Le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs et l'Interactive Software Federation of Europe ont adressé une lettre à la Commission européenne. Ils y dénoncent les risques de la législation française imposant un logiciel de contrôle parental sur tous les écrans connectés.
« Si nous saluons cette loi, nous craignons néanmoins que sa mise en œuvre ne crée de lourdes contraintes techniques et ne conduise à une fragmentation européenne si cette législation impose de modifier les pratiques historiques mises en place par chaque fabricant de consoles ».
Voilà résumé en quelques mots le cœur des critiques adressées par l’industrie du jeu vidéo visant la loi imposant l’installation d’un logiciel de contrôle parental sur l’ensemble des systèmes connectés, consoles comprises.
La missive, que nous a signalé Frédéric Couchet, a été portée dans le cadre de la notification de la loi du 2 mars 2022 auprès des instances européennes. Quand le texte porté par le député LREM Bruno Studer entend généraliser cette installation, les acteurs du jeu vidéo répondent en substance ne pas avoir attendu le législateur pour agir.
Problème, des différences existent suivant les éditeurs en particulier « dans la manière dont les contrôles sont activés par les parents », que ce soit dans la création de profils, l’édition des comptes, etc. Une flexibilité à laquelle tient coute que coute cette industrie, sauf à lui imposer des « contraintes » et des « adaptations techniques importantes ».
L’attention sur les décrets d’application
La loi demande l’installation d’un logiciel de contrôle parental dont l’activation devra être proposée lors du premier démarrage. Au-delà de ces grandes lignes, toutes les attentions sont portées dans les décrets d’application.
Ils préciseront à la fois les fonctionnalités minimales, mais également les caractéristiques techniques de ces solutions logicielles, outre « les moyens mis en œuvre par le fabricant » pour faciliter leur utilisation. Les mêmes textes devront détailler « les modalités selon lesquelles le fabricant et, le cas échéant, le fournisseur du système d'exploitation certifient que les systèmes d'exploitation installés sur les équipements terminaux intègrent le dispositif ».
Chacune de ces strates est source d’inquiétudes dans le monde du jeu vidéo, puisqu’une réglementation tatillonne impliquerait une réforme de l’ensemble des chaînes de production spécialement taillée pour le seul marché français.
Et on imagine sans mal les conséquences si d’autres États membres suivaient l’exemple français avec à chaque fois des textes légèrement différents…
Neutralité technologique
Le secteur du jeu vidéo réclame dès lors une prise en compte de la diversité des appareils concernés, tout en sollicitant « une approche technologiquement neutre, afin de ne pas générer d'incompatibilités d'usage avec certaines technologies ou d’excessives complexités ».
Autre souhait : ces futures règles ne devront pas scléroser les possibles évolutions techniques. Voilà pourquoi l’univers du jeu vidéo se contenterait bien de simples normes minimales, qui devraient prendre en compte par ailleurs les solutions déjà préexistantes.
Il suggère ainsi le lancement d’une large concertation outre la mise en œuvre d’une étude préalable sur les différentes solutions en vigueur, histoire d’inspirer la plume du régulateur et lui éviter de commettre l’irréparable.
Cette réglementation future ne devra pas créer « de nouvelles entraves aux échanges entre les différents États membres », expose encore la lettre adressée à la Commission. En clair, « un système de contrôle parental reconnu dans un État membre doit être reconnu de la même manière dans les autres États membres ». L’idée est ainsi d’éviter que des États membres ne fassent cavalier seul avec des législations pouvant altérer chacune le sacrosaint principe de liberté de circulation.
Les sources d’inquiétudes concernent également le futur décret qui devra décrire « les moyens mis en œuvre par le fabricant pour faciliter l'utilisation » du logiciel de contrôle parental. Les fabricants de consoles ayant opté pour des solutions à base de profils utilisateurs, le SELL et l’ISFE demandent là encore à être entendus et que les mesures déjà mises en place ne soient surtout pas remises en cause.
Inquiétude sur le régime de certification
Autre sujet d’interrogations, le régime de certification adopté par le législateur. Les fabricants devront certifier auprès des importateurs que les équipements mis sur le marché français intègrent bien une solution de contrôle parental.
La lettre anticipe déjà un risque de « charge administrative importante » avec un « coût financier élevé ». De même, « si un certificateur tiers doit intervenir avant le lancement de nouveaux produits, cela pourrait entraîner des problèmes de propriété industrielle et des délais supplémentaires ». Voilà pourquoi dans leurs doléances, le SELL et l’ISFE se contenteraient bien d’un régime d’autocertification.
Jeprotegemonenfant.gouv.fr
Enfin, l’un des décrets devra décrire « les modalités selon lesquelles les fabricants contribuent à la diffusion de l'information disponible en matière de risques liés à l'utilisation de services de communication au public en ligne par les personnes mineures, à l'exposition précoce des enfants aux écrans et aux moyens de prévenir ces risques. »
Interrogations de l’industrie du jeu vidéo qui rappelle ses multiples campagnes en la matière. Pour elle, le meilleur vecteur d’une telle information est le site Jeprotegemonenfant.gouv.fr, site de sensibilisation financé par plusieurs acteurs dont justement le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs.