Haine en ligne : le SPIIL plaide pour sortir la presse de la proposition de loi Avia

Haine en ligne : le SPIIL plaide pour sortir la presse de la proposition de loi Avia

SPIIL, électrique

Avatar de l'auteur
Marc Rees

Publié dans

Droit

19/07/2019 5 minutes
16

Haine en ligne : le SPIIL plaide pour sortir la presse de la proposition de loi Avia

La proposition de loi de la loi contre la cyber haine a déjà passé le cap de l’Assemblée nationale. Elle sera examinée à la rentrée par les sénateurs. Le texte a subi de nombreuses critiques et généré autant d'inquiétudes. Dernières en date, celles du SPIIL, qui plaide pour sortir la presse du périmètre législatif.

Pour mémoire, deux axes sont prévus dans la proposition de la LREM Laetitia Avia. D’une part, une obligation de résultat à l’encontre des plateformes et moteurs. Ils devront empêcher l’accès à une série de contenus manifestement haineux (injures raciales, incitation à la haine à raison de la religion, de l’ethnie, du sexe, etc.), mais également, lorsqu’ils sont à portée des enfants, l’accès aux contenus violents ou pornographiques. 

Le texte envisage d’autre part une obligation de moyens cette fois, où les sites devront en pratique tout faire pour respecter les chaudes recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Celui-ci gagne pour l’occasion un nouveau champ de compétence, après avoir encadré les vidéos professionnelles sur YouTube et les « fake news ». 

Ces obligations seraient sanctionnées respectivement d’une amende pénale maximale de 1,25 million d’euros et d’une sanction administrative de 4 % du chiffre d’affaires mondial.

Autre chose, il impose désormais aux plateformes et moteurs de mettre en place les « moyens appropriés pour empêcher la rediffusion » des contenus tombant dans le spectre de la loi. La mesure ambitieuse, pour ne pas dire possiblement contraire à l’interdiction de la surveillance généralisée, implique une liste noire puis une comparaison entre cette base et l’ensemble des contenus mis en ligne par les internautes.  

La nécessaire contextualisation des contenus « haineux »

On le devine : avec de telles règles, les intermédiaires auront tout intérêt à jouer la carte de la sécurité, et donc retirer généreusement des contenus qui, sans être manifestement illicites sont choquants ou flirtent avec les lignes rouges. 

La proposition de loi veut aussi que les plateformes mettent l’accent sur les solutions techniques pour assurer ce nettoyage du web, alors que les biais algorithmiques pleuvent chaque jour (derniers exemples en date, une photo naturiste issue d’un article du Monde ou une radio d’un bras cassé, l’un censuré sur Facebook, l’autre sur Tumblr)

Cette situation inquiète pour le moins le Syndicat de la Presse Indépendante d'Information en Ligne (dont est membre Next INpact, avec Médiapart ou encore Arrêt sur Images). Le SPIIL considère que le champ d’application de la loi est beaucoup trop flou, alors que « les notions nécessitent une contextualisation, travail que l’urgence imposée empêchera ». 

Sans contextualisation, la crainte est celle d’effacements à tour de bras. « Cela est d’autant plus dommageable que, si un commentaire haineux ou une photographie jugée violente sur un site d’information est signalé, c’est l’ensemble de l’article qui sera déréférencé par la plateforme ». 

Dit autrement, des articles de presse ne parlent pas toujours du beau temps ou des fleurs qui poussent. Ils peuvent aussi se faire écho de faits de violences voire de propos « haineux ». Et du coup tomber dans le grand filet des contenus jugés « manifestement illicites » par ces modérateurs privés. « La censure de ces contenus, par excès de bonnes intentions, serait une catastrophe pour notre capacité à débattre collectivement de nos enjeux de société » s’inquiète en ce sens le syndicat.

Et si on sortait la presse du périmètre de la future loi Avia ?

Le SPIIL défend donc une piste : exclure les sites de presse du périmètre de la loi. Cette situation ne créerait pas à ses yeux de trou dans la raquette, ces éditeurs étant déjà visés par de nombreux textes (la loi de 1881 sur la liberté de la presse, l’obligation d’avoir des mentions légales outre la responsabilité des éditeurs sur les commentaires consécutive à la loi Hadopi de 2009). 

Ce régime d’exception instaurerait toutefois une atteinte au principe d’égalité, surveillé comme le lait sur le feu par le Conseil constitutionnel... L'idée suggérée par le SPIIL mérite en tout cas d’être citée, puisqu'elle est le témoignage des multiples risques de ce texte. 

La proposition de loi Avia prévoit bien des mesures pour lutter contre les surcensures, mais dans des modalités particulières. Si chaque défaut ou retard dans la suppression d’un contenu « manifestement illicite » sera sanctionné immédiatement par le juge, les surcensures ne le seront que par le CSA et encore, uniquement par la démonstration de leur caractère systémique et répété. Et… après mise en demeure restée infructueuse.

16

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

La nécessaire contextualisation des contenus « haineux »

Et si on sortait la presse du périmètre de la future loi Avia ?

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Commentaires (16)


avec de telles règles, les intermédiaires auront tout intérêt à jouer la carte de la sécurité

et donc retirer généreusement des contenus qui, sans être manifestement illicites





  • ‘c’est le revers de la médaille” !


L’alerte du SPIIL a l’intérêt de rappeler à nouveau les dangers de ce texte.



En revanche, la solution proposée n’en est pas une; la liberté d’expression, et donc d’aborder les sujets sensibles, ne se limite pas aux “journalistes” (et étant rappelé que journaliste != carte de presse).


Je voudrais poser une question, mais sans vouloir de réponse:

Est ce qu’un dessin du prophète est considéré comme un contenu manifestement haineux ou incitant à la haine ?


T’en auras une quand même. Non c’est juste un blasphème pour certains croyants. Et le délit de blasphème n’existe plus dans la loi depuis bien longtemps.


Cela dépend des opinions personnel de chacun des lecteurs, certains comme moi son indifférent (la plus grande majorité) et d’autres se crispent (les moins nombreux, mais les plus chiant).


La liberté d’expression mais juste pour les journalistes qui ne l’utilisent pas vraiment. 








Branddy a écrit :



Je voudrais poser une question, mais sans vouloir de réponse : Est ce qu’un dessin du prophète est considéré comme un contenu manifestement haineux ou incitant à la haine ? 





Tu à le droit tant que tu ne te moque pas des adorateurs de ce prophète.









Ami-Kuns a écrit :



Cela dépend des opinions personnel de chacun des lecteurs, certains comme moi son indifférent (la plus grande majorité) et d’autres se crispent (les moins nombreux, mais les plus chiant).





<img data-src=" />&nbsp;<img data-src=" />



pour une rapporteuse d’une loi antihaine qui mord comme un pitbull son chauffeur c’est comique


Une conséquence inattendue d’un ancien ministre de l’intérieur qui en exploitant les idées d’un technicien anti-gaulliste a produit ce “bordel”. La politique produit donc bien des effets sur le réel, mais en sous-marin, comme d’habitude.


Mais c’est symptomatique : la technologie n’est pas neutre. Point. <img data-src=" />








MoonRa a écrit :



La liberté d’expression mais juste pour les journalistes qui ne l’utilisent pas vraiment.





Tu parles de Next INpact, Médiapart ou d’Arrêt sur Images ?









MoonRa a écrit :



La liberté d’expression mais juste pour les journalistes qui ne l’utilisent pas vraiment.



Tu confonds journaleux/éditocrate et journaliste.



Donc une censure preventive qui s’appliquera partout sauf pour quelques acteurs, duement certifie par l’Etat.&nbsp;








skankhunt42 a écrit :



Tu à le droit tant que tu ne te moque pas des adorateurs de ce prophète.





Donc la première série d’images publiées par Charlie passerait, mais pas la une qu’ils avaient faite un peu plus tard (“C’est dur d’être aimé par des cons”) ?

(en même temps, j’ai cru voir que cette affaire particulière était passée devant la Justice, qui n’y avait vu aucun propos injurieux)



Le délit de blasphème n’existe pas en France.

Charlie Hebdo se moquant a égale mesure des musulmans, catholiques, juifs ou autre il n’y a pas discrimination.