Crytek accuse l'éditeur de Star Citizen de violation de copyright après l'abandon du CryEngine

Crytek me a river
Droit 7 min
Crytek accuse l'éditeur de Star Citizen de violation de copyright après l'abandon du CryEngine

En cette fin d'année et après de longs mois passés sous les radars, Crytek sort enfin du bois. Après son projet de crypto-monnaie pour joueurs, l'éditeur fait parler de lui au travers d'une épaisse plainte adressée à Cloud Imperium Games, l'éditeur de Star Citizen.

Cela fait plus de 6 ans que Star Citizen est en développement. Les travaux ont débuté en 2011 et le lancement du titre était prévu pour 2014, avant d'être repoussé à courant 2016. Fin 2017, aucune date de lancement officielle d'une version terminée du jeu n'est connue. Le projet est pourtant assez largement financé, grâce à plus de 173 millions de dollars récoltés lors de ce que l'on pourrait considérer comme la campagne de financement participatif (ou de précommandes ?) la plus longue du monde. 

Star Citizen

Depuis ses débuts, l'étendue du projet a nettement évolué, passant du développement d'un seul jeu, Star Citizen, à une séparation des différentes fonctionnalités promises au départ dans deux titres distincts, le second portant le nom de Squadron 42. Ce dernier comprend une campagne solo scénarisée se déroulant dans l'univers de Star Citizen. Une extension ajoutant 16 missions supplémentaires est déjà prévue. 

Crytek rime avec berserk

Pour le développement de son jeu, Cloud Imperium Games (CIG) s'est d'abord appuyé sur le CryEngine de Crytek. Les deux entreprises avaient signé en novembre 2012 un accord comprenant un certain nombre de contraintes à respecter de part et d'autre. Il était notamment question d'un rabais sur la licence du moteur, en échange d'un minimum d'exposition, ou de la possibilité de le modifier et d'en corriger les bugs, à condition de remonter les changements apportés à Crytek. 

Selon Crytek, Cloud Imperium Games a violé plusieurs des conditions imposées dans cet accord à savoir : 

  • La licence du CryEngine ne portait que sur Star Citizen et aucun autre jeu
  • Star Citizen devait mettre en avant qu'il était développé avec le CryEngine
  • Star Citizen devait être développé exclusivement avec le CryEngine
  • CIG n'aurait pas remonté à Crytek les modifications apportées à son moteur
  • CIG aurait fourni à des tiers du code source appartenant à Crytek.

Faute d'avoir pu résoudre ces quelques différents à l'amiable, le studio allemand est passé à la vitesse supérieure en déposant une plainte aux États-Unis, où siègent CIG et sa filiale Robert Space Industries.

Squadron 42 ne faisait pas partie du contrat

Dans sa plainte, Crytek signale que l'accord signé en novembre 2012 porte sur l'utilisation du CryEngine sur un seul titre : Star Citizen. Or, le 16 décembre 2015, CIG a annoncé que Squadron 42 serait vendu séparément de Star Citizen en tant que jeu solo à part entière. Quelques semaines plus tard, le studio précise publiquement que le titre ne nécessitera pas de posséder Star Citizen pour fonctionner.

Le 5 février 2016, Crytek fait donc suivre un courrier au studio le notifiant que « son plan consistant à distribuer Squadron 42 comme un jeu "stand-alone" n'est pas couvert par la licence accordée pour Star Citizen », et qu'il fallait donc repasser par la case négociations pour discuter des royalties. Une semaine plus tard, CIG insiste en déclarant que le studio vendra le jeu en dépit de ce qui est prévu par l'accord. 

Crytek estime donc que « CIG utilise intentionnellement et obstinément le CryEngine sans détenir de licence, en violation avec les lois sur la propriété intellectuelle ». En compensation de l'usage de son moteur, Crytek entend donc récupérer l'argent qui lui est dû. « Classiquement, la compensation inclut un acompte substantiel, suivi de royalties substantielles sur la vente de jeux », précise l'éditeur allemand.  

Mais où est passé le logo Crytek ?

L'accord de 2012 pour Star Citizen prévoit également que les marques « Crytek » et « CryEngine » apparaissent de façon proéminente sur les documents marketing du jeu, sa boîte, ses crédits, sa documentation, et sur un « splash screen » au lancement du titre. 

En échange de cela, Crytek consentait une « réduction importante du coût habituel des licences, compte tenu de l'impact promotionnel [de cette mesure] et d'autres promesses émises par CIG ». Un accord qui devait donc profiter aux deux parties. 

Mais à partir du 24 septembre 2016, les relations entre le studio et l'éditeur du moteur de jeu se tendent. Dans une vidéo publiée sur YouTube, Chris Roberts, le fondateur de CIG explique sans détour : « nous n'appelons plus le moteur CryEngine, mais Star Engine ».  Un changement qui serait dû au fait que le studio a apporté de nombreuses modifications à l'une des versions du CryEngine, si bien qu'il ne s'agirait plus du même moteur, mais d'un fork à part entière de sa version 3.7. 

Peu après, CIG a fait retirer les mentions de Crytek et du CryEngine de ses supports publicitaires et de l'ensemble du jeu, y compris les « copyright notices » liées au moteur. Compte tenu du non-respect de l'engagement initialement prévu, Crytek réclame donc le paiement de royalties plein tarif sur Star Citizen

Crytek vit mal la transition du jeu vers Lumberyard

La tension monte encore d'un cran le 23 décembre, quand CIG annonce au monde que ses équipes n'utilisent plus le CryEngine en guise de moteur, mais Amazon Lumberyard, qui se trouve être un fork de la version 3.8 du CryEngine. Or, selon Crytek, « l'accord de licence ne permet pas à CIG d'utiliser un autre moteur de jeu que le CryEngine pour Star Citizen ». Et le fait que Lumberyard ne soit qu'un CryEngine avec une fausse moustache ne changerait rien à la donne. 

Ce changement de moteur a toutefois le mérite d'expliquer pourquoi les mentions de Crytek ont disparu de l'ensemble du jeu quelques semaines plus tôt. Pour rappel, Amazon a payé une licence estimée entre 50 et 70 millions de dollars fin 2014 pour développer son propre fork du CryEngine, sauvant par la même occasion Crytek d'une faillite qui apparaissait alors quasi certaine.

Patch day, no play

Autre écueil remonté par Crytek : CIG aurait manqué à son obligation de remonter à l'entreprise allemande les correctifs apportés au CryEngine en vue de corriger les éventuels bugs qui s'y trouveraient. Selon l'accord de novembre 2012, CIG doit « fournir annuellement pendant le temps de développement du jeu, et après sa publication, tout correctif et optimisation faits au code source original du CryEngine (y compris sur les outils fournis par Crytek) ainsi qu'une version complète compilable ». 

Crytek déclare avoir envoyé une première relance concernant cette clause le 16 novembre 2015, alors que CIG n'avait déjà pas répondu à cette obligation « depuis un certain temps ». Le 24 novembre 2016, la demande se fait plus pressante et l'éditeur allemand informe son partenaire que son comportement est en violation de l'accord de licence signé quatre ans plus tôt. CIG répond à cette injonction en expliquant vouloir faire les efforts nécessaires pour fournir les correctifs demandés. Ils n'arriveront jamais. 

La dernière relance remonte au 22 juin 2017. « Aujourd'hui, CIG n'a fourni aucun effort pour transmettre à Crytek les correctifs et optimisations apportées au CryEngine, dans une version complète et compilable » fait savoir l'éditeur. 

Cachez ce code que je ne saurais voir 

Enfin, Crytek ne raffole pas de voir le code source de son moteur se trimballer un peu partout, sans sa permission. L'accord de licence prévoit ainsi que « CGI ne devra pas utiliser le CryEngine de manière à dévoiler son code source ou toute autre information propriétaire à une tierce partie, sans autorisation écrite préalable ».

Dans le cas où une autorisation est obtenue, le tiers à qui le code source ou les informations sont montrées doit signer un accord de non divulgation (NDA) et de non-concurrence auprès de Crytek. Des clauses plutôt classiques dans le milieu. 

Seulement, CIG aurait selon Crytek largement enfreint ces clauses à deux reprises. D'abord à partir de mai 2015, date à laquelle le studio a commencé à mettre en ligne une série de vidéos intitulée « Bugsmashers ». Ces vidéos montrent le quotidien des développeurs et « contiennent des extraits d'informations sur le CryEngine qui sont confidentielles et n'auraient pas dû être montrées au public ».

Plus récemment, fin août 2017, CIG a signé un accord avec Faceware, une entreprise spécialisée dans la capture de mouvements du visage. Une technologie utilisée pour donner vie à des personnages virtuels lors de scènes de dialogue par exemple. Selon Crytek, cet accord nécessitait que Faceware obtienne un accès au code source du CryEngine. Or « CIG n'a pas évoqué cet accord avec un tiers, ni même obtenu d'accord écrit préalable », estime Crytek. 

Si l'ensemble de ce qu'avance Crytek est vrai, les avocats de CIG vont avoir du pain sur la planche pour défendre le studio. Il n'est néanmoins pas certain que l'éditeur allemand soit dénué de tout reproche, puisque nous n'avons pour l'instant qu'un seul son de cloche. La réponse qu'apportera CIG à ces accusations devrait donc être riche d'enseignements. Pour l'heure, le studio n'a pas réagi officiellement à la nouvelle. 

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