Ce matin, en commission, les sénateurs ont souhaité que les pompiers et surveillants de prison puissent expérimenter des caméras mobiles. Avec l’appui du gouvernement, ils ont également décidé de pérenniser l’autorisation qui avait momentanément été accordée il y a deux ans aux policiers municipaux.
Le déploiement des caméras-piétons n’est visiblement pas près de s’arrêter. Le ministère de l’Intérieur a d’ailleurs conclu il y a quelques semaines un marché de 2,4 millions d’euros avec une PME angevine, en vue de l’acquisition de plus de 10 000 de ces appareils généralement portés au niveau du torse. 5 000 iront à la Gendarmerie et 5 400 à la Police nationale.
Bien que progressivement fournies aux forces de l’ordre depuis 2013, il aura fallu attendre la loi de réforme pénale en 2016 pour que la France dispose d'un cadre d'utilisation précis (non sans différentes critiques de la part de la CNIL). En tout cas en ce qui concerne les policiers et gendarmes.
Une expérimentation achevée depuis le 3 juin
Les policiers municipaux, quant à eux, ont bénéficié d’une expérimentation qui s’est achevée dimanche 3 juin. Depuis hier, les fonctionnaires des quelques 300 villes ayant pris part à l’opération ne peuvent donc plus filmer leurs interventions au moyen de caméras individuelles.
Le ministère de l’Intérieur s’est pour l’occasion fendu d’un communiqué pour annoncer que « conformément au souhait du législateur », il transmettrait « dans les tous prochains jours » au Parlement un « rapport tirant le bilan des expérimentations conduites depuis le 1er janvier 2017 ».
Les communes concernées « en tirent un bilan très positif », assure d’ores et déjà la Place Beauvau, sans plus de détails. Et ce quand bien même les premiers retours relatifs aux caméras-piétons, obtenus par Next INpact après saisine de la CADA, se révélaient plus nuancés.
Un bilan présenté comme « très positif »
Hasard (ou non) du calendrier, la commission des lois du Sénat entamait aujourd’hui l’examen de la proposition de loi visant à harmoniser les règles encadrant l’usage des caméras-piétons par les autorités de sécurité publique. « Il appartiendra au législateur, sur le fondement notamment du rapport qui lui sera remis, d’apprécier l’opportunité de pérenniser ou d’abandonner cette expérimentation [relative à la police municipale] », indiquait le ministère de l’Intérieur dans son communiqué de dimanche.
L’exécutif poursuivait en expliquant qu’il serait « pleinement attentif aux propositions qui pourraient être faites dans le cadre de ce débat, le dispositif des caméras mobiles s’inscrivant pleinement dans la démarche initiée avec le lancement de la police de sécurité du quotidien ».
Un message parfaitement limpide, à l’attention de la majorité sénatoriale – de droite et du centre, qui avait déposé ce texte en mars dernier (voir notre article).
Ce matin, le rapporteur Dany Wattebled a ainsi fait adopter un amendement pour que les policiers municipaux bénéficient du même régime d'autorisation que leurs collègues de la Police nationale et de la Gendarmerie. À savoir :
- Possibilité de filmer une intervention « en tous lieux » (y compris privés, donc)
- L’enregistrement n’est pas permanent mais soumis à l’activation de la caméra par l’agent, « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées »
- Un « signal visuel spécifique » doit indiquer si la caméra enregistre
- L'activation de la caméra doit faire l'objet d'une information des personnes filmées, « sauf si les circonstances l'interdisent »
- L'agent ne peut pas avoir d’accès direct aux enregistrements auxquels il a procédé
- Effacement des images au bout de six mois (hors utilisation dans un cadre judiciaire, notamment)
En appui de son amendement, le rapporteur faisait simplement valoir que « face à l’efficacité du dispositif », il souhaitait le pérenniser dans le Code de la sécurité intérieure.
Une expérimentation de trois ans pour les pompiers
Le rapporteur a d’autre part proposé de réécrire les dispositions de la proposition de loi qui permettaient aux sapeurs-pompiers (professionnels comme volontaires) d’utiliser, à titre expérimental, des caméras-piétons.
Les hommes du feu pourront enregistrer leurs interventions uniquement « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril leur intégrité physique, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées ». La commission des lois a volontairement opté pour un périmètre un peu plus limité que pour les forces de l’ordre, afin d’assurer la constitutionnalité de la réforme.
Dany Wattebled a effectivement fait valoir qu’au regard des « missions spécifiques des sapeurs-pompiers qui, contrairement aux agents de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale, ne remplissent pas de mission de sécurité publique ni ne contribuent directement à la prévention des infractions », il convenait d’introduire des « garanties complémentaires » de nature à garantir « la proportionnalité » du dispositif.
Les pompiers ne devraient ainsi pouvoir activer leurs caméras que dans des cas très graves (lors d’incendie notamment), et bien plus rarement lors d’interventions à caractère médical.
La durée de l’expérimentation, initialement fixée à deux ans, a été rallongée d’une année supplémentaire. La commission a d’autre part souhaité que le gouvernement remette ici aussi une évaluation au Parlement.
Une utilisation plus restreinte, afin d’assurer la constitutionnalité de la réforme
Même cas de figure pour les surveillants de prison. La commission des lois a adopté un amendement du rapporteur réécrivant sensiblement le dispositif prévu initialement.
À titre expérimental (et pour trois ans), « les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire individuellement désignés » pourront être autorisés à filmer leurs interventions « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées ».
Comme pour les pompiers, un encadrement plus strict a été introduit afin d’assurer la proportionnalité du dispositif. Les enregistrements seront ainsi limités aux « missions présentant, à raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d’incident ou d’évasion ».
Les sénateurs ont au passage souhaité préciser qu’aucune image ne pourrait être capturée durant les fouilles, pour des raisons de respect de la vie privée des détenus. Un bilan de l’expérimentation devra là aussi être remis au Parlement.
La proposition de loi sera examinée mercredi 13 juin en séance publique, avant que le texte ne soit transmis à l’Assemblée nationale.