Linux Mint 20 devrait sortir dans quelques jours, mais sa version bêta est déjà complète. Nous l'avons utilisée pour faire le point sur les nouveautés, qui ne vont pas toutes dans le sens de l’utilisateur.
Linux Mint est une distribution particulièrement appréciée. Bâtie sur les versions LTS d’Ubuntu, elle se destine à celles et ceux qui n'aiment guère GNOME Shell et se languissent du « monde d’avant », plus particulièrement de GNOME 2.x et de son ergonomie classique, avec un menu Démarrer et une barre des tâches.
La version 20, baptisée Ulyana, sera finalisée et disponible d'ici quelques jours. Elle change de socle puisque Ubuntu 20.04 est sortie entre temps. Elle sera donc supportée jusqu’en 2025, soit cinq ans, comme toutes les versions passées de Mint. Elle propose un certain nombre d’améliorations. Et si la plupart se font en douceur on y trouve aussi deux ruptures.
D’abord l’arrêt des versions 32 bits, qui laissera nécessairement des utilisateurs sur le carreau, même si les machines sans instructions x86_64 sont devenues rares depuis un bon moment. Ensuite (et surtout) le refus d’installer snapd, le service d’installation et d’entretien des snaps de Canonical. Une décision assumée comme étant « politique ».
Modernisation technique, Warpinator pour les échanges sur réseau local
Linux Mint 20 apporte une série de nouvelles versions pour les composants et applications, comme le font toutes les nouvelles moutures. On y retrouve un noyau 5.4, qui n’a rien de nouveau. Il est sorti en novembre 2019, notamment avec le support officiel de l’ExFAT, Microsoft en ayant publié les spécifications. Il a depuis été remplacé par l’implémentation de Samsung, plus efficace, dans le noyau 5.7 sorti début juin. Le gros des changements provient d’Ubuntu 20.04.
Mint 20 en reprend la majeure partie des apports, ainsi que les dernières versions de Firefox, LibreOffice, Thunderbird, Transmission, Rythnmbox, etc. La forte intégration est toujours là : le soin particulier apporté à l’interface reste la marque principale de la distribution. Parmi cette vaste amélioration de l’existant, on trouve quand même une vraie nouveauté : Warpinator. Elle est dédiée aux utilisateurs souhaitant s’échanger des données sur un réseau local de manière sécurisée.
Il s'agit en fait une « réimplémentation » d’un ancien outil nommé Giver. Il était apparu avec Linux Mint 6 et permettait aux utilisateurs sur un réseau local de se voir et de s’échanger des fichiers. Le projet avait été stoppé, puis retiré du système. Selon Clément Lefebvre, développeur principal de Mint, il manquait. En outre, beaucoup ne veulent pas s’ennuyer d'une configuration de type serveur (FTP, NFS, Samba…), et il est dommage de devoir passer par un support externe.
L’application fonctionne un peu à la manière d’un AirDrop chez Apple, mais avec une interface dédiée. Elle affiche les clients disponibles sur le réseau local, sur lesquels on peut faire glisser un ou plusieurs fichiers. Le destinataire doit aller accepter la demande pour que le transfert commence.
Seul regret pour le moment, qu'elle ne soit pas disponible sur d'autres OS et distributions Linux.
Des améliorations significatives pour Optimus de NVIDIA
Les utilisateurs équipés de portables compatibles Optimus seront sans doute ravis d’apprendre que le support de cette technologie de NVIDIA a été nettement amélioré.
Elle intervient pour rappel quand une machine contient une partie graphique Intel et un GPU dédié NVIDIA. L’intérêt repose sur la bascule automatique : l’IGP quand les besoins sont peu importants, comme pendant une session de surf ou de la bureautique, et le GPU pour les jeux ou applications gourmandes dans ce domaine.
Linux Mint 20 améliore justement ce support, avec un applet plutôt que de manière automatique. La distribution se sert par défaut de l’IGP pour l’ensemble des applications. C’était jusqu’à présent un problème régulier avec certains systèmes Linux, le GPU fonctionnant continuellement, avec l’impact que l’on imagine sur la batterie.
Pour déclencher la carte graphique dédiée, deux possibilités. Une icône de statut en bas à droite affichera le composant en cours d’utilisation. Cliquer dessus ouvrira un menu permettant de basculer sur l’autre. On peut également mélanger les modes. Dans le menu Démarrer, un clic droit affichera un menu d’où l’on pourra choisir d’exécuter l’application sur le GPU.
Zone de statut, Cinnamon 4.6 et autres améliorations
La plupart des icônes dans la zone de statut ont été harmonisées, rendues compatibles avec le HiDPI et remaniées dans un style plus symbolique. Elles se servent presque toutes maintenant de XAppStatusIcon, lui aussi amélioré. Il gère par exemple maintenant les évènements de défilement molette de la souris et intègre une fonction similaire à gtk_menu_popup()
, laissant l’équipe espérer des portages vers son composant.
Cinnamon – pour rappel gestionnaire de bureau par défaut de Linux Mint – est présent en version 4.6. On y note des performances globalement plus élevées (notamment dans Nemo), la possibilité de choisir un taux de rafraîchissement d’écran dans les préférences, des améliorations pour le HiDPI ou encore l’arrivée du fractionnal scaling. Ce dernier permet de définir une mise à l’échelle différente pour chaque écran et de gérer des valeurs intermédiaires entre les 100 % et 200 % classiques.
Les utilisateurs les plus attentifs pourront également noter des améliorations graphiques çà et là. L’équipe a entendu les utilisateurs au sujet du thème Mint-Y, qui n’avait finalement pas convaincu dans la mouture 19.3. Les points soulignés ont été gommés, avec notamment une augmentation du contraste sur certains éléments.
Nouvelles disparitions, une distribution moins consensuelle
Linux Mint 20 a beau être attendue, elle ne fera pas que des heureux. Comme dit, elle ne peut pas être installée sur des machines 32 bits. Il n’est pas prévu non plus de chemin de migration vers une version 64 bits, même si le processeur a été changé entre temps. Il faudra en passer par une réinstallation complète.
Surtout, Mint 20 n’intègre pas par défaut snapd. Conséquence, il n’est pas possible d’installer des paquets Snap sans plusieurs manipulations. L’impact le plus direct est la récupération de Chrome. L’installation de la logithèque ne donne rien, le paquet étant vide. La fiche produit décrit le problème : Ubuntu ne distribue plus Chromium que sous forme de snap dans ses dépôts, ce qu’elle s’était engagée à ne jamais faire.
L’entreprise avait promis en effet de ne jamais imposer d’installation par snapd quand un paquet DEB existait. Elle a été rompue, les développeurs de Mint ont donc préféré renoncer à snapd, qu’il est toujours possible d’installer. Mauvais point pour Mint ; la fiche ne donne qu’une explication succincte accompagnée d’un lien qui n’est ni copiable, ni cliquable.
Pour récupérer quand même Chromium, plusieurs solutions. On peut passer par la configuration d’autres dépôts. C’est d’ailleurs le sens du lien donné par Linux Mint. Y apparaissent quand même d’autres alternatives, comme l’installation de Chrome depuis son site officiel, impliquant que l’utilisateur ait confiance dans ce dernier. Même chose pour snapd : si l’utilisateur a confiance en Canonical, il peut installer le service, qui lui ouvrira alors les portes des paquets Snap.
Contrairement à ce qu’indiquent les développeurs de Mint toutefois, la commande apt install snapd
ne fonctionne pas. Elle renvoie une erreur : package 'snapd' has no installation candidate error
. Il y a un blocage défini dans un fichier de préférences, qu’il faut supprimer pour que la commande ait le résultat voulu.
Il se nomme nosnap.pref
et se trouve dans /etc/apt/preferences.d
. On peut l’atteindre par le gestionnaire de fichiers ou le supprimer via cette commande :
sudo rm /etc/apt/preferences.d/nosnap.pref
Cela étant, ces mesures ne servent qu’à contourner une décision radicale. On comprend les raisons des développeurs : Canonical n’a pas tenu sa promesse, et les snap ne sont pas appréciés d’une partie de la communauté. Un point récemment abordé d’ailleurs dans notre article sur les paquets de type conteneurs :
En l’espace de deux versions, il y a quand même de quoi bougonner. Linux Mint 19.3 avait supprimé GIMP et VLC de son stock au profit de Drawing et Celluloid. Même si on peut toujours les installer, il s’agit tout de même de deux classiques auxquels on ne touche pas si impunément. Et voilà que la version 20 supprime les éditions 32 bits et bloque snapd.
Chaque décision est copieusement expliquée, mais l’ensemble pourrait finir par donner une sensation désagréable : que la distribution soit moins consensuelle au point de ne plus répondre aux besoins des utilisateurs. Une situation complexe, surtout pour les snap, car les développeurs sont pris entre le besoin de laisser leur distribution fonctionner comme elle le devrait, et une opposition à Canonical qu’ils estiment cruciale… et d’autant plus complexe que Mint est basée sur Ubuntu.
Toujours aussi agréable, mais une impression de danger
Linux Mint 20 confirme la réputation de la distribution : agréable à prendre en main, des détails parfaitement fignolés, une installation simple, une prise en main immédiate. N’en jetez plus !
Cependant, avec les décisions prises depuis deux versions, la distribution affiche une ligne plus dure qui pourrait rebuter une partie des utilisateurs. C’est une chose que de changer les applications par défaut, même quand il s’agit d’outils aussi connus que GIMP et VLC, c’en est une autre de bloquer un mécanisme d’installation du navigateur Chrome.
Là-dessus, chacun se fera son idée. Mais puisque la distribution est clairement orientée vers le grand public, la décision l’ampute partiellement de cette facilité qu’elle affichait jusque-là. Un nouveau venu souhaitant récupérer le navigateur de Google ne verra qu’un bouton vert « Installer » qui ne fera rien. Et ce ne sont pas les maigres explications en anglais et le lien non cliquable qui l’aideront à comprendre. On espère que ce point sera au moins amélioré d’ici la version finale.