La Commission copie privée débat actuellement des futurs barèmes de redevance des box Internet. Next Inpact révèle la proposition des ayants droit. En position de force au sein de cette instance, le collège des bénéficiaires devrait l’emporter sur celles des collèges consommateurs et industriels, sauf ajustements à la marge.
Combien les fournisseurs d’accès devront-ils payer pour chaque box mise sur le marché français ? À ce jour, les tarifs en vigueur s’étendent de 6,30 euros (8 Go ou moins) à 45 euros (plus de 320 Go). Copie France, la société civile chargée de collecter la redevance pour le compte de la SACEM et des autres organismes de gestion collective, a toutefois pour objectif de revoir ces tarifs fixés le 14 décembre 2012.
Depuis plusieurs mois, la commission planche donc sur leur renouvellement. Ce travail de mise à jour, qui a déjà eu lieu pour les tablettes, les disques durs et les smartphones au 1er octobre, devrait connaître une petite révolution. Les ayants droit ont en effet fait une proposition de barème le 10 avril 2018 qui fusionne celui des box avec celui des disques durs multimédias.
Le barème proposé par Copie France, collecteur de la redevance
On déboucherait ainsi sur un barème unique, que nous révélons :
Le barème unifié box et disques durs multimédias proposés par les ayants droit
Que constate-t-on ? Déjà, sur les barèmes des box, les prix s’affolent sur les premières tranches. Par rapport au tarif actuel, la redevance fait plus que doubler jusqu’à 8 Go de stockage ainsi que sur une nouvelle tranche 8-20 Go créée pour l’occasion. Il augmente ensuite de 29 % dans la portion 20-40 Go. Après, les baisses sont généralisées, allant de -6 % (80 Go) à -29 % (1 000 Go)
Sur la partie disques durs multimédia, les hausses sont cette fois généralisées sauf sur le créneau entre 250 et 500 Go où la redevance reste stable ou presque. Sur les plus petites capacités, c’est en tout cas une envolée (+106 %, +51 %, + 67 %, …).
Au final, pour une box offrant par exemple 8 Go de stockage, un fournisseur d’accès payera 13 euros à Copie France contre 6, 30 aujourd'hui. Sur une box de 20 Go, 14 euros, contre 6,30 euros. Pour 40 Go d’espace disque cette fois, au lieu des 12 euros actuels, le tarif grimpe à 15,50 euros. Par contre, sur un appareil offrant 250 Go de stockage, le montant recule de 7 euros, de 30 à 23 euros.
Ce barème unifié concerne 10 % des perceptions en volume. Il est riche d’enseignement puisqu’il anticipe d’une certaine manière une concentration du marché sur les plus petites capacités, là où l’attention de Copie France est la plus importante. Selon son rapport de transparence pour 2017, 731 789 box ont été commercialisées dans la seule tranche 8-40 Go. Là où justement les hausses sont les plus fortes.

Les contre-propositions de la FFT, rejetée par Copie France
En commission copie privée, ces propositions ont été contestées par la Fédération française des télécoms (FTT). « L’augmentation est beaucoup plus forte sur les petites capacités, en dessous de 40 Go » a rétorqué le 25 septembre dernier Michel Combot.
Le directeur général de la fédération a fait une contre-proposition qui démarrerait à 7,5 euros, bien loin des 13 euros sollicités par les ayants droit. Quoi que se disant ouverte à la négociation, Copie France, par la voix d’Idzard Van der Puyl, a déjà repoussé ce barème dissident parce qu'« entre 30 % et 60 % inférieurs aux barèmes proposés par les ayants droit ». Impensable.
Un péage en amont de la virtualisation
Si la grille tarifaire des bénéficiaires est consacrée, cette hausse risque de frapper durement les fournisseurs d’accès tentés de déporter une partie du stockage de la box vers le « cloud ». Un scénario qui n’est pas de la science-fiction.
Orange nous témoignait déjà tout son intérêt pour la virtualisation dès mai 2017. Un service de NPVR (ou magnétoscope numérique) a d’ailleurs déjà été mis en œuvre en Roumanie. Il devait être implanté en France en fin d’année dernière, au moins à titre de test. En vain pour l'heure. Contactée mardi, Bouygues Télécoms nous a confirmé également « travailler sur les NPVR », sans plus de détail sur l'agenda.
L'attentisme du secteur peut s'expliquer par quelques calculs simples. En tapant plus lourdement sur les premières tranches, finalement Copie France veut placer une forme de péage à l’entrée des nouveaux services déportés taillés pour enregistrer les flux TV. Pour ne rien arranger, les barèmes NPVR ont déjà été doublés en juillet dernier. Cette hausse a d’ailleurs contraint Molotov à couper l’enregistrement pour ses abonnés gratuits.
Le nouveau barème NPVR en vigueur depuis le 01/08
Cas pratique : une box de 8 Go et un stockage NPVR de 8 heures
Pour mieux mesurer l'impact du barème box en gestation, prenons ce scénario de départ : un FAI propose, dans le cadre d’une offre « low cost », une box de 8 Go couplée à 8 h de stockage en ligne (ou 8 Go, puisque 1 h=1 Go dans ce secteur). Côté redevance copie privée, le calcul est simple. Il devra verser une seule fois 13 euros pour le disque dur embarqué, majorés de 0,21 euro, versé chaque mois pour la partie NPVR :
- 8 Go de stockage sur la box : 13 euros
- 8 Go (ou 8 heures) de stockage sur le NPVR : 0,21 euro/mois
Si un client reste abonné une seule année, même sur une durée aussi courte, Copie France en sort vainqueur. La note finale sera en effet de 15,52 euros de redevance copie privée (13 euros pour la box + 0,21*12 mois pour le NPVR), soit plus que celui payé aujourd'hui par les FAI pour un équipement de 40 Go (12 euros) !
En supposant que cet abonné reste maintenant 2 ans chez son FAI, la note finale sera de 18,04 euros (13 euros + 0,21*24). Selon le barème actuel, c'est à quatre centimes près, le tarif payé pour une box avec 80 Go de stockage.
Dernier cas, celui d’un l’abonné restant fidèle 7 ans. Cette fois, le montant payé aux ayants droit sera de 30,64 euros (13 euros + 0.21*84). Un tarif qui correspond à celui payé actuellement pour une box de 250 Go. Dit autrement, en sept années, Copie France va butiner autant de redevances sur 16 Go de stockage qu’elle n’en percevait sur une box de 250 Go. Un filon.
Il n'est aujourd'hui guère étonnant que les FAI ne se soient pas encore positionnés sur le marché de NPVR. Faute de connaître le barème définitif des box, difficile de prendre un risque commercial, surtout pour les services d'entrée de gamme, là où l'appétit des ayants droit est le plus important.