Alors que l'entreprise s'apprête à présenter dans quelques semaines des résultats record, le PDG de Samsung Electronics, Oh-Hyun Kwon, vient d'annoncer sa démission sur fond de ce qu'il considère être une « crise sans précédent ».
Si l'on se fie seulement aux annonces de résultats financiers, les affaires de Samsung Electronics sont plus que florissantes. Mais si l'on gratte sous ce vernis, on constate qu'un malaise plus profond est enfoui derrière les chiffres et que malgré son succès, Samsung est dans l'obligation de se renouveler, et pas seulement pour une histoire de batteries qui surchauffent.
En témoigne le communiqué publié par l'entreprise pour annoncer la démission prochaine d'Oh-Hyun Kwon, l'actuel PDG et vice-président de Samsung Electronics et PDG de Samsung Display. « Nous sommes confrontés à une crise sans précédent et je crois qu'il est temps pour l'entreprise de repartir d'une feuille blanche, avec un nouvel esprit et une direction jeune pour mieux répondre aux défis d'une industrie de l'informatique qui évolue rapidement », confesse ainsi le dirigeant.
Une question demeure : comment Samsung en est arrivée là ?
Une brusque descente aux enfers
Le point de départ de cette « crise sans précédent » ne remonte qu'à quelques mois. Mi-février, la Corée du Sud faisait face à un scandale de corruption de grande ampleur. Soon-Sil Choi, la confidente de la présidente Geun-Hye Park, est alors accusée d'avoir profité de sa proximité avec le pouvoir pour obtenir des faveurs de la part de plusieurs grandes entreprises nationales, en l'échange de coups de pouces variés.
À cette époque, Samsung est confrontée aux pressions d'un fonds activiste, Eliott Management, qui souhaite une réorganisation profonde de la structure de l'entreprise afin qu'elle profite un peu moins financièrement parlant à la famille de ses fondateurs.
La structure de Samsung en novembre 2016. Oui, c'est compliqué
Pour revoir la structure capitalistique de l'entreprise, il faut que ses actionnaires tombent d'accord. Dans le cas de Samsung, l'État coréen en est un important, au travers de la caisse publique des retraites. Pour faciliter cette transaction, Jae-Yong Lee, alors président de Samsung, a offert « de l'argent et un cheval » à Soon-Sil Choi. Selon l'enquête, ce serait au moins 6,7 millions d'euros qui auraient été ainsi versés à la confidente de la chef d'État.
Le verdict a été rendu en août dernier. Le dirigeant, sous les verrous depuis février, a été condamné à cinq ans de réclusion ferme pour des faits de corruption, parjure, abus de bien sociaux, détournement de fonds et dissimulation d’actifs. Une décision qu'il conteste en appel. La présidente coréenne elle, a été destituée le 9 décembre dernier.
Entre temps, Samsung a dû prendre des mesures drastiques en attendant que la situation s'apaise. Dès le mois de mars, l'entreprise a dissous son bureau stratégique. Cet organe faisait office de pont entre l'ensemble des nombreuses divisions du conglomérat. Pendant de longs mois, les différentes filiales ont ainsi eu le champ libre pour poursuivre leurs activités.
Une occasion de faire taire les critiques
C'est aussi l'occasion pour Samsung de répondre aux critiques des investisseurs en cédant à certaines de leurs requêtes. L'une d'elles concerne justement le renouvellement de la direction. Eliott Management reprochait en effet à l'entreprise de ne pas être suffisamment ouverte vers l'extérieur, notamment dans ses plus hautes sphères.
Il y a un an, le conseil d'administration de Samsung ne comptait en effet aucune personne étrangère à la Corée du Sud. Un point qui laissait penser au fond que l'entreprise manque d'expérience sur les marchés extérieurs à la péninsule coréenne... ce même si les résultats obtenus jusqu'ici laissent penser le contraire. Réponse du géant de l'électronique : « En reconnaissance de la nature toujours plus globale des activités de Samsung Electronics, le directoire prévoit d'inviter de nouveaux administrateurs indépendants, avec une expérience internationale ».
Justement, avec le départ prévu en mars prochain d'Oh-Hyun Kwon, qui n'envisage pas de briguer un nouveau mandat au conseil d'administration, Samsung aura l'opportunité d'amener une nouvelle tête à son directoire. Il reste maintenant à savoir si l'entreprise optera pour un de ses cadres en dehors de la Corée pour apaiser les tensions avec ses investisseurs.