Censure de photos, drones, reconnaissance faciale... déluge sécuritaire à l'Assemblée

Souriez, vous êtes sécurisés
Droit 27 min
Censure de photos, drones, reconnaissance faciale... déluge sécuritaire à l'Assemblée
Crédits : pixinoo/iStock

Les députés avaient jusqu’à hier soir pour déposer leurs amendements sur la proposition de loi LREM relative à la sécurité globale. Tour d’horizon des principales dispositions réclamées par les parlementaires, concentrées dans le domaine des nouvelles technologies.

Cette fenêtre parlementaire intervient dans un contexte d’attentats. Et sans surprise, le virage sécuritaire se devait d’être fort. Next INpact avait dévoilé la nouvelle version de cette « PPL » pas plus tard que le 15 octobre dernier. Le texte signé Jean‑Michel Fauvergue (LREM), Alice Thoutot (LREM), Christophe Castaner (LREM) et l’ensemble des députés de la majorité ainsi que ceux des membres du groupe Agir ensemble, est désormais enregistré à l’Assemblée nationale.

C’est à partir de mercredi que les députés réunis en Commission des lois ausculteront les 340 amendements officiellement déposés. Nous les avons épluchés dans un long « thread » sur Twitter, pour revenir sur ceux touchant aux nouvelles technologies.

Une autre précision, avant de plonger dans cette masse : cette proposition de loi (émanant de députés, ndlr) n’est pas astreinte à analyse d’impact, comme doivent l’être les projets de loi (déposés par le gouvernement, ndlr). Comme révélé dans nos colonnes, le Conseil d’État a toutefois exceptionnellement été saisi sur une partie du texte, celle concernant l’usage des aéronefs équipés de caméras. Son avis est attendu cette semaine. La CNIL, elle, n'a pas été saisie et n'a pas examiné ce dispositif. 

Que prévoient ce texte et ses amendements ? Au menu, des fichiers, de la reconnaissance faciale, des drones équipés de caméra, de la reconnaissance de plaques d’immatriculation, et bien d’autres choses comme l’obligation de flouter les visages d’un nombre incalculable de personnes sous peine de lourdes condamnations.

Des fichiers, des fichiers, des fichiers

Le volet fichiers est très dense. La PPL propose de renforcer les pouvoirs des policiers municipaux, dans le cadre d’une expérimentation. Buon Tan et Daniele Hérin (LREM) souhaitent à ce titre que les agents de police municipale aient accès au fichier national des immatriculations (FNI), au fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et au fichier des personnes recherchées (FPR).

« Ces fichiers jouent un rôle fondamental dans la lutte contre un certain nombre d'infractions. Ils permettent aux forces de sécurité de développer une connaissance fine des territoires, des acteurs et des réseaux impliqués dans ces actes » avancent-ils en défense de leur amendement CL309

Ces deux élus de la majorité jugent même « indispensable de leur permettre l'accès à ces fichiers ». Il « renforcera l'efficacité et la pertinence de leurs actions, tout en permettant d'accroître leur coopération avec les forces de l'ordre nationales ».

Le CL104 est similaire. Emmanuelle Ménard (non inscrite) veut autoriser les mêmes agents à accéder au fichier des véhicules volés (FOVES) et là encore, au fichier des personnes recherchées (FPR).

« Le fait qu’actuellement les policiers municipaux soient obligés de passer par les services territorialement compétents de la police nationale ou de la gendarmerie pour y avoir accès présente un double inconvénient. En premier lieu, il s’agit d’un frein au bon déroulement d’une mission pour la police municipale, mais oblige également la police nationale et la gendarmerie à mettre à disposition des effectifs pour traiter ces demandes. En second lieu, cet accès indirect peut s’avérer risqué pour les agents qui peuvent se retrouver face à une personne dangereuse sans en être informés rapidement et sans pouvoir adapter leur intervention. »

Éric Ciotti et plusieurs députés LR plaident pour un accès identique (« fichier des personnes recherchées » et fichier « des objets et des véhicules signalés ») de manière à faciliter l'exercice de leurs missions (CL113). 

Les députés LREM Maillard, Guerini, Griveaux et Da Silva partagent eux aussi ce vœu. « Dans ce contexte si particulier, si dramatique, où notre pays se retrouve confronter à une vague d’attentats : la police municipale doit pouvoir mieux mener son rôle de prévention et de répression, mais également pouvoir agir rapidement et efficacement ». Cette utilisation « permettra une bien meilleure couverture du territoire, de résoudre un nombre d’investigations plus important, et de retrouver plus de personnes recherchées ou de voitures volées » affirment-ils (CL157).  

Éric Pauget (LR) compte autoriser le directeur de police municipale à vérifier « si une personne qu’il a personnellement contrôlée se trouve inscrit au sein du FIJAIT [le Fichier des auteurs d'infractions terroristes, ndlr] ou du fichier des personnes recherchées ». Cette procédure d’interrogation « ne donne pas accès aux données des fichiers de police judiciaire, mais précise seulement si la personne se trouve ou pas dans lesdits fichiers ».

En cas de réponse positive, « le directeur de police municipale avertit immédiatement le maire et le procureur territorialement compétent de cette correspondance par procès-verbal et en adresse une copie sans délai aux militaires de la gendarmerie nationale ou aux fonctionnaires de police nationale territorialement compétent » (CL274). 

L’amendement CL114 signé Éric Ciotti et plusieurs autres députés LR aimerait permettre aux services de police municipale, « pour la préservation de l’ordre public » et « à l’occasion d’événements particuliers ou de grands rassemblements de personnes », de déployer des lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation.

« Cette technologie permettra de favoriser les synergies avec les forces de l’État et d’inscrire les communes dans une démarche d’anticipation des évolutions des technologies de sécurité. Cet amendement s’inspire de l’une des recommandations du rapport de nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue » remarquent ces députés.

Des caméras individuelles pour tous

L’usage des caméras individuelles a le vent en poupe. L’idée ? Équiper plusieurs agents de ces équipements afin de procéder en l’enregistrement de leurs interventions « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident ».

L’amendement CL149 de Raphaël Gérard (LREM) entend ainsi étendre ce dispositif aux gardes champêtres. La députée Emmanuelle Ménard (non inscrit, mais épouse de Robert Ménard, élue avec le soutien de l'extrême-droite) ajoute à la liste « les agents de surveillance de voie publique » (CL92).

« Porteurs d’un uniforme, ils sont souvent assimilés aux agents de la police municipale. Il est donc urgent de leur assurer une meilleure protection au même titre que les sapeurs‑pompiers et les agents pénitentiaires qui en disposeront prochainement ».

Le CL186 de Xavier Batut, Stéphane Trompille et Danielle Brulebois (LREM) entend également accrocher ces caméras aux vestons des agents de sécurité privée. 

En l’état, la proposition de loi LREM entend revoir le régime des caméras utilisées par les forces de l’ordre en vigueur depuis plusieurs années. « Lorsque la sécurité des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention » prévient l’article 21.

Permettre « une reconnaissance faciale en temps réel »

La même disposition, en son dernier alinéa, ajoute que « les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements lorsqu’ils sont consultés dans le cadre de l’intervention ».

Elle supprime au passage un bout de l’article 241-1 du Code de la sécurité intérieure qui prévoit en l’état que « les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent ».

L’interdiction saute, mais une obligation d’intégrité est imposée. Suffisant ? Les députés de la France Insoumise ne le pensent pas (CL175). Ils demandent la suppression pure et simple de cet article 2 de la proposition de loi. Ils notent qu’avec cette nouvelle version, les « agents pourront avoir accès aux images qu’ils ont enregistrées, mais celles-ci ne seront plus seulement exploitées a posteriori : elles pourront aussi être "transmises en temps réel au poste de commandement" ».

« Cette transmission en temps réel est très grave » estiment-ils. « La Quadrature du Net soulige à juste titre qu'un des buts de cette modification serait de permettre l’analyse automatisée et en temps réel des images. Elle rappelle que la police est autorisée depuis 2012 à utiliser des logiciels de reconnaissance faciale pour identifier une des 8 millions de photos déjà enregistrées dans le fichier de traitement des antécédents judiciaire (TAJ) sur n’importe quelle image dont elle dispose (quelle qu'en soit l'origine). Ainsi, l'article permettrait une reconnaissance faciale en temps réel ! »

Après cette reconnaissance, scénarisent-ils, « le centre de commandement pourra informer en direct les agents de terrain sur l’identité des militant.e.s sur les lieux de la manifestation, déjà fichée dans le TAJ de manière légitime ou non, qui est un fichier que la police gère seule sans contrôle indépendant effectif. Ainsi la police pourra placer ces personnes en garde à vue de manière préventive, les fouiller sans aucune raison, etc. »

« La technologie utilisée doit être contrôlée par l’ANSSI »

Le député Philippe Latombe (MoDem) préfère une approche plus chirurgicale en appui de son amendement CL226 qui veut imposer l’encadrement des caméras mobiles à celles embarquées dans les véhicules des autorités. Une manière de boucher un trou dans la raquette. 

Les députés PS ne veulent pas que les agents puissent accéder aux images. La mesure est très contestée. « Dès lors que ces caméras peuvent transmettre leurs enregistrements en direct au centre de commandement, il n’apparaît pas souhaitable de permettre aux agents concernés d’intervenir sur l’enregistrement, avec les risques d’erreur ou de malveillance associés ». Et d’après ces élus, « l’alinéa qui prévoit des dispositifs techniques permettant de garantir leur intégrité n’est pas à lui seul suffisamment protecteur » (CL200).

Amendement identique déposé par les députés Paul Molac et Jean-Félix Acquaviva (Libertés et Territoires, centristes) : « Il n'est pas souhaitable de supprimer cette disposition garde-fou qui pourrait avoir comme conséquence d'être utilisée pour adopter la même version des faits en cas de poursuites et chercher à cacher des manquements de la part des forces de l'ordre » (CL337).

Cet accès des agents déplaît tout autant à Sacha Houlié (LREM) : « En l'état actuel du droit (….) "les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent", et ce, afin de garantir l'irréfutabilité d'une preuve ». Si « cette impossibilité d'accès est supprimée, la captation en question perdra de sa force probante, la bonne foi de l'agent pouvant être remise en question » (CL50). 

Voilà aussi pourquoi Philippe Latombe entend défendre son amendement CL224 : « Les enregistrements sont conservés unitairement chiffrés, signés et horodatés sur le serveur de stockage. Ce dernier doit faire l’objet de mesures de sauvegarde. La technologie utilisée doit être contrôlée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ». Pour les signataires de sa rustine parlementaire, « ce contrôle est indispensable au regard des enjeux liés à la protection des données personnelles ».

Le « risque de porter atteinte au secret de l'instruction »

Le Code prévoit que les enregistrements « ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents ».

Avec le CL335, Molac et Acquaviva entendent préciser l’objectif de ces caméras piétons, qui serait certes d’« éviter des débordements de la part des citoyens », mais aussi « des débordements des forces de l'ordre dans le cadre de leurs interventions ». Selon eux, ce sont des « conditions importantes quant à l'utilisation de cet outil en vue de relations pacifiées entre les forces de l'ordre et la population ». 

Le même L.241-1 du Code de la sécurité intérieure se doit d’être modifié, réclament même Molac et Acquaviva, afin que « les images issues des caméras piétons des forces de l'ordre ne [puissent] servir à l'information du public sur les circonstances de l'intervention que dans le respect de la protection de la vie privée des individus filmés par les forces de l'ordre » (CL336). 

Au CL223, Philippe Latombe préfère voir supprimée cette information du public : « l'utilisation des images de caméras individuelles ne semble pas pertinente aux fins d'information du public sur les circonstances de l'intervention. La disposition introduite par cet alinéa risque de porter atteinte au secret de l'instruction et par conséquent de nuire à l’exercice d’une justice sereine et impartiale ».

Toujours sur le thème des caméras individuelles, relevons le CL184 déposé par Batut, Trompille et Brulebois (LREM). L’amendement prévoit que « lorsque les caméras individuelles sont utilisées avec un pistolet à impulsions électriques, elles doivent soit être dotées d’un dispositif d’enregistrement sonore et être associées directement au viseur afin de filmer l’intervention dès le déclenchement desdites armes, soit, si elles ne sont pas associées au viseur, être dotées d’un dispositif d’enregistrement sonore et être assorties d’un système d’enregistrement qui se met automatiquement en marche dès le déclenchement desdites armes ».

Une mesure similaire existe déjà à l’attention des policiers municipaux. « Les vidéos captées lors de l’utilisation de PIE permettraient de protéger les forces de l’ordre, mais également les citoyens en cas d’intervention problématique, comme éléments de preuve » soutient Xavier Batut.

Reconnaissance faciale, le retour

Sans aucune surprise, Éric Ciotti a réchauffé son amendement CL117 destiné à coupler « vidéoprotection » et reconnaissance faciale avec comparaison aux images des fichiers de sécurité comme le fichier des personnes recherchées.

« Compte tenu des récents progrès dans le domaine des algorithmes de reconnaissance faciale et d’analyse vidéo en temps réel, comme un temps différé, la vidéoprotection couplée à une technologie de reconnaissance faciale est de nature à offrir des gains significatifs en matière d’identification criminelle ou terroriste et d’analyse du renseignement ». Des arguments qu'on retrouve dans ses textes déposés notamment en 2017.

Ce pourquoi il propose aussi, en guise de repli, de lancer une expérimentation de la reconnaissance faciale mais seulement dans 10 départements et sur une durée de deux ans (CL118). 

Au CL77, Philippe Gosselin (LR) voudrait que les images issues de ces caméras installées dans les espaces publics puissent « faire l’objet d’une exploitation intelligente à l’aide de solutions techniques permettant un traitement automatisé des images, sur autorisation expresse de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ». Par ailleurs membre de la CNIL, il propose une expérimentation en ce sens sur 4 ans à partir du 1er janvier 2021.

« À titre d’exemple, le réseau de transport de la RATP est équipé de plus de 50 000 caméras de vidéoprotection, pilotées seulement par une dizaine d’agents au sein d’un poste de commandement de sûreté, ce qui ne permet pas d’assurer une surveillance électronique efficiente du réseau en relation avec les forces de sécurité (Police nationale, services internes de sécurité, entreprises de sécurité privée) » relève le député LR.

Il imagine plusieurs pistes comme « identifier des personnes et de suivre leur cheminement au sein de l’espace vidéoprotégé (via des solutions de reconnaissance d’objet) » (sic). Son amendement est très ouvert : il « ne dresse pas une liste exhaustive des applications possibles de l’intelligence artificielle aux systèmes de vidéoprotection » afin de laisser la porte ouverte à tous les vents sécuritaires.

Au CL75, le même député Gosselin voudrait, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, autoriser la mise en œuvre de la reconnaissance faciale « dans les réseaux de transports publics afin de renforcer l’action de la vidéoprotection aux entrées des gares et des stations de métropolitain ». Selon lui, la technique associée à la vidéoprotection « permettrait l’identification des individus identifiés par le Fichier des personnes recherchées (FPR) qui recense les personnes faisant l’objet d’une mesure de recherche par les différents services de l’État ».

Le CL326 du député Pauget (LR) est tout aussi explicite : « À titre expérimental et pour une durée de trois ans (…) et pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, le recueil en temps réel de l’image d’une personne peut être autorisé à des fins d’exploitation biométrique ». Il reprend les argumentaires d’Éric Ciotti en faveur de cette solution de surveillance.

« Videoprotection »

Le terme de « vidéoprotection » concerne les caméras installées dans la rue. L’expression, aux parfums de novlangue, a été imposée par l’article 17 de la loi LOPPSI 2 de mars 2011. Depuis, sauf exception, « dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot : "vidéosurveillance" est remplacé par le mot : "vidéoprotection" ».

Dimitri Houbron (Agir ensemble, rattaché à la majorité) compte bien faire revoir le régime de déploiement de ces caméras afin de faciliter le déploiement de ces yeux électroniques, même de façon temporaire. « Le maire qui souhaiterait lutter contre les dépôts sauvages qui peuvent survenir sur un terrain de sa commune en particulier pourrait appliquer pendant plusieurs mois une vidéosurveillance sur le lieu précis pour dissuader les éventuels dépôts. Si ceux-ci surviennent en un autre lieu, le maire pourrait procéder au déplacement de la vidéosurveillance sur ce nouveau lieu toujours dans le respect de la loi de 1978 » (CL3). En somme, une vidéo surveillance « selon les besoins ». 

Le CL135 de Valérie Oppelt (LREM) voudrait commander au gouvernement un rapport portant « sur la possibilité de mettre à disposition les enregistrements de vidéosurveillance des caméras d’entreprises commerciales ou de services de sécurité privée, qui opèrent sur la voie publique, aux conseils de supervision urbaine locaux ». Son auteure juge intéressant « d’évaluer la pertinence de la mise à disposition de ces enregistrements aux conseils de surveillance urbaine (CSU) locaux et de mesurer la contribution d’un tel dispositif au travail des forces de sécurité intérieure ».

Au CL55, Rémi Delatte (LR) ne veut pas vraiment d’un tel rapport. Il préfère voir « assurer un véritable continuum de sécurité » et ainsi autoriser les forces de l'ordre à « disposer du flux vidéo des équipements de vidéoprotection situés sur les emprises des gares ».

Le CL315 de la députée MoDem Aude Luquet aimerait d’ailleurs que les entreprises de transport puissent « généraliser la mise en place des caméras à l’avant des bus, trains et tramways pour améliorer la qualité du service public délivré et offrir de meilleures garanties en termes de sécurité routière et ferroviaire ».

vidéoverbalisation police saint-étienne
Crédits : Xavier Berne

Les bouches du drone

La partie drone est un des piliers du texte. Elle a été transmise au Conseil d’État pour avis. La proposition LREM veut autoriser le déploiement « d’aéronefs » équipés de caméras pour assurer :

  • la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public, lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public, ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public ;
  • la prévention d’actes de terrorisme ;
  • le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;
  • la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;
  • la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;
  • la régulation des flux de transport ;
  • la surveillance des littoraux et des zones frontalières ;
  • le secours aux personnes ;
  • la formation et la pédagogie des agents ;
  • la prévention des risques naturels ou technologiques ;
  • le secours aux personnes et la défense contre l’incendie.

Rappelons que le Conseil d’État a déjà cloué au sol ces dispositifs déployés durant le confinement pour surveiller les populations, tant qu’un texte n’interviendrait pas pour encadrer ces traitements de données personnelles ou bridage des capacités techniques.  Un dossier a de nouveau été porté par LQDN devant le tribunal administratif pour étendre cette jurisprudence hors période de confinement

« Nous sommes contre les outils orwelliens qui permettent la surveillance de masse » fustige La France Insoumise dans un amendement de suppression CL177. « Les situations énumérées par l'article sont vagues et très larges "prévention d’actes de terrorisme", " surveillance des littoraux et des zones frontalières", "la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords". Les drones pourront ainsi envahir l'espace public ».

Avec son amendement CL239, Philippe Latombe reprend son argumentaire déjà utilisé pour réduire la portée de l’article 57 du projet de loi de finances pour 2020 concernant le chalutage des réseaux sociaux par le fisc. Il veut interdire la sous-traitance en la matière : les images obtenues par ces flottes « ne peuvent être sous-traitées » 

Et dans son CL56, il entend aussi réserver l’encadrement spécifique aux seuls aéronefs « télépilotés ». En l’état, le texte use d’une définition trop large, à son goût, incluant tous les engins volants équipés pour la surveillance des populations. « Le champ d’application de la présente proposition de loi concerne uniquement les aéronefs télépilotés, autrement dit, les drones. Il convient donc de circonscrire le domaine de cette disposition ».

« Une sorte de surveillance quasi-généralisée »

Signalons en particulier l’amendement CL340 de Maulac et Acquaviva, qui exclut « explicitement le traitement des images issues de caméras installées sur des drones par des logiciels de reconnaissance faciale ». Le CL57 de Philippe Latombe est identique. Son CL242 est même plus large puisqu’il prohibe les traitements d’informations « se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ».

L’amendement CL201 des députés socialistes veut de son côté « renforcer la protection des libertés individuelles ». Il élargit « le champ des espaces ne pouvant être filmés par des caméras aéroportées ». L’interdiction de « droner » les domiciles est étendue « à l’ensemble des immeubles et espaces privatifs, quelle que soit leur destination ». 

Et le CL339 des députés Molac et Acquaviva exige que soient justifiées, avant la mise en œuvre de ces drones, « la stricte nécessité et proportionnalité au regard des objectifs et moyens de contrôle existants »

Philippe Latombe réclame aussi la suppression de la régulation des flux de transport parmi la liste des finalités justifiant ces drones (CL70). Même sort pour « la surveillance des littoraux et des zones frontalières » (CL68). « Cette finalité trop large peut induire une sorte de surveillance quasi-généralisée qui paraît contraire à notre état de droit ».

Drone
Crédits : Bestgreenscreen/iStock

Par contre, il souhaiterait les voir utilisés pour lutter contre les rodéos sauvages (CL247). « Les conditions dans lesquelles ont lieu ces rodéos sont extrêmement dangereuses à la fois pour les forces de l’ordre, les riverains et les personnes qui les pratiquent. Aussi, leur surveillance par caméras aéroportées faciliterait la lutte contre le fléau que constituent les rodéos motorisés dans certains territoires en permettant aux forces de l’ordre de coordonner au mieux leur action sans mettre en danger leurs vies, celles des autres usagers de la route et celles des riverains et passants ».

Bénéficier d'un « avis conforme » de la CNIL

Lors de l'usage de ces drones, la PPL LREM prévoit une information du public « par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ».

Pour des députés Agir Ensemble, cette information du public doit se faire « par une publication au journal officiel de la République française ». Elle permettrait de connaître la durée et les périmètres de mise en œuvre de la mesure (CL206).

De l’autre côté, des députés entendent aiguiser et étendre ces aéronefs équipés de caméra. Selon la députée Ménard, « les services de police municipale doivent pouvoir bénéficier de tout l’arsenal technique mis à la disposition de nos forces de sécurité pour assurer au mieux leurs missions. L’usage des drones doit en faire partie » (CL168). 

Les députés socialistes aimeraient enfin que le décret d’application bénéficie d’un « avis conforme » de la CNIL, plutôt que d'une simple délibération « pour avis ». « La condition du déploiement de ces moyens de captation d’image doit être la définition d’un cadre assurant la garantie des libertés individuelles » soutiennent-ils (CL202).

Lors de la loi renseignement, une mesure similaire avait été proposée, à l’adresse de la CNCTR, autorité administrative indépendante en charge de contrôler l'utilisation des techniques de renseignement. Les socialistes alors au pouvoir avaient jugé, par la voix de Bernard Cazeneuve, cet « avis conforme » d'une « constitutionnalité extrêmement douteuse »

Délit d’outrage sur les réseaux sociaux

Au-delà des drones et autres solutions techniques, d’autres mesures veulent asséner de nouveaux tours de vis sécuritaire. Le code pénal sanctionne « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie ». C'est le délit d'outrage.

L’expression « non rendus publics » oblige souvent les concernés à engager une action sur le terrain cette fois de l’injure. « De nombreuses décisions de justice, aboutissant à un délit d’outrage, ont en effet été annulées au motif que les écrits, tags ou encore paroles n’ont pas fait l’objet d’une stricte et restreinte confidentialité : citons pêle‑mêle les réseaux sociaux, les insultes dans un lieu public bien que clos, … »

Lorsque l’injure publique est reconnue, le coupable encourt alors une contravention de 1ère classe (amende de 38 euros au plus) « ou, lorsqu’elle revêt un caractère discriminatoire, de 4e classe (750 euros au plus) ».

En supprimant cette expression dans leur amendement CL320, des députés LR espèrent que le délit d’outrage retrouvera sa vigueur,  avec à la clef une peine de 7 500 euros d’amende au maximum, et surtout la possibilité de requérir la mise en détention provisoire.

« Floutage » obligatoire des visages des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux

Une autre disposition de la PPL Sécurité Globale complète la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Elle sanctionne d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende « le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».

La mesure fait sursauter la France Insoumise. Au CL179, ses députés y voient une « nouvelle mesure symptomatique de l'autoritarisme de cette majorité et de ce Gouvernement qui ouvre une nouvelle boîte de pandore, en privilégiant la répression des citoyens au lieu de réfléchir à des processus de désescalade et de dialogue pour améliorer la relation entre la police et les populations ».

L’expression « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique », craignent-ils, est un trop faible rempart.

Des députés PS plaident pour une même suppression. « Si l’article précise que le délit ne sera constitué que si les images sont diffusées dans le but de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique du fonctionnaire, il ne fait aucun doute que, dans les faits, la diffusion de vidéos exposant des cas de pratiques illégales par la police soit rendue impossible ou extrêmement difficile et que cet article ne finisse par ni plus ni moins délictualiser les vidéos les dénonçant ».

Une « peine plancher » de 30 000 € d'amendes, et six mois de prison, minimum

Et ces élus de considérer que « la diffusion d'une vidéo montrant un agent en train de commettre un acte illégal ne peut qu’avoir un impact psychique sur lui » (CL210).

Pour eux, le droit de filmer ou de photographier la police « est une garantie essentielle pour protéger les droits humains notamment dans les situations qui présentent un risque élevé de violation, comme les opérations d'interpellation et de fouille, les contrôles d'identité ou les manifestations ».

police

« Le risque de sanction, l’obligation de supprimer tout élément d’identification sur les vidéos montrant des policiers, le critère d’intention très large, sont de nature à dissuader de filmer la police. Cette limitation est disproportionnée et présente le risque que des violations des droits humains ne soient pas documentées. C'est prendre le problème à l'envers. Il n'y aurait pas de diffusion de vidéos de violences policières, si celles-ci n'existaient pas » concluent-ils.

Inversement, Éric Ciotti demande que le passage « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique » soit supprimé, afin d’interdire massivement la diffusion des images des policiers et gendarmes, notamment sur Internet (CL127).

Philippe Latombe et d’autres élus MoDem préfèrent limiter cette suppression aux mots « ou psychiques ». « S’agissant de l’atteinte, du fait de la diffusion d’images, à l’intégrité d’un fonctionnaire de police ou à un militaire de gendarmerie, l’adjectif "psychique" justifiant l’interdiction de la diffusion de ces images laisse place à une interprétation large et paraît excessif. Cet amendement vise à limiter les éléments constitutifs de l’infraction au seul but de porter atteinte à l’intégrité physique du fonctionnaire de police ou du militaire de gendarmerie »  (CL245).

Éric Ciotti, encore et toujours, voudrait aussi étendre l’interdiction à l’ensemble des agents de la gendarmerie nationale ou de la police nationale, plus seulement aux fonctionnaires et militaires. Sa rédaction permet de faire tomber dans le champ du texte « les adjoints de sécurité ainsi que les personnels administratifs, techniques et scientifiques » (CL129). 

La liste noire pourrait encore s’agrandir, au détour d’autres amendements visant à protéger l’image de la police municipale, des gardes champêtres, des douaniers des sapeurs-pompiers ou des personnes chargées d’une mission de service public de sûreté ou de sécurité dans les transports

L’amendement LR CL128 envisage même de créer une « peine plancher » dont l'amende associée ne pourrait être inférieure à 30 000 €, et la peine d’emprisonnement inférieure à six mois.

Les feux d'artifice, des « matériels de guerre »

Dans le flot du texte, relevons également les amendements portant sur les feux d’artifice. Le CL37 de Fiona Lazaar (LREM) veut « lutter contre l’achat de ces produits à l’étranger, où la réglementation est parfois plus souple ». L’idée ? « Aligner le régime d’importation de ces produits sur celui des armes des matériels de guerre, armes, munitions et de leurs éléments relevant des catégories A et B, provenant des États non membres de l’Union européenne ». 

Bruno Studer (LREM), au CL254, entend créer « dans un objectif de sécurité globale, un délit autonome sanctionnant la promotion, l’incitation et l’organisation via les réseaux sociaux, d’incendies de véhicules ou de mobilier urbain ».

Son texte prévoit d'une part que « la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un véhicule ou de mobilier urbain, par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ».

En outre, le fait de promouvoir, d’inciter ou d’organiser un rassemblement de personnes destiné à permettre la commission de ces faits devrait selon lui être puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Voire cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque cette incitation a eu lieu sur un site Internet. « Cette proposition de disposition crée, dans un objectif de sécurité globale, un délit autonome sanctionnant la promotion, l’incitation et l’organisation via les réseaux sociaux, d’incendies de véhicules ou de mobilier urbain ».  

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !