Le Système international d’unités évolue, la seconde et l'UTC en travaux

Quetta mal de tête en prévision
Tech 13 min
Le Système international d’unités évolue, la seconde et l'UTC en travaux
Crédits : Laboratoire national de métrologie et d'essais

La 27e Conférence générale des poids et mesures a adopté sept résolutions. Pêle-mêle on y retrouve de nouveaux préfixes (ronna, quetta, ronto et quecto), des questions existentielles sur les secondes intercalaires et des travaux préparatoires à la re(re)définition de la seconde. 

En 2018, se tenait la 26e Conférence générale des poids et mesures (CGPM) avec un vote historique. En effet, les 60 états membres de la Convention du Mètre – un traité international signé à Paris le 20 mai 1875 par 17 pays (dont la France) qui a notamment créé le Bureau international des poids et mesures (BIPM) – y votaient à l'unanimité de nouvelles définitions pour quatre unités du Système international (SI), une première.

Ainsi, le kilogramme, le kelvin, la mole et l'ampère sont désormais basés sur des constantes et la physique quantique. La seconde, la candela et le mètre avaient déjà sauté le pas des années auparavant. Nous avions retracé plus de 220 ans du SI et expliqué en détail les nouveautés dans un dossier dédié. 

La semaine dernière se tenait la 27e Conférence générale des poids et mesures (elle se tient généralement tous les quatre ans). Cette fois-ci il n'était pas question d'aussi gros changements en profondeur, mais plusieurs nouveautés sont quand même au programme.

On vous détaille les changements apportés par les 7 résolutions, qui vont bien au-delà de quatre nouveaux préfixes, avec par exemple des travaux préparatoires qui auront des conséquences tangibles sur la notion de temps et sur la définition de la seconde.

Évolution des besoins et transformation numérique mondiale

Passons rapidement sur les deux premières résolutions, qui concernent d'une part « l'évolution des besoins dans le domaine de la métrologie », et d'autre part « la transformation numérique mondiale et le SI ». Il est notamment question d'encourager le Comité international des poids et mesures (CIPM) « à élaborer une vision à long terme qui veille à ce que le système mondial de mesures demeure pertinent et qu’il réponde de manière adéquate aux nouveaux défis métrologiques ».

La CGPM encourage également le Comité « à marquer, le 20 mai 2025, le 150e anniversaire de la signature de la Convention du Mètre en présentant une nouvelle vision pour le BIPM ». Un rappel rapide sur les méandres administratifs : le BIPM est placé sous la surveillance du Comité international des poids et mesures (CIPM), lui-même placé sous l'autorité de la Conférence générale des poids et mesures (CGPM)... vous suivez ?

La deuxième résolution encourage également le CIPM à continuer « ses actions de promotion et de mobilisation afin de s’assurer que le rôle de la Convention du Mètre, en tant que fondement de la confiance vis-à-vis de la  métrologie accepté au niveau international, s’ouvre à l’ère numérique ». Il est ainsi question de « développer et promouvoir un « cadre numérique du SI », qui devra notamment adopter « les principes FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, and Reusable [Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables et Réutilisables, ndlr]) pour les données et métadonnées métrologiques numériques  ».

Après yota et zetta, voici ronna et quetta

La troisième résolution est certainement la plus marquante pour le grand public, avec de nouveaux préfixes pour le SI. Dans les considérants, la CGPM met en avant « les besoins de la science des données, dans un futur proche, afin d’exprimer des quantités d’informations numériques d’un ordre de grandeur supérieur à 10^24 »

Quatre nouveaux (sous-)multiples sont ainsi ajoutés :

  • 10^27 : ronna (R)
  • 10^30 : quetta (Q)

  • 10^−27 : ronto (r)
  • 10^−30 : quecto (q)

Ils s'ajoutent donc aux yotta (10^24, Y), zetta (10^21, Z), exa (10^18, E), péta (10^15, P), téra (10^12, T)... ainsi que les sous multiples équivalents avec yocto, zepto, atto, femto, pico... Le dernier changement remontait à 1991 avec l'ajout de yotta, zetta dans les puissances positives, ainsi que yocto et zepto dans les négatives.

Vous l'aurez remarqué, les puissances positives se terminent par un « a » contre un « o » dans le cas contraire. Depuis l'arrivée de méga dans les années 60, le symbole associé aux puissances positives est en majuscules (M pour méga, G pour Giga, T pour téra, etc.) alors que les puissances négatives sont en minuscules. La liste officielle des préfixes se trouve par ici

TAI, UT1 et UTC : quelle heure est-il madame sardine ?

Passons à la quatrième résolution qui nécessite de s'accrocher un peu plus à ses baskets pour comprendre de quoi il en retourne. On commence par se mettre en condition avec quelques rappels sur le TAI, l'UT1 et l'UTC (et les relations entre ces trois mesures).

Le TAI ou Temps atomique international est élaboré par le Bureau international des poids et mesures (BIPM) à partir d'horloges atomiques. Il s'agit d'une « une échelle scientifique que les astronomes utilisent pour l’interprétation dynamique des mouvements des astres naturels et artificiels. Aucun signal horaire ne le diffuse directement », rappelle l'observatoire de Paris. La précision est de l'ordre de 10 à 20 nanosecondes (suffixe en o donc puissance négative – 10^-9 –, vous suivez ?).

L'UT1 ou Temps universel « est le Temps de la rotation de la Terre déterminé par l’IERS [Service international de la rotation terrestre et des systèmes de référence, ndlr] à partir principalement de l’observation des quasars extra galactiques par la technique VLBI (Interférométrie à très longue base) », explique l'Observatoire de Paris

Il est important de noter qu'UT1 « n’est pas uniforme car la rotation de la Terre autour de son axe, ralentit sur le long terme, à cause principalement des effets d’attraction luni-solaire. De plus, notre planète est perturbée par ses constituants internes (noyau, manteau) et externes (atmosphère, océans) qui modifient sa rotation ».

UT1 « est nécessaire pour fixer la position de la Terre dans son mouvement de rotation. Il sert pour la navigation et la géodésie astronomiques, pour la navigation spatiale. En astronomie, il faut le connaître pour interpréter les éclipses, les occultations, les mesures de périodes de pulsars. En géophysique, il est, par comparaison au TAI, un témoin des irrégularités de la rotation terrestre ».

Revoir la « valeur maximale pour la différence (UT1 - UTC) »

Actuellement, et d’après les accords internationaux en vigueur, UTC ne doit pas s’écarter de plus de 0,9 seconde d'UT1. Lorsque c'est le cas, on ajoute des secondes intercalaires. Cette modification peut se faire en juin et en décembre de chaque année, mais il est déjà annoncé (via un Bulletin-C, à ouvrir avec un éditeur de texte) qu'aucun changement ne sera fait cette année. Maintenant que les préliminaires sont passés, on en arrive enfin à la quatrième résolution de la CGPM.

Cette dernière indique que la valeur maximale de différence entre UT1 et UTC (actuellement de 0,9 seconde) « fait l’objet de discussions depuis de nombreuses années, car l’introduction de secondes intercalaires qui en découle crée des discontinuités qui risquent de provoquer de graves dysfonctionnements d’infrastructures numériques essentielles, telles que les systèmes globaux de navigation par satellite (GNSS), les systèmes de télécommunication et ceux de transmission d’énergie »,

Il est aussi rappelé que les opérateurs concernés ont « développé et appliqué différentes méthodes d’introduction des secondes intercalaires qui ne suivent pas de normes convenues », ce qui peut menacer « la résilience des capacités de synchronisation qui étayent des infrastructures nationales critiques ».

La « crainte » d'une seconde intercalaire négative

Pour ne rien arranger, « les récentes observations de la vitesse de la rotation de la Terre indiquent qu’il pourrait être nécessaire d’introduire pour la première fois une seconde intercalaire négative, ce qui n’a jamais été envisagé ou testé ».

Il est ainsi décidé que « la valeur maximale pour la différence (UT1 - UTC) sera augmentée au plus tard en 2035 ». La résolution ne se mouille pas davantage et renvoie la balle au CIPM qui est en charge de proposer « une valeur maximale pour la différence (UT1 - UTC) qui permettra d’assurer la continuité de l’UTC pendant au moins un siècle » et de « préparer un plan de mise en œuvre d'ici 2035 au plus tard ».

Le sujet n'est pas nouveau. Depuis la fin des années 90, des propositions pour abandonner les secondes intercalaires reviennent régulièrement sur le devant de la scène, avec des heures intercalaires à la place (on peut aussi imaginer des minutes intercalaires). Dans un tel scénario, la prochaine heure intercalaire serait pour l'an... 2600 environ.

Re(re)définition de la seconde en approche... enfin d'ici à 2030

La cinquième résolution s'attaque une nouvelle fois à la redéfinition de la seconde. En 1967, la seconde était définie comme étant « la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome de césium 133 ».

C'est bien beau tout cela, mais c'est « so » années 70 et la science s'est largement améliorée depuis. Désormais, « des étalons de fréquence optiques fondés sur différentes espèces et transitions, dans de nombreux laboratoires nationaux de métrologie, ont dépassé l’exactitude pouvant être atteinte par l’actuelle mise en pratique de la définition de la seconde d’un facteur allant jusqu’à 100 ». Il est aussi rappelé que « certains laboratoires ont démontré que des échelles de temps élaborées à partir d’un ou de plusieurs étalons de fréquence optiques ont le potentiel de présenter une exactitude plus élevée que l’échelle de temps fondée sur l’actuelle définition de la seconde ».

Stop, n'en jetez plus ! La CGPM encourage donc le CIPM « à formuler des propositions lors de la 28e réunion de la CGPM (2026) afin de choisir l’espèce privilégiée, ou l’ensemble d’espèces, pour une redéfinition de la seconde et afin de définir les mesures suivantes qui devront être prises afin qu’une nouvelle définition de la seconde soit adoptée par la CGPM à sa 29e réunion (2030) ». Vous voilà prévenu, ne venez pas faire part de votre surprise dans huit ans !

Adhésion à la Convention du Mètre et dotation pour 2024 à 2027

La résolution 6 concerne l’adhésion universelle à la Convention du Mètre. Sur ce point, la CGPM s'engage « à renforcer davantage le rôle du Bureau international des poids et mesures (BIPM) et à faciliter une participation plus large à ses activités, afin de parvenir à une adhésion durable et universelle à la Convention du Mètre ». Actuellement, le BIPM revendique 64 « États Membres » – ce qui signifie « État Partie à la Convention du Mètre » dans le jargon – ainsi que « 36 États et entités économiques associés ».

Enfin, la dernière résolution définit la dotation du Bureau international des poids et mesures pour les années 2024 à 2027. Elle sera de 13,161 millions d'euros en 2024 et grimpera progressivement jusqu'à 13,762 millions d'euros en 2027.

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