La suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP, ou redevance TV dans le langage courant) soulève une levée de boucliers parmi les députés de l’opposition. Cette fin a été actée en commission à l’Assemblée nationale. Prochaine étape ? La séance puis le Sénat.
C’est la loi de finances rectificative qui a été choisie pour organiser l’enterrement de la redevance audiovisuelle, celle qui abondait jusqu’à présent les finances de France TV ou encore Radio France. 138 euros par foyer équipé d’une télévision, avec à la clef 3,7 milliards d’euros, ventilés entre Radio France, France Télévisions, Arte France, TV5 Monde, France Médias Monde et l’Institut National de l’Audiovisuel.
Cette fin a été annoncée dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron, au titre de la défense du pouvoir d’achat, afin d’aider chacun à « mieux vivre de son travail » (page 7).
L’instauration comme la suppression d’un impôt relèvent non des compétences de l’exécutif, mais au titre de l’article 34 de la Constitution, de celles du pouvoir législatif.
À l’Assemblée nationale, à l’occasion des débats autour de la loi de finances rectificatives, cette fin funeste a cependant été combattue par plusieurs députés, du camp NUPES. Tous leurs amendements ont néanmoins été rejetés, tout comme ceux qui tentaient d’instaurer une redevance universelle.
« Une mesure de pur affichage »
« La suppression de la redevance est une mesure de pur affichage et ne permettra pas aux Français en situation d’urgence sociale de bénéficier d’un gain de pouvoir d’achat » exposent par exemple ces six députés Ecologie-NUPES. Dans leur amendement, qui n’a pas prospéré, ils s’opposaient en chœur à cette décision qui va rayer ces 138 euros par foyer équipé d’un poste de TV.
En mars 2022, Gabriel Attal donnait le ton : « ce que nous proposons de supprimer, ça n’est pas le financement, c’est l’outil, c’est-à-dire la redevance, c’est-à-dire faire payer à 28 millions de Français 138 euros, quels que soient leurs revenus ». Et le porte-parole du gouvernement d’assurer vouloir « continuer à financer [l'audiovisuel public], à garantir ses moyens, à garantir son indépendance, à lui garantir de la visibilité sur le long terme ».
Pour les députés écologistes, cette inscription de l’audiovisuel public dans le budget général va surtout mettre « à contribution de nombreux Français en situation de précarité qui étaient jusque-là exemptés de redevance », puisque c’est par la fiscalité, toute la fiscalité, que serait financé l’audiovisuel public.
Cette budgétisation, à leurs yeux, « n’est pas de nature à rassurer sur une trajectoire à la hausse des moyens alloués à une information publique forte et indépendante. Au moment où les enjeux de lutte contre la désinformation et la défense de la souveraineté nationale face à des puissances étrangères hostiles sont déterminants, une telle décision serait irresponsable. »
Et pour cause, « la suppression de l’affectation d’une taxe au financement de l’audiovisuel public met en danger l’indépendance de notre service public de l’information », avancent encore ces parlementaires. « Les pays avec les démocraties les plus saines disposent de services publics audiovisuels forts dont l’affectation d’une taxe est un facteur majeur d’indépendance et de stabilité vis-à-vis du pouvoir politique ».
Sept députés socialistes et apparentés dénoncent ce qu’ils pensent être un artifice comptable : « à partir du moment où le gouvernement assure que cette suppression n’impliquera aucune perte de financement pour l’audiovisuel public, cela supposera de trouver 3,1 milliards d’€ dans le budget de l’Etat. Il est alors difficile d’imaginer que cela se traduise réellement par une baisse d’impôts pour les Français ».
Ils assurent, comme leurs collègues, que cette budgétisation va menacer l’autonomie des médias publics (radios et TV). « L’audiovisuel public, ainsi soumis aux lois de finances, perdra toute visibilité sur ses ressources et verra ses présidents de sociétés dépendants du bon vouloir de la majorité en place » assurent-ils, dans l’exposé de leur amendement.
Donner d’une main, reprendre de l’autre ?
Mêmes positions du côté de la France Insoumise : « supprimer la redevance audiovisuelle serait une mesure qui donnerait plus de pouvoir d'achat aux Français… et qui serait compensée par le budget de l’État ! Ce qui est donné d’une main est repris de l'autre ».
« Cette promesse d'E. Macron pendant la campagne présidentielle est un véritable tour de passe-passe » soutiennent ces élus.
« La baisse continue des impôts ne peut constituer un projet viable à long terme, sauf à détricoter méticuleusement l’État » ajoutent ces trois députés Gauche Démocrate et Républicaine.
L’idée d’une redevance selon le revenu fiscal de référence
Dans sa besace, la France Insoumise n’avait qu’un amendement s’opposant à la suppression de la contribution. Elle a aussi proposé une « alternative » à savoir une redevance calculée en fonction du revenu fiscal de référence (RFR) de chaque foyer fiscal.
- 10 euros pour les foyers au revenu fiscal entre 0 et 15 000 euros
- 50 euros pour les foyers fiscaux entre 15 000 et 20 000 euros
- 100 euros pour les foyers fiscaux entre 20 000 et 30 000 euros
- 120 euros pour les foyers fiscaux entre 30 000 et 50 000 euros
- 200 euros lorsque le revenu fiscal de référence dépasse 50 000 euros
Selon le groupe, une telle approche par tranches permettrait de sauvegarder le pouvoir d’achat de la majorité des foyers, tout en garantissant l’indépendance de l’audiovisuel public.
Du côté des écologistes, une autre solution a été mise sur la table, consistant à prévoir un système de contribution universelle affectée, « proportionnelle et progressive, à hauteur de 0,25 % ; 0,5 % ; 0,75 % et 1 % des revenus des Français imposables ».
Là aussi, la CAP serait rattachée à l’impôt sur le revenu, et non plus la taxe d’habitation, « permettant ainsi aux Français de contribuer selon leurs moyens ».
Tous ces amendements ont été rejetés en commission. Le seul à être passé haut la main fut celui du rapporteur Jean-René Cazeneuve (Renaissance). Il prévoit simplement que les montants versés à l’audiovisuel public seront votés uniquement dans le cadre de la loi de finances initiale.
Les débats se poursuivront dans l’hémicycle à partir du 21 juillet. Le projet de loi poursuivra ensuite sa route au Sénat.