commandes en forte augmentation ».

Le long chemin du réutilisable

Réutiliser une partie de la fusée pourrait sembler courant aujourd’hui, mais c’est encore tout récent et seul SpaceX le fait dans le cadre de lancements commerciaux de satellites pour le moment. Il y a également Blue Origin (de Jeff Bezos) qui utilise une fusée réutilisable, mais le but est de proposer de courts voyages dans l’espace à de riches touristes. L’envoi de satellites est prévu avec New Glenn.

La société d’Elon Musk a pour rappel ouvert la voie en avril 2014 avec, comme dans le cas de Rocket Lab, un amerrissage de son premier étage. Il faudra ensuite attendre une vingtaine de mois supplémentaires avant qu’un premier étage de Falcon 9 ne vienne se poser sans encombre sur la terre ferme.

Une seconde étape historique est franchie en mars 2017 : une fusée avec un premier étage recyclée – ou « éprouvé en vol » comme préfère le dire SpaceX – retourne dans l’espace. Bref, entre la première tentative réussie et la première réutilisation, trois ans se sont passés.

Cette chronologie montre à quel point cette procédure peut être longue et compliquée, mais si c’est désormais presque une routine pour SpaceX de voir des premiers étages décoller et revenir sur poser peu après. Rocket Lab n’a pas fait part de ses ambitions pour la suite pour le moment, mais la société semble relativement pressée de passer à la réutilisation.

Alors que cette étape du parachute devait se réaliser au 17e lancement, elle a été avancée au 16e. Rien n’est par contre précisé pour le suite.

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Écrit par Sébastien Gavois

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Introduction

Le premier étage réussit toutes ses étapes de retour, et tombe dans l’eau

Une étape majeure dans la réutilisation, mais pas la seule

Le long chemin du réutilisable

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Commentaires (2)


c’est une réussite technique indéniable, mais SpaceX semble tellement loin devant avec ses lanceurs qui se reposent au sol comme la fusée de Tintin …


SpaceX a fait le pari de lancer plusieurs dizaines de fusées par ans. Le modèle industriel et économique, dont la récupération, ont été bâtis autour de ce principe et le pari s’avère gagnant.
L’Europe est restée à une dizaine de lancement par ans. Le modèle industriel et économique est différent. La récupération n’a aucun intérêt pour si peu de lancements. Même en réduisant les coûts au maximum. on ne peut comparer du prêt à porter à la confection.



Un autre point intéressant est l’expérience industrielle acquise en multipliant les lancements. Avec de telles quantités, on commence à faire du taylorisme. Le personnel de SpaceX se spécialise et acquière de l’expérience. Des tâches mieux maitrisées réduisent les coût et augmentent la fiabilité, tant qu’on évite l’ennui de la routine. On en est encore loin.
Dans le cas de l’Europe, on fabrique trop peu de lanceurs. A chaque fois, il faut relire les procédures et se remémorer les opérations. Les contrôles n’éviteront jamais toutes les erreurs, on le voit avec la dernière Vega. Le pire c’est que l’opérateur qui a fait l’erreur, sera probablement affecté à une autre tâche. Du point de vue expérience, c’est zéro … !



Avec ses petits lanceurs, Rocket Lab se rapproche du modèle de SpaceX, beaucoup de lancements et des prix plancher. Ils vont acquérir de l’expérience, industrialiser leurs processus et probablement mettre au point une technique de récupération viable.
Rendez vous dans 5 ou 10 ans pour voir comment tout cela à évolué.