Interpellé au sujet du « fail » de la publication des déclarations d’intérêts des parlementaires, le secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État Thierry Mandon a déclaré hier au Sénat qu’il allait se rapprocher de la Haute autorité pour la transparence, afin de voir s’il ne serait pas possible d’éviter que ces documents soient mis en ligne dans une version scannée (ce qui rend toute exploitation extrêmement compliquée). L’intéressé a également répondu aux préoccupations de certains élus concernant la réutilisation de leur signature.
Après avoir tenté d’interpeller une première fois le gouvernement cet été, la sénatrice Catherine Procaccia a procédé hier à une tentative plus fructueuse. À l’occasion des traditionnelles questions au gouvernement, l’élue UMP du Val-de-Marne a en effet interrogé Thierry Mandon, le secrétaire d’État en charge de coordonner la politique gouvernementale d’Open Data, sur la publication des déclarations d’intérêts et d'activités des parlementaires par la Haute autorité pour la transparence et la vie publique (HATVP). Rappelez-vous : il s’agit de ces documents remplis pour la plupart au stylo, et mis en ligne sous forme de PDF après avoir été scannés.
Or un tel format rendait quasiment impossible le croisement des informations contenues dans ces documents, pourtant censés promouvoir la transparence après l’affaire Cahuzac. La sénatrice n’a ainsi pas manqué de le souligner hier. « Les déclarations en question sont en effet totalement inexploitables » a tonné Catherine Procaccia, rappelant que l’association Regards Citoyens avait du obtenir l’aide de plus de 8 000 internautes pour retaper toutes les informations contenues dans ces déclarations, afin de les rediffuser dans un véritable format Open Data. « Pourtant, c'est à l'État, compte tenu de ses engagements, et non pas aux citoyens, de réaliser ce travail » a poursuivi la parlementaire.
Mais ce n’est pas tout. Catherine Procaccia s’inquiétait également du fait que les signatures des élus n’aient pas été floutées sur les déclarations numérisées, ce qui pourrait conduire selon elle à d’éventuelles usurpations d’identité. « Notre signature est désormais en ligne, et il n'est pas difficile de trouver nos date et lieu de naissance. Je tiens donc à marquer ma vive opposition à la divulgation de ces signatures, qu'il aurait été très simple de flouter. Un gamin de douze ans est capable de le faire ! » a-t-elle ainsi fait valoir, demandant à Thierry Mandon d’intervenir afin que les autographes litigieux soient retirés.
L’intéressé lui a néanmoins adressé une fin de non-recevoir. Labourant tout d’abord le terrain du droit, Thierry Mandon a expliqué qu’il n’existait « aucun obstacle juridique à la mise en ligne des signatures », dans la mesure où la loi régissant ces déclarations prévoit que « la signature du déclarant ne fait pas partie des informations ne pouvant être publiées ». A contrario, la signature fait donc partie des éléments publiables.
Catherine Procaccia reproche à la HATVP ce qu'elle fait elle-même sur son site
Le secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État s’est ensuite placé sur un terrain plus pratique. « Je tiens à vous démontrer que la publication des déclarations d'intérêts des parlementaires n'augmente pas le risque d'usurpation d'identité ou d'usurpation de signature » a ainsi déclaré Thierry Mandon, faisant valoir que « nombreux sont les documents comportant la signature de l'élu, qu'il s'agisse d'une lettre aux électeurs ou d'une profession de foi ». De ce fait, a-t-il poursuivi, « si une personne malveillante voulait usurper votre signature, madame la sénatrice, il n'aurait malheureusement que l'embarras du choix pour trouver un modèle ! »
Cette réponse ne manque pas de mordant quand on sait que Catherine Procaccia, qui reproche à la HATPV de jeter « en pâture » sa signature sur Internet, en fait de même sur son propre site web ! En quelques clics, on peut en effet y retrouver une version numérisée d’une lettre signée en septembre 2012 par l’élue (PDF).
Thierry Mandon bientôt mis au courant des télédéclarations de la HATVP ?
Concernant la diffusion des déclarations d’intérêts, Thierry Mandon a assuré le minimum syndical. « Compte tenu de la nature des informations et de l'usage qui peut en être fait, leur format – je pense au caractère manuscrit – gagnerait à être transformé, comme vous l'avez dit, en Open Data » a-t-il simplement déclaré, annonçant néanmoins qu’il se rapprocherait « dans quelques semaines » de la HATVP « pour étudier avec elle les premiers enseignements qu'elle tire de cette publication ». « S'il advient que nous pouvons renforcer la qualité d'usage de ces documents, la transparence de ces données, nous prendrons bien évidemment les dispositions qui conviennent » a promis le secrétaire d’État.
En fait, l’institution songe d’ores et déjà à mettre en place un dispositif de télédéclarations, qui permettrait aux élus de fournir leurs informations par voie informatique. « On espère avoir une première version à la fin de l'année et une mise en service au tout début de l'année 2015 » nous avait ainsi confié la Haute autorité (voir notre article). On peut donc penser que les prochaines déclarations d’intérêts et d’activités des parlementaires, ministres, grands élus locaux, collaborateurs... seront dorénavant publiées dans un format exploitable et réutilisable, d’autant qu’un décret oblige pour rappel l’institution à diffuser ces documents sous la houlette « d'une licence ouverte, libre et gratuite ».