Les litiges liés à la fibre optique augmentent, contrairement aux autres. Dans son rapport annuel, la médiatrice alerte sur les coupures à répétition dues à l’état des armoires de rue et surtout sur l’impossibilité d’être raccordé rencontrée par certains propriétaires de maisons neuves.
Une bonne nouvelle peut en cacher une mauvaise. Le bilan annuel de la médiatrice des communications électroniques témoigne d’une amélioration des relations entre les opérateurs télécoms et leurs abonnés. Chargée d’examiner les litiges non résolus tant pour le mobile que pour l’accès à Internet, elle a reçu 25 % de dossiers en moins en 2022 : 8 989 contre environ 12 000 par an en 2020 et 2021. Le signe, notamment, « d’une meilleure gestion des clients par les professionnels », commente Valérie Alvarez, la médiatrice, dans son rapport rendu public le 14 février 2023.
Mais sur le front de la fibre optique, aucune amélioration en vue. Bien au contraire… La médiatrice met le doigt sur d’inquiétants problèmes concernant ce mode de connexion, désormais majoritaire pour les Français à leur domicile. Aux litiges persistants, mais parfois insolubles, sur les coupures de connexion s’ajoute le problème émergeant des clients laissés sans solution de raccordement à Internet.
Le rapport dénonce ainsi la situation méconnue des propriétaires de maisons neuves se retrouvant « pendant des mois, voire des années sans pouvoir être raccordés au réseau cuivre ou à la fibre ». Interrogés par Next INpact, les services de la médiatrice indiquent avoir été saisis d’une quarantaine de cas l’année dernière.
Pour la fibre optique, certains « attendent des mois l’intervention d’un opérateur qui au dernier moment leur indiquera qu’il ne peut pas réaliser les travaux et/ou qu’ils ne sont pas éligibles », précise le rapport.
Les travaux de génie civil « ne sont pas une science exacte »
« Carton rouge pour l’ensemble du secteur qui, trop souvent, se dédouane tantôt sur l’opérateur d’infrastructure, tantôt sur l’état du bâti, tantôt sur "la faute à pas de chance", les travaux de génie civil n’étant pas toujours une science exacte », commente Guylaine Brohan, présidente de la Fédération des Familles Rurales, association de consommateurs agréée, dans une contribution au rapport de la médiatrice.
Faute de fibre, les propriétaires de maisons neuves ne peuvent pas forcément se rabattre sur le réseau de cuivre et donc l’ADSL : leur fermeture étant programmée, le raccordement n’est pas toujours possible. « Il est incompréhensible pour les consommateurs au 21ᵉ siècle de ne pas réussir à être raccordés à un réseau fixe alors même que leurs voisins le sont », s’insurge Valérie Alvarez.
Faute d’opérateur de service universel, les maisons neuves sans solution pour se raccorder
Ces particuliers se retrouvent dans une impasse complète, y compris sur le plan juridique. En effet, depuis fin 2020, il n’existe plus d’opérateur désigné pour assurer le service universel. Cette mission, qui était assurée par Orange jusqu’alors, incluait l’obligation légale de raccorder à un réseau fixe n’importe quel abonné en faisant la demande.
La médiatrice presse le gouvernement soit de désigner un nouvel opérateur (ou plusieurs nouveaux) en charge de cette obligation, soit de mettre en place « un process clair » avec les professionnels afin de « sortir du vide » les consommateurs construisant une nouvelle maison.
45 % des litiges liés à la fibre sont des problèmes techniques
Au-delà de ce sujet épineux, la fibre optique est le seul secteur où le nombre de litiges soumis à la médiation augmente – les cas concernant la téléphonie mobile et l’ADSL sont en recul. Ainsi, les litiges liés à la fibre représentent 36 % des dossiers examinés par la médiatrice en 2022, contre 15 % il y a trois ans. La hausse reflète naturellement l’élargissement du parc d’abonnés. Mais elle traduit aussi la qualité déficiente de ce réseau. Près de la moitié des dossiers (45 %) relèvent de problèmes techniques.

Les causes sont bien connues. Elles se concentrent sur la gestion des armoires de rue où s’effectuent les branchements de fibre optique (points de mutualisation). Parfois mal sécurisées, parfois saturées, elles exposent les abonnés à des coupures intempestives. Les pannes s’expliquent aussi par l’intervention sur ces installations de multiples sous-traitants des opérateurs, mal formés ou mal payés… et parfois malveillants ! La pratique des débranchements sauvages, où le technicien déconnecte la ligne d’un abonné afin d’en connecter un autre, est une plaie.
Des débranchements à répétition, mais la solution vire au casse-tête
Le rapport de la médiatrice cite deux cas édifiants dont elle a été saisie : un abonné ayant subi quatre débranchements sauvages de sa ligne en trois mois, et un autre vingt débranchements sauvages de sa ligne en un an ! Naturellement, dans ces situations, l’abonné doit être remboursé de son abonnement au prorata des périodes de coupure. Le professionnel doit aller au-delà : « Un dédommagement doit aussi être accordé au regard du préjudice subi », signale la médiatrice.
Mais le fond du problème est d’éviter que la coupure se reproduise. Or, l’imbrication des différents acteurs vire au casse-tête. Si l’abonné victime se plaint à son fournisseur d’accès à Internet, celui-ci « n’est pas en mesure d’empêcher de tels actes [ndlr : les débranchements sauvages] », a expliqué la médiatrice aux victimes. La gestion des armoires de rue incombe en effet à une autre société, l’opérateur d’infrastructure. Il revient à ce professionnel « de ne plus commercialiser d'accès à la fibre auprès des opérateurs commerciaux dès lors que tous les accès sont déjà attribués à un consommateur ou ne sont pas en état de fonctionnement », écrit la médiatrice.
Une position de bon sens… Elle ne peut toutefois pas la faire valoir directement auprès des intéressés, car les opérateurs d’infrastructures ne sont pas membres du dispositif de médiation. Seuls les opérateurs en lien contractuel direct avec les consommateurs le sont.
La fibre est-elle vraiment une réussite ?
Bref, les abonnés n’ont pas fini d’être victimes de coupures intempestives… « Ces dangereuses dérives sapent la confiance en ce réseau essentiel », commente le sénateur Patrick Chaize, dans une autre contribution au rapport de la médiatrice. Également président de l’Avicca, association regroupant plus de 200 collectivités locales, il déplore que le déploiement réussi de la fibre optique « se transforme progressivement en échec du fait du mode de raccordement des abonnés. Les derniers mètres, qui sont les premiers du point de vue de l’abonné, ruinent l’image de réussite collective partagée entre État, collectivités et acteurs du Plan France Très Haut Débit. »
Le sénateur rappelle avoir déposé une proposition de loi, « à visée coercitive », afin d’assurer « la qualité et la pérennité » des réseaux en fibre optique. Mais sa discussion ne semble toujours pas programmée devant le Sénat….