Vega VV17 d’Arianespace : « la mission est perdue », le quatrième étage en cause

Vega VV17 d’Arianespace : « la mission est perdue », le quatrième étage en cause

Jamais deux sans trois ?

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

17/11/2020 6 minutes
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Vega VV17 d’Arianespace : « la mission est perdue », le quatrième étage en cause

Le lancement de la mission VV17 est un échec suite à une « anomalie » avec le quatrième étage. Les deux satellites qui étaient à bord sont également perdus. C’est un coup dur pour Arianespace et l’Europe puisque c’est le second échec en moins de 18 mois pour le lanceur léger Vega. 

Cette nuit, Arianespace lançait une fusée Vega avec deux satellites à son bord. Il y a tout d’abord SEOSAT-Ingenio, « premier satellite d’observation de la Terre espagnol », mais aussi TARANIS (Tool for the Analysis of RAdiation from lightNIng and Sprites) du CNES : le premier « conçu pour observer les phénomènes électromagnétiques radiatifs et lumineux survenant à des altitudes comprises entre 20 et 100 km au-dessus des orages ».

Hélas, tout ne s’est pas passé comme prévu puisque le lanceur a échoué dans sa mission, provoquant la perte des deux charges utiles. Ce, alors que le précédent échec de Vega est encore tout chaud.

Le quatrième étage et le moteur AVUM en cause

Le CNES a publié un communiqué ne tournant pas autour du pot puisqu’il évoque bille en tête l’ « échec de la mission ». Il donne quelques précisions : « huit minutes après le décollage de la mission Vega n°17 (VV17), immédiatement après le premier allumage du moteur du quatrième étage Avum, une dégradation de la trajectoire a été constatée, entraînant la perte de la mission ».

Bien évidemment, l’analyse des données est en cours pour expliquer les raisons de ce cuisant revers. Dans l'émission consacrée à la mission VV17, on apprend quelques informations supplémentaires. On peut notamment y voir la trajectoire de la fusée se dégrader après l’allumage du moteur du quatrième étage.

Défaillance de la trajectoire en direct

Après un décollage sans encombre, les premières minutes s’enchainent avec divers intervenants vantant les mérites des deux satellites, d’Arianespace et de l’ensemble des participants.

Dix minutes après le lancement, le Centre Spatial Guyanais (CSG) annonce que « la condition est nominale […] la propulsion est nominale. Acquisition des télémesures par la station de Saint-Hubert »… alors que l’on apprendra plus tard que la défaillance avait déjà eu lieu depuis deux minutes. Sur les écrans, la courbe de la trajectoire semble suivre celle qui était prévue… mais ce n’est plus le cas une douzaine de minutes après le lancement.

Alors que Marino Fragnito (directeur de Vega Business Unit) est à l’écran pour revenir sur le lancement de VV16 et celui « complexe » de VV17, on peut voir la trajectoire se dégrader sur les écrans de contrôle juste derrière lui. Du côté des opérateurs dans le CSG, on pouvait deviner un peu d’inquiétude dans les regards. 

Vega VV17Je vais bien… tout va bien…

Au bout d’un peu de plus de 20 minutes, le CSG annonce officiellement la mauvaise nouvelle, avec une courte phrase : « trajectoire dégradée à partir du premier boost AVUM ». Un peu plus tard, le centre de contrôle semble garder un peu d’espoir et ajoute : « Poursuite des activités au profit de VV17. En attente d’informations complémentaires sur la situation à bord. Que tous les moyens restent configurés ».

En clair, toutes les opérations au sol sont maintenues, les équipements restent en attente de communication de la part de la fusée. Un peu plus d’une demi-heure après le décollage, il n’y avait plus d’espoir : « Malheureusement après un décollage nominal et un bon allumage des trois premiers étages, nous avons constaté une déviation de la trajectoire après l’allumage de l’AVUM. Cette déviation est une anomalie, l’altitude et la vitesse n’étaient pas nominales. Il faut maintenant attendre les télémesures », expliquait Stéphane Israël (CEO d’Arianespace).

« Nous faisons un métier très difficile »

Après trois quarts d’heure, il revient avec des précisions : « Nous pouvons maintenant confirmer que la mission est perdue. Je vous rappelle ce que nous avons observé : huit minutes après le décollage et immédiatement après l’allumage du moteur du quatrième étage de Vega, nous avons observé une dégradation de la trajectoire. Cela signifie que la vitesse n’était plus nominale […] Je souhaite présenter mes excuses les plus sincères à nos clients ».

« Cet échec de Vega nous rappelle une fois encore que nous faisons un métier très difficile, où la frontière entre le succès et l’échec est extrêmement ténue. Les équipes vont immédiatement se remettre au travail pour analyser, comprendre et corriger les causes de cette défaillance afin de repartir en vol dans les meilleurs délais », explique de son côté, Jean-Yves Le Gall (président du CNES).

Défaillance de Zefiro 23 avec VV15, d’AVUM avec VV17

Vega est pour rappel composé de quatre étages, que voici dans l’ordre : P80, Zefiro 23, Zefiro 9 et AVUM (Attitude and Vernier Upper Module). Lors de l’échec de la mission VV15, une « défaillance thermo-structurale dans le dôme avant du moteur Zefiro 23 » avait été identifiée « comme étant la cause la plus probable de l’anomalie ». 

Après de multiples retards notamment causés par la crise sanitaire, Vega était de retour en vol cet été avec la mission VV16 et 53 satellites à son bord. C’était aussi l’occasion pour l’Europe de valider son « couteau Suisse » SSMS : « une structure modulaire et légère en fibre de carbone conçue pour envoyer dans l’espace de multiples charges utiles de petite taille et être configurée peu avant le lancement pour embarquer un nombre variable de satellites de différentes tailles ».

Le premier lancement de Vega remonte à 2012 et la fusée avait réalisé un sans-faute jusqu’à la mission VV15 en juillet 2019. La relève est certes en route avec Vega-C, mais l’attente sera encore longue puisque le vol inaugural a été repoussé en juin 2021. Arianespace tiendra une conférence de presse aujourd’hui à 14h afin de donner de plus amples informations sur cet incident.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Le quatrième étage et le moteur AVUM en cause

Défaillance de la trajectoire en direct

« Nous faisons un métier très difficile »

Défaillance de Zefiro 23 avec VV15, d’AVUM avec VV17

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Commentaires (21)


😭


Damned…
Les équipes des deux satellites doivent être dans un état, tant d’années qui partent en fumée…



Reste à savoir comment cet échec va modifier les plannings pour Vega-C et Ariane 6 qui vont avoir des composant en commun (même si cette fois le problème semble être lié au dernier étage et non au dôme et composants du second étage comme lors du VV15).



Il est possible qu’une partie des charges utiles de Vega soient reportées sur Soyouz (depuis la Guyane) en attendant les correctifs et Vega-C.
Espérons que la conf de presse de cette après-midi apportent quelques réponses, mais si les parties techniques risquent de mettre quelques mois à arriver.


:pleure: Quand ça veut pas …


C’est moi ou personne ne parle jamais du maître d’œuvre italien Avio lorsqu’on parle du lanceur Vega ?


je me faisais la même réflexion !!


Tellement triste…
Dans ce cas là quand une charge utile est détruite est-ce qu’il est envisagé de la reconstruire ou pas du tout ? (On peut penser qu’avec l’expérience cela prendrait beaucoup moins de temps, à moins de la mettre fortement à jour)


Question que je me pose également, ce n’est jamais évoqué… (je ne l’ai jamais lu/entendu en tous cas)


Pour autant que je sache, au moins certains composants, comme les instruments scientifiques, sont souvent produit en double. Ça n’augmente pas trop la facture, car la conception représente un cout bien plus élevé que la fabrication. Et le doublon sert de pièce de rechange si le premier lâche durant les nombreux tests avant le lancement.



auberjine a dit:


Tellement triste… Dans ce cas là quand une charge utile est détruite est-ce qu’il est envisagé de la reconstruire ou pas du tout ? (On peut penser qu’avec l’expérience cela prendrait beaucoup moins de temps, à moins de la mettre fortement à jour)




Généralement, oui les charges utiles sont reconstruites et relancées par la suite après parfois qqs années. Mais le lancement peut avoir lieu sur un autre lanceur (parfois de la même société, parfois non).
Il y a aussi un système d’assurance pour les charges utiles lancées en fonction du prix du lanceur, du prix de la charge utile et de la fiabilité du lanceur pour ce genre de cas.


Euuuuh quatre étages sur un lanceur voulu aussi “simple” que Vega, c’est pas un peu trop ? Ça multiplie les causes possibles d’erreurs, non ?



(quote:1837588:Victor von Jul)
Euuuuh quatre étages sur un lanceur voulu aussi “simple” que Vega, c’est pas un peu trop ? Ça multiplie les causes possibles d’erreurs, non ?




D’autant plus que les dernières fusées de SpaceX n’en ont plus que 2……



(reply:1837588:Victor von Jul) Je me fais la même réflexion. Il me semble que la plupart des lanceurs ne sont composé que de deux étages seulement. Et il n’a fallu que de 3 étages aux missions Apollo pour atteindre la Lune.
Comme tu le dis, chaque étage supplémentaire ajoute une probabilité de défaillance.



Mais le 4eme étage permet une plus grande souplesse car c’est le seul qui n’utilise pas un carburant solide, on peut donc le couper, le relancer etc



Donc top pour des lancements multi orbites



Mais par contre il est vachement moins puissant, d’où le besoin d’un 3eme étage a poudre



auberjine a dit:


Tellement triste… Dans ce cas là quand une charge utile est détruite est-ce qu’il est envisagé de la reconstruire ou pas du tout ? (On peut penser qu’avec l’expérience cela prendrait beaucoup moins de temps, à moins de la mettre fortement à jour)




Ça dépend. Pour le premier vol d’Ariane 5 les satellites n’avaient pas d’assurances. Donc tout à été perdu. J’ai connu une personne dont son travail de thèse dépendait de ses satellites. Il a du trouver un autre sujet..


À priori cela pourrait venir d’un problème de câblage et de vérification par la suite, et non un problème de design du lanceur. Une erreur humaine qui coûte cher (financièrement parlant et au niveau de la réputation)…



Source : https://twitter.com/jeff_foust/status/1328716058572763137
et https://spacenews.com/human-error-blamed-for-vega-launch-failure/


Ouch… Ce genre de souci me rappelle Apollo 6 : une erreur de câblage avait conduit à l’extinction d’un moteur qui marchait parfaitement (voir ici : Wikipedia Apollo 6)
Va falloir revoir les procédures de qualité et/ou changer les prises, pour éviter ce genre de souci à l’avenir. C’est rageant de perdre une mission pour une erreur pareille :(


La poisse !


En pleine folie Covid on pense à lancer des fusées, évidemment que ça ne peut pas marcher, faut retrouver la raison avant (on peut voir sur l’écran des personnes déguisées en chirurgiens).


On a déjà pas de fric à consacrer à l’espace, en Europe, on fait Vega (pour faire plaisir aux italiens) et Ariane.
Pendant ce temps là, SpaceX a envoyé dans le même temps 15 missions, a récupérer la moitié de ses fusées, et peut-être même celles des autres, et ils dockent facilement sur l’ISS.
J’exagère, mais au fond, je ne suis pas très loin de la réalité.


Et alors ?
On est en retard, c’est clair, mais mieux vaut tard que jamais.
L’espace est une course dans laquelle on ne peut pas se payer le luxe de rester sur le banc.



Ohmydog a dit:


On a déjà pas de fric à consacrer à l’espace, en Europe, on fait Vega (pour faire plaisir aux italiens) et Ariane. Pendant ce temps là, SpaceX a envoyé dans le même temps 15 missions, a récupérer la moitié de ses fusées, et peut-être même celles des autres, et ils dockent facilement sur l’ISS. J’exagère, mais au fond, je ne suis pas très loin de la réalité.




Parce qu’on a une réglementation commerciale assez débile dans l’UE qui nous empêche de faire comme SpaceX aux USA : ils surfacturent très largement les lancements pour le gouvernement américain, et en profitent pour (1) dépenser bcp en R&D (2) casser les prix sur les marchés où ils sont en concurrence (typiquement l’Europe).
La loi américaine permet d’aider très largement les entreprises du pays (défense, aérospatiale, numérique, tous ces domaines ont des lois pour empêcher la concurrence internationale de venir faire des propositions) ce que ne nous permettent pas les textes de l’union.