Bouygues Telecom a signé avec l'opérateur Altitude Infrastructures, qui doit gérer 1,2 million de lignes sur des réseaux publics en fibre. Un pas de plus vers l'arrivée des fournisseurs d'accès nationaux sur les réseaux montés par les départements et régions, alors que les travaux sur leur harmonisation continuent.
L'arrivée des fournisseurs d'accès nationaux sur les réseaux publics, en zone rurale, devient peu à peu une réalité. Le 17 mars, Bouygues Telecom et l'opérateur Altitude Infrastructures ont signé un accord pour fournir la Bbox sur les 1,2 million de prises fibre que doit commercialiser le second, sur plusieurs réseaux publics. À terme, Altitude compte prendre en charge un tiers des sept millions de prises de ces réseaux.
Dans un communiqué commun, les entreprises évoquent une période d'expérimentation dès septembre, pour une commercialisation prévue début 2018. La mise en marche sera progressive. Si l'accord entre Bouygues et Altitude est bien signé, chaque délégation de service public devra signer son propre contrat avec le propriétaire de la Bbox. En clair, il faudra que chaque réseau public fixe concrètement ses conditions avec le fournisseur d'accès.
670 000 prises fibre dans un premier temps
Les deux premiers réseaux à bénéficier de l'accord doivent être Manche Fibre et Rosace dans le Grand Est, pour un potentiel de 670 000 clients particuliers et professionnels. Les conditions financières de l'accord sont confidentielles, même si elles « sont en continuité avec le modèle de location proposé par la mission Très Haut Débit et déjà contractualisé avec Axione », nous affirme Bouygues Telecom.
Altitude nous affirme que des discussions avec d'autres fournisseurs d'accès sont en cours, quand Bouygues Telecom nous rappelle qu'ils comptent bien être présents sur l'ensemble des réseaux publics. Il s'agit d'une nouvelle étape pour les deux acteurs, après le coup d'éclat d'Axione l'an dernier (voir notre analyse), qui a signé l'arrivée de Bouygues Telecom et de Free sur ses deux millions de prises fibre prévues. Le changement était d'ailleurs important pour la filiale télécoms de Bouygues, qui était jusque-là en froid avec Axione, appartenant pourtant à Bouygues Construction.
Signer des millions de prises est la stratégie adoptée par les fournisseurs d'accès nationaux, qui doivent aujourd'hui interconnecter leur système d'information avec ceux des gestionnaires des réseaux publics. Si un réseau public compte des dizaines ou centaines de milliers de lignes, l'intérêt n'est pas toujours évident pour les FAI nationaux, qui préfèrent se concentrer sur la commercialisation de leurs réseaux propres, en zones très et moyennement denses.
La nouvelle arrive quelques jours après l'annonce d'ALTO, une holding de financement pour six réseaux publics liés à Altitude, qui reste majoritaire à 67 %, avec une prise de participation de 33 % par la Caisse des dépôts. Ce dernier est un acteur de plus en plus présent dans les réseaux publics, notamment via le FAI Vitis (ex-Videofutur). La holding dispose de 110 millions d'euros de financement, rien de moins, via un emprunt à la Société Générale.
Une plateforme d'interopérabilité en plein chantier
Comme nous l'affirmait Antoine Darodes, directeur de l'Agence du numérique, l'avenir semble plutôt être aux grands opérateurs d'infrastructures sur les réseaux publics. Le rachat de Tutor par Covage, totalisant à eux deux 1,3 million de prises fibre à construire, en est une illustration. Du côté des fournisseurs d'accès, le marché se dynamise avec des acteurs locaux (comme Wibox, filiale d'Altitude, présent sur ses réseaux), même si le décollage commercial doit bien arriver avec les FAI nationaux. C'est en tous cas l'espoir de nombre de collectivités.
Enfin, la Fédération française des télécoms (FFT), celle des industriels des réseaux publics (Firip), l'Arcep et Bercy continuent leur travail sur une plateforme d'interopérabilité entre tous les réseaux publics, via Interop Fibre. Il s'agit notamment d'harmoniser les conditions techniques des réseaux, par exemple sur les adresses. Ce travail est considéré long et fastidieux par la Firip, qui compte y dédier une personne (voir notre entretien).
Elle tacle d'ailleurs Free, qu'elle estime peu constructive. Pour sa part, l'Agence du numérique y voit des réserves légitimes (voir notre entretien), le « trublion » craignant que des opérateurs disposant de leur propre FAI (comme Orange et SFR) n'obtiennent un avantage commercial sur les réseaux qu'ils construisent pour le compte des collectivités.