Le réseau fibre optique du Syane en Haute-Savoie a été victime de « 145 dégradations depuis 14 mois ». Les élus et représentants du Syndicat ont décidé de passer à l’action en bloquant symboliquement les NRO/SRO afin d’alerter et sensibiliser l’État et le législateur sur les problématiques du mode STOC.
Le Syane (Syndicat des énergies et de l'aménagement numérique de la Haute-Savoie) déploie la fibre optique en Haute-Savoie dans le cadre du Plan France THD. « Il construit le réseau et en est le propriétaire », explique-t-il. Il s’agit d’un RIP (réseau d’initiative publique).
Le Syane (et Altitude Infra) démuni face au mode STOC
Les ambitions du Syndicat sont de raccorder « 320 000 logements répartis sur 246 communes et 279 Zones d’Activités Economiques (ZAE) ». En 2015, il « a confié l’exploitation de son réseau public en fibre optique par la Délégation de Service Public (DSP) à la société Altitude Infra ». Certaines zones du département sont par contre développés via des initiatives publiques locales (Faucigny Glières, Vallée de Chamonix Mont-Blanc) et privées (Annecy, Annemasse, Cluses et Thonon-Les-Bains via Orange).
Comme d’autres gestionnaires de réseaux, le Syane est confronté au fameux mode STOC – Sous Traitance Opérateur Commercial –, avec les déboires et dérives que l’on connait depuis des années maintenant. Pour résumer, « le cadre réglementaire en vigueur permet aux opérateurs usagers du réseau public de s’imposer comme sous-traitant de notre délégataire [Altitude Infra, ndlr], ou d’imposer leurs propres sous-traitants », rappelle le Syndicat. On arrive parfois à 7/8 sous-traitants, avec le dernier maillon de la chaine payé au lance-pierre et uniquement à condition que la ligne fonctionne. Autant dire qu’il doit faire au plus vite – quitte à débrancher quelqu’un – pour être payé.
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Des élus tapent du poing sur la table et bloquent des accès
Vendredi, des élus du département se sont réunis pour une action coup de poing. Leur but : « dénoncer les dégradations répétées et systématiques du réseau public de fibre optique du Syane, perpétrées par les opérateurs privés et leurs sous-traitants. Ces dégradations sont à l’origine des délais abusifs de raccordement subis par les particuliers, et également de coupures régulières de service ».
« Symboliquement, ce vendredi 24 février, les élus ont bloqué les accès aux locaux de raccordement situés sur les communes de Fillière, Saint-Pierre-en-Faucigny, La Balme-de-Sillingy, Bons-en-Chablais et Saint-Julien-en-Genevois, commune où s’est tenue la conférence de presse ». Une manière de dénoncer la législation actuelle qui « donne toute liberté aux grands opérateurs privés dans la réalisation des raccordements des usagers ».
Le Syane nous confirme que « l'opération est symbolique : les locaux sont désormais tous à nouveau accessibles ». Quoi qu’il en soit, le Syane et Altitude Infra ne peuvent pas faire grand-chose d’autre que regarder les points de mutualisation se dégrader.
Ce n’est pas la première action du genre mise en place par des collectivités. En septembre 2021, Olivier Clodong, maire de la Ville de Yerres en avait eu « assez de voir les armoires "fibre" constamment cassées ou ouvertes ! ». « Les rappels à l’ordre des opérateurs n’ont rien donné. Alors, nous passons à l’étape suivante : les armoires sont désormais fermées avec cadenas par la Ville de Yerres ». En février 2022, c’était au tour de Viry-Châtillon de faire de même. Nous n’avons pas de nouvelles des conséquences de ces actions et d’éventuelles suites.
Avant d’en arriver à ce blocage – sous les yeux de la presse convoquée pour l’occasion –, le Syndicat des énergies et de l'aménagement numérique de la Haute-Savoie) affirme avoir mis « la pression à son délégataire Altitude Infra pour qu’il gère mieux » le réseau fibre optique, mais « ce dernier est en peine d’améliorer les choses […] car il n’a pas les mains libres sur le choix et le contrôle des sous-traitants qui réalisent les raccordements ». Une lettre ouverte avait été envoyée en octobre dernier au ministre délégué Jean-Noël Barrot et à la présidente de l’Arcep Laure de la Raudière, mais force est de constater que les choses n’ont pas vraiment bougé en profondeur depuis.
Matériel détruit, déchets laissés sur place, débranchement sauvage…
Pour le Syane, les griefs sont nombreux, mais pas surprenants puisqu’on les retrouve aussi dans d’autres départements : « Les portes de ces locaux sont crochetées, dégondées, détruites au pied de biche […] Les déchets s’y accumulent, en débordent parfois : bobines de câbles, déjections, restes alimentaires… Les raccordements sont effectués sans respect de la règlementation, en débranchant parfois d’autres usagers, coupant ainsi volontairement leur ligne internet ».
Le Syndicat fait les comptes : 118 dégradations entre juin et décembre 2022, puis de nouveau 27 depuis le début de l’année. Pour le Syndicat, « il faut urgemment donner les moyens aux collectivités locales » afin qu’elles puissent mettre en œuvre plusieurs actions :
- « Faire payer les responsables ;
- Encadrer le recours à la sous-traitance ;
- Interdire l’accès des opérateurs au réseau public lorsque ceux-ci ne font pas le nécessaire pour que cessent ces dégradations ».
L’Avicca soutient cette initiative
L’Avicca (dont le Syane est membre) apporte son soutien à cette action coup de poing. « Comme de trop nombreuses collectivités en France la Haute-Savoie subit les contrecoups de la mise en œuvre d’un système de sous-traitance sauvage (le mode STOC) dont l’Avicca réclame, depuis plusieurs années, l’arrêt définitif », explique son président Patrick Chaize.
Le sénateur rappelle qu’il a déposé l’été dernier une proposition de loi « à visée coercitive », mais sa discussion n’est toujours pas programmée au Sénat, comme nous le rappelions récemment.
Syane aussi souhaite un encadrement de la sous-traitance par la loi. À défaut, « les effets produits sont délétères, ils pénalisent les entreprises et les particuliers, en plus de dégrader le réseau public et son image », affirme le Syndicat. Les problématiques du mode STOC sont connues depuis des années, les ras-le-bol et opérations coup de poing s’enchainent, ainsi que les remises en état des points de mutualisation… mais sans grands résultats pour le moment.
Commentaires (31)
#1
Quoi ? La concurrence libre et non-faussée ne mène pas au nirvana ? On nous aurait menti ?
#1.1
Les photos parlent d’elles-mêmes.
+1
#1.2
Clairement ça n’aide pas, mais la il doit avoir plus que ça dans certain cas.
#2
En même temps difficile de dire que la concurrence est non faussé quand certains ne respectent pas les règles (en baclant le travail ou en le déléguant dans des conditions ne permettant pas de le réaliser correctement).
#3
Qualité Cout Délai, choisis-en deux!
Pour le déploiement de la fibre, la qualité a été clairement sacrifiée, pour aller vite sans “payer trop cher”.
Si l’on avait voulu aller vite avec une qualité au top, l’utilisateur aurais du payer beaucoup plus cher (soit dans son abonnement, soit des ses impots), ce que beaucoup auraient refusé, en restant sur l’ADSL ou 4G.
Pour moi, c’est clairement le prix à payer pour se débarrasser de l’ADSL et du cuivre.
Une fois que le réseau sera majoritairement fibre, la maintenance du réseau pourra être améliorée, avec des mesures plus fortes sur le suivi des installations et bien sur des indemnités pour ceux qui ne respectent pas.
#3.1
Perso j’ai demandé mon raccordement en Juillet dernier avec rappel tous les deux mois et toujours personne pour me raccorder. Donc entre qualité, cout et Délai, ils en ont choisi au maximum 1!
#4
Pas forcément, car vu l’accumulation de sous-traitants et le fait que chacun se fait une marge, le prix payé par le client n’est pas forcément bas, de plus, les collectivités payent déjà souvent le déploiement de la fibre. Le problème ici, c’est plutôt le fait de libéraliser à outrance le marché et sans obligation de qualité…
Les photos sont justes infâmes et malheureusement trop fréquentes.
#5
7⁄8 niveaux de sous-traitance, c’était 4⁄5 la dernière fois
#6
RIP le réseau
Rest In Peace or Rest In Pieces, au choix.
#6.1
En Français on dit : « trempis qui pourra bien le premier ». 🐇
#7
Encore une fois, il y a quelques années la commission européenne (qui propose souvent des c…eries) avait recommandé de nationaliser les réseaux (gaz, élec, route, tél., radio,…) et les entreprises commerciales auraient
proposéesvendues des contenus et services.Malheureusement, clairement ça ne suffirait pas quand on voit ce que cela donne pour les routes.
Je viens de me faire déconnecter, par chance j’ai été rebranché en moins de 48h. Juste la semaine où je ne télétravaillais pas, sinon la galère. Sur quel
le têtḛportefeuille faut-il taper ? sans que cela ne ruisselle ?#8
#9
En français on dit REP, Repose en paix et ça donnerait Reste en pièces. 😁
#9.1
À la base RIP c’est du latin requiescat in pace, (« qu’il/elle repose en paix »).
En tout cas, ça doit être la joie quand tu n’a plus internet et attendre que tout soit remis en état.
#10
Rouille en paix ça marche aussi quand on voit comment certaines armoires sont à la merci des évènements climatiques (pluie, neige, gel, vent)…
#11
#12
Ça en est où l’histoire de faire des photos des PM avant/après inter ? C’est toujours pas en place ??
#12.1
Je suis passé chez OVH en décembre et leur prestataire le fait : photo avant et après.
Mais c’est du pro, pas du grand public. D’ailleurs, ils étaient surpris de venir connecter un particulier et pas une entreprise 😁
#12.2
Ça a donc progressé. Quand j’ai fait installer ma connexion FTTH par OVH il y a 2 ans, le prestataire était une catastrophe.
#13
Alors j’ai relevé plusieurs erreurs :
Donc, pour moi, Altitude fait ce qu’il peut sur ce réseau avec ce qu’il a pu récolter en le récupérant et fait bien plus d’efforts pour éviter ce genre de problèmes à répétition. D’ailleurs je tiens à préciser que ces problèmes sont arrivés surtout quand Orange, SFR, Bouygues sont arrivés sur ces réseaux (ce qu’ils ne voulaient pas entendre parler au départ).
#14
“déjections”
#15
La qualité du travail Français continue de faire des jaloux dans le monde entier.
#16
Payer des techniciens uniquement à la ligne fonctionnelle : ils sont tous micro-entrepreneurs ces techniciens ?
#17
Chez les 4 gros FAI: oui
#18
J’ai demandé ux techniciens qui ont mis la fibre ce qu’ils allaient faire maintenant que les installations fibre se calment: l’un envisageait d’installer des panneaux solaires, l’autre allait redevenir plombier/chauffagiste…
#19
Les photos sont tragiques.
#20
C’est ça oui. J’avais installé une ligne via nordnet (donc technicien Covage via un sous traitant circ et, payé mensuellement et non pas à la prise). Il a pris son temps et à fait du bon travail.
Il m’a dit que la qualité des PM et des raccordements devenait désastreuse dès lors que les gros opérateurs arrivent.
Depuis j’ai mis cette ligne chez sosh sans souci, mais pour le changement c’est beaucoup plus facile que de faire un raccordement complet.
Les gros opérateurs sont poussés par les prix bas. Ils paient les sous traitants le moins possible qui paient eux même des entrepreneurs le moins possible car les gros ne veulent pas directement traiter avec les petits.
Résultats = interventions de merde. Peu importe les 4. Avec un peu de chance, le sous traitant est pas mal.
C’est cool de faire de la concurrence mais globalement free tire les prix vers le bas sur le mobile, vers le haut sur le fixe. Orange n’est pas forcément gage de qualité, sfr et Bouygues vivotent à droite et à gauche.
Passer d’un seul réseau adsl à de multiples réseaux où les mêmes sous traitants font du travail bâclé en bossant pour les mêmes 4 opérateurs, c’est une bêtise.
Arrêter le mode stoc et passer sur un modèle ou seul l’opérateur d’infra intervient avec des techniciens internes ou un seul sous traitant bien payé, sans plusieurs niveaux pourrait aider ?
#21
Je ne comprends pas cette situation, il “suffit” de verrouiller la porte (avec disons un badge nominatif, voir d’installer une caméra si besoin). L’opérateur commercial est libre de copier le badge pour ses sous-traitants, en échange, il est responsable de ce badge et paye les réparations qui ont lieu avec ce badge => Plus de problème.
Ex: tu es coupé à 11h52, on regarde le log des badges, c’était un des sous-traitants de SFR/ Bouygues/Free/Orange qui intervenait sur cette période. Ce FAI prend en charge les frais de réparations et est sanctionné d’une petite amende.
Si l’armoire est fracturée : dépôt de plainte, on extrait les logs de badges et compare avec les interventions de chaque FAI : Le premier qui est intervenu sans déclencher un log de badge est responsable : grosse amende, et réparation de l’armoire aux frais du FAI ayant déclenché cette intervention.
C’est aussi “simple” que ça après que les FAI utilisent 60 niveaux de sous-traitance n’importe plus, ils sont responsables des actions du technicien. Si il fait de la merde, ils payent et se démerdent ensuite avec leur sous-traitance.
#21.1
Peu importe le système mis en place, les armoires sont fracturées. Dans mon immeuble, le conseil syndical avait mis des serrures aux armoires PBO (point de branchement optique) de l’immeuble : les façades d’armoire sont défoncées, et les PBO régulièrement ouverts avec des fils qui pendent.
C’est plus facile de vandaliser que de demander la clé au syndic (ou à l’opérateur d’infrastructure pour un PM, point de mutualisation).
#21.2
Sur le papier c’est simple oui. Mais vous imaginez la quantité d’armoires à équiper ? Et l’éternelle question, qui va payer ?
Et quand bien même je ne vois pas des FAI accepter d’être responsable du 60e niveau de sous-traitance, sinon ils ne sous-traiteraient pas, entres autres.
#22
Les armoires défoncées c’est une toute petite minorité, pas du tout représentatif de l’ensemble du parc.
Évidemment qu’il est bien responsable ! charge à lui de redescendre l’amende… Déléguer c’est contrôler !