OVH veut atteindre le milliard d'euros de chiffre d'affaires d'ici trois ans. Pour cela l'hébergeur opte pour une stratégie d''internationalisation, de « confiance » et de nouveaux directeurs. Octave Klaba évoque aussi son initiative vGAFAM, destinée à trouver « le modèle pour faire grandir les entreprises en Europe ».
La réorganisation d'OVH va bien au-delà du regroupement de ses services dans quatre univers, qui n'est que la partie visible de l'iceberg. Des changements en profondeur ont aussi eu lieu dans l'organigramme. Le plus emblématique (et récent) est sans aucun doute l'arrivée de Michel Paulin comme directeur général.
Sa mission : « continuer et accélérer la croissance d’OVH, en gardant son ADN », explique l'ancien directeur général délégué de SFR. Si Octave Klaba reste président du conseil d'administration et doit donc donner le cap, l'entreprise familiale a quand même bien changé avec l'arrivée d'une fournée de directeurs et autres conseillers.
Notre dossier sur l'OVH Summit 2018 :
- OVH Summit 2018 : quatre univers, smart cloud, Tesla V100 , AMD, migration VMWare à chaud
- OVH nous parle stratégie, changements de directeur général, « confiance », Supermicro et... vGAFAM
Octave Klaba délègue et se concentre sur la stratégie
En janvier 2018, Alain Fiocco, devenait directeur technique, poste qu'il occupait auparavant chez Cisco (où il est resté 22 ans). Quatre mois plus tôt, en septembre 2017, Xavier Perret (ancien vice-président d'Orange) devenait directeur de la transformation digitale.
Désormais, Octave Klaba n'est plus « que » président du conseil d'administration, alors qu'il cumulait les casquettes jusqu'à récemment. Depuis août 2017, il dispose même d'un conseiller spécial (désormais directeur de cabinet) : Grégoire Kopp, ancien porte-parole d'Uber en France et ex-avocat chez UFC-Que Choisir. Rappelons qu'OVH a grandi de plus d'un millier d'employés en un an, pour un total de 2 300.
Nous avons pu discuter de la stratégie d'OVH avec certains des nouveaux dirigeants. Octave Klaba a évoqué son nouvel objectif : « s'imposer comme un acteur de confiance » auprès des grandes entreprises qui, cèderaient trop souvent aux sirènes du cloud des géants du Net. Néanmoins, « plus d’une centaine de clients parmi les grandes entreprises françaises » sont chez OVH, avec des acteurs comme Auchan, Airbus, Alcatel Lucent et la Société générale.
Les recrutements récents avec des personnes connues et reconnues dans leur domaine vont évidemment dans ce sens, mais « il reste encore du travail », concède le fondateur du premier hébergeur français.
Direction générale : valse à trois avec Laurent Allard, Octave Klaba, Michel Paulin
Historiquement, Octave Klaba tenait fermement les rênes en tant que président directeur général et directeur technique. Laurent Allard est arrivé en février 2015 pour prendre le poste de directeur général et s'occuper des opérations.
À l'époque, « l'objectif était de nous aider à lever des fonds, de structurer OVH et de commencer la construction de douze nouveaux datacenters » se souvient Octave Klaba. Mission accomplie en octobre 2016 avec 250 millions d'euros levés auprès des fonds KKR et Towerbrook.
Deux ans après son arrivée, rebondissement en mars 2017 : Laurent Allard changeait de poste pour devenir vice-président du conseil d'administration, tandis qu'Octave Klaba récupérait sa casquette de directeur général. « À cause des complexités légales des différents conseils d'administration aux États-Unis, c'est devenu très compliqué, j'ai dû revenir aux opérations pour structurer », nous explique-t-il.
Il y a quelques semaines Michel Paulin était nommé directeur général d'OVH, le troisième en moins de deux ans, tandis que Laurent Allard quittait la société. Désormais, le fondateur et président du conseil nous assure qu'il ne s'occupe plus que de la stratégie, sans aucune autre casquette. Il ajoute que cette nouvelle organisation est faite pour durer.
« C'est l'idée » du moins « on a la configuration qui nous permettra de dépasser un milliard d'euros de chiffre d'affaires et d'avoir de nouveaux datacenters ». Le conseil d'administration d'OVH comprend toujours des membres de la famille Klaba, un représentant pour chacun des fonds KKR et Towerbrook, le directeur général (Michel Paulin) ainsi que le directeur financier (Nicolas Boyer). Hier, Octave Klaba nous affirmait toujours détenir 80 % de la société.
OVH en quête d'une image et de « confiance » auprès des professionnels
Ce changement important à la tête de l'hébergeur cache une autre réalité que l'on devine dans les discours : la quête d'une image de marque, que les anciens directeurs d'Orange, de Cisco et de SFR doivent apporter.
Le but de l'opération ? « Pour pousser des entreprises à stocker toutes leurs données les plus importantes dans des serveurs qui ne sont pas les leurs, il faut qu'elles aient confiance » résume le fondateur. Ce dernier espérait pendant un temps que les investissements de 250 millions d'euros permettraient de changer les mentalités, mais ce n'est visiblement pas suffisant.
En plus des directeurs, d'autres pistes sont à l'étude comme de nouvelles levées de fonds et, pourquoi pas, une introduction en bourse « s'il faut en arriver là ». Pour le financement, « toutes les options sont sur la table ». Sauf une : OVH n'est toujours pas à vendre. C'est d'ailleurs « la seule certitude » lâche son conseiller spécial.
Reste qu'un trio d'éléments cruciaux doivent aussi être travaillés : le support, le service et l'interface client. Malgré les efforts récents en la matière, ce sont toujours des éléments qui reviennent lorsque l'on évoque la société. Elle va donc sans doute devoir continuer d'investir sur ces points afin de voir petits et grands comptes lui accorder leur confiance.
Investissements et revenus en progression
Les investissements d'OVH sont d'environ 300 millions d'euros en 2018, et la société pense atteindre un total de 1,5 milliard d'euros sur la période 2016 à 2020. Pour les cinq années suivantes, Octave Klaba estime (à vue de nez) que le montant pourrait être de quatre et sept milliards d'euros, mais le plan d'action reste encore à définir.
Cette année, OVH devrait faire plus de 600 millions d'euros de chiffre d'affaires, avec la barrière du milliard d'euros d'ici trois ans environ. Pour le moment, le groupe affiche une croissance de 20 %. Elle est « en dessous de la croissance du marché mondial, car l’Europe croît moins vite que l’Amérique du Nord » se justifie Octave Klaba.
Nous devrons tout de même nous en tenir à ces déclarations, la société ne publiant pas ses comptes, comme tant d'autres.
Le lancement des offres aux États-Unis l'année prochaine devrait permettre d'augmenter significativement les revenus : « le datacenter est terminé, on est en train de préparer la production des serveurs. On va entrer sur le marché avec des prix attractifs », affirme Octave Klaba.
Quid de l'affaire Supermicro et d'HubiC ?
Une des particularités – les responsables parlent d'une « force » – d'OVH est d'assembler en interne ses composants, dans un centre à Croix dans les Hauts-de-France (avec une capacité de 400 000 serveurs par an) et un autre aux États-Unis.
Les composants (cartes mères, CPU, GPU, HDD, SSD, etc.) proviennent de plusieurs fournisseurs... dont Supermicro. La question de la présence d'une puce-espionne a évidemment été soulevée. « Nous avons passé beaucoup de temps sur l’histoire Supermicro, mais nous n’avons rien trouvé », assure Octave Klaba. « Nous ne pouvons pas dire que cette histoire est vraie ou non, mais nous pouvons dire que nous ne sommes pas concernés » ajoute-t-il,
Il rappelle que la société dispose d'outils de détection de fuites d'information depuis son réseau. Une ligne de défense déjà adoptée par Apple, qui déclare aussi n'avoir trouvé aucune puce-espionne, ni détecté d'échange suspect d'informations. La surveillance des activités réseau est une mesure d'hygiène classique pour de telles sociétés.
Supermicro et Amazon sont également sur cette ligne, tandis que Bloomberg campe sur la sienne en mettant en avant ses 17 sources de plusieurs entreprises. Depuis, nos confrères affirment avoir récupéré de nouvelles preuves sur un autre serveur altéré, chez un opérateur américain.
Concernant HubiC, Xavier Perret répète qu'il n'est pas « prévu de couper » le service pour le moment. Il ajoute par contre qu'OVH se focalise sur les professionnels et que la société « n'a pas vocation à avoir des offres grand public ». « On est vraiment B2B », nous lance même un autre responsable de la marque.
One more thing : Octave Klaba présente vGAFAM
Nous avons enfin eu droit à la présentation (succincte) d'un projet d'Octave Klaba aux contours encore vagues : vGAFAM. L'idée serait de permettre à des directeurs/fondateurs de sociétés européennes (exclusivement) de discuter entre eux.
Il n'est pas question d'un quelconque financement ou de faire du lobbying, mais d'échanger sur leurs stratégies pour atteindre et dépasser des paliers : 10, 100, 500, 1000 millions. « Tu fais dix millions d'euros de CA, comment faire un milliard ? Est-ce qu'il y a une méthode, une procédure, un écosystème ? », se demande le fondateur d'OVH.
« Il faut que ça se fasse entre les entrepreneurs, ce n'est pas politique ou de la communication. On va travailler ensemble », lâche Octave Klaba.
« Ce qui manque, c’est un écosystème où nous pouvons coopérer », en s'appuyant sur les valeurs de l'Europe et misant sur la confiance (le nouveau dada d'Octave Klaba). C'est dans cette idée que vGAFAM, ou « GAFAM virtuels » s'inscrit.
Le dirigeant veut démarrer son projet avec une dizaine de sociétés « de 200 à 300 millions d’euros de chiffre d’affaires pour ensuite en réunir jusqu’à un millier » d'entreprises. La coopération pourrait porter sur « l’innovation, la formation, la recherche de talents, l’international ou encore le développement de la croissance ».
Nous n'en saurons pas davantage pour le moment.