Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, annoncera une proposition franco-allemande en septembre, pour obtenir une directive sur l'harmonisation fiscale l'an prochain. Les géants américains du numérique sont la cible affichée, en partant de l'exemple d'Airbnb, dont des locations parisiennes subissent actuellement de lourdes amendes.
À la mi-juillet, Google France échappait à un redressement fiscal de 1,115 milliard d'euros. Un camouflet pour le fisc, infligé par le tribunal administratif de Paris, pour qui la branche française ne constituait pas un établissement stable de Google Irlande dans l'Hexagone. De quoi visiblement agacer Bercy, qui vient de promettre de nouvelles actions contre les plateformes étrangères, accusées de ne pas payer leur dû en France.
Lors des questions au gouvernement à l'Assemblée, avant-hier, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé une future action de la France et de l'Allemagne sur la fiscalité. Alors que des projets sont déjà en cours au niveau de l'OCDE et de l'Union européenne, « tout cela prend trop de temps, tout cela est trop compliqué ». L'harmonisation fiscale européenne, tant réclamée, tarderait.
« Nous déposerons une proposition franco-allemande au prochain conseil des ministres européens, le 15 septembre à Tallin », en Estonie, promet-il. Le texte devrait être pris en mains par la Commission européenne, espère le ministre, avant d'être débattu par les chefs d'État européens en décembre.
Le trésor public mobilisé
La déclaration suit un communiqué conjoint (PDF) de Bruno Le Maire et de Gérard Darmanin, ministre de l'Action et des comptes publics. Ils y détaillent que l'action franco-allemande doit mener à « une première directive » sur la tant souhaitée harmonisation fiscale pour l'an prochain. Pas de quoi mener à des changements rapides ceci dit, une directive devant être transposée dans le droit national.
Surtout, avec une analyse des chefs d'État européens d'ici la fin de l'année, le calendrier pour l'élaboration d'une directive applicable d'ici l'an prochain peut sembler optimiste, quand certains pays ne semblent pas décidés à contribuer à cette équité. C'est le signal envoyé par l'Irlande, qui refuse de collecter les 13 milliards d'euros que lui doit Apple, selon la Commission européenne.
Alors que les fonds devraient être en sa possession depuis plusieurs mois, au moins le temps d'attaquer l'analyse de la Commission, il n'a pas encore récupéré un centime. Le gouvernement irlandais est en tractations avec Apple pour éviter toute poursuite, en cas de victoire contre l'institution communautaire, si les intérêts générés sur la somme sont inférieurs à ceux que le groupe américain aurait généré lui-même.
À Paris, 615 000 euros d'amendes pour des locations
À l'Assemblée, Bruno Le Maire estimait « inacceptable » que le trésor public ne collecte que quelques dizaines de milliers d'euros d'impôts sur des dizaines de millions d'euros de chiffre d'affaires, citant Amazon, Facebook et Google. Pourtant, le point de départ était bien la plateforme de location de logement Airbnb, de plus en plus populaire.
Le service se fait tacler sur un autre aspect de son modèle. Le Parisien a interrogé la Direction du logement et de l'habitat (DLH) de la mairie de Paris. Les 25 agents ont mis en défaut 31 propriétaires qui n'ont pas déclaré de locations type Airbnb, en dépassant les 120 jours de location annuelle autorisés, pour le premier semestre 2017 seulement.
Les amendes ont rapporté 615 000 euros à la municipalité, contre 45 000 euros pour la première moitié de 2016. « On épluche les sites de location. On regarde le cadastre, les déclarations au fisc, les plaintes des syndics d'immeubles et des voisins fatigués des nuisances sonores des touristes en goguette et du ballet continu de valises à roulettes dans les couloirs ! » détaille un enquêteur au quotidien.
Airbnb, pour sa part, sait jouer avec les limites. En février, elle s'affichait vertueuse en affirmant instituer une limite de 120 jours de location par an aux 50 000 hôtes parisiens inscrits. Il s'agissait en fait d'une bête anticipation de la loi Lemaire (voir notre analyse), à laquelle l'entreprise aurait de toute façon dû se conformer. De quoi éviter l'enregistrement des internautes proposant leur logement auprès de la mairie de Paris, qui pourrait porter un sacré coup aux affaires du groupe.