Dernière ligne droite européenne pour la loi sur le contrôle parental

Patate chaude
Droit 5 min
Dernière ligne droite européenne pour la loi sur le contrôle parental
Crédits : ADragan/iStock

Le 23 mai 2022, on saura si la loi imposant l’installation d’un contrôle parental par défaut sur l’ensemble des écrans connectés peut poursuivre sa route. Seul un feu bien rouge de la Commission pourrait stopper net son avancée. À défaut, les futurs décrets d’application emboiteront le pas. Un chantier qui se révèle cependant être un joli casse-tête, au calendrier incertain. 

Les dés sont sans doute déjà lancés, dans la mesure où une première version de travail de la proposition de loi portée par le député Bruno Studer (LREM) n’avait pas généré de critiques acerbes venues de Bruxelles.

Cette première version avait été adressée à la Commission en application de la directive « notification » qui orchestre un tel système d’alerte quand un État membre envisage d’encadrer au-delà des frontières le commerce en ligne.

Dans la réponse, obtenue et diffusée par Next INpact, la Commission a salué l'initiative française, non sans s'interroger sur les modalités pratiques encore inconnues. Dans tous les cas, la réponse prit la forme de simples « observations » qui, contrairement à un « avis circonstancié », n'ont pas été bloquantes pour la suite des festivités parlementaires.

En dernière ligne droite, un amendement a toutefois été injecté dans la proposition de loi pour conditionner son application effective à l’absence de feu rouge de la Commission à l'issue de la seconde notification. En attendant, la loi est dans les starting-blocks. Elle a été publiée le 2 mars 2022 au Journal officiel et s’apprête à déployer un cadre pour le moins ambitieux. 

Un cadre ambitieux aux contours flous 

Elle impose en effet que tous les terminaux, peu importe leur nature, soient équipés d’un logiciel de contrôle parental permettant de restreindre l’accès à des sites et des contenus « susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral ».

Dit autrement, dès lors qu’un écran connecté permettra d’accéder à un contenu nocif pour l’épanouissement moral d’un mineur, il devra être équipé d’un tel logiciel afin de restreindre les accès.

Ce logiciel devra être préinstallé et son activation proposée dès la première mise en service. Le législateur a tenu a préciser que « les données personnelles des mineurs collectées ou générées lors de l'activation de ce dispositif ne doivent pas, y compris après la majorité des intéressés, être utilisées à des fins commerciales, telles que le marketing direct, le profilage et la publicité ciblée sur le comportement ».

Cette clause protectrice ne concerne que les mineurs. En clair, le législateur a préparé une rampe, dans le cadre d’une obligation légale impérative et générale, permettant l'exploitation des données des parents.

Si la Commission européenne ausculte pour la seconde fois la loi française, le cœur du réacteur du dispositif se situe au rang inférieur, dans les décrets d’application.

Le cœur du réacteur n'est pas encore connu 

Un décret devra en effet dresser la liste des « fonctionnalités minimales » et des « caractéristiques techniques » attendue du fameux logiciel de contrôle parental, présent sur l’ensemble des écrans, que ce soit les PC (sous licence libre ou non), les tablettes, les smartphones, les montres ou les voitures qui permettent la navigation en ligne… 

Un exercice complexe puisqu’il faudra à la fois respecter les obligations adoptées par le législateur sans malmener trop profondément des pans entiers de l’économie. Une telle règlementation spécifique à la France obligera en effet à réserver au pays une ligne de production afin d’installer le fameux logiciel, non exigé dans d'autres contrées. Il suffit d’imaginer l’enfer opérationnel si chacun des États membres venait à adopter des règles similaires, sans être identiques.

De même, on ne sait toujours pas si le logiciel de contrôle parental fonctionnera par exemple avec une liste noire des sites interdits aux mineurs, ni comment sera déterminé l'âge des personnes, quand le Code pénal interdit le déclaratif

Autant dire que la rédaction de cette partie décrétale prendra un certain temps, peut être des mois, puisqu'elle exige un passage au Conseil d'Etat outre un avis préalable de la CNIL et sans doute une série de consultations.

Le monde du jeu vidéo va écrire à la Commission européenne

Pour sa part, Nicolas Vignolles, délégué général du Syndicat des logiciels de loisir, nous indique que son organisation va intervenir dans le dossier européen afin d’adresser à la Commission européenne la « contribution » des acteurs majeurs du jeu vidéo.

L'initiative permettra au secteur d'apporter un éclairage sur des pratiques aujourd'hui bien rompues. Dans l’une de ses publications, un « Essentiel » de novembre 2021, le SELL avait par exemple relevé que 70 % des parents sont « attentifs à la pratique du jeu vidéo de leurs enfants » et 62 % « déconseillent certains jeux ou choisissent les jeux vidéos auxquels leurs enfants peuvent jouer ». 92 % déclarent connaître l’existence d’un système de contrôle parental. Et près d’un parent sur deux l’utilise (+11 points par rapport à 2020). 

La crainte est évidemment que le texte vienne perturber un écosystème en place depuis des années, enrichi par le système PEGI (Pan European Game Information) créé en 2003 et qui, depuis 2015, est la « seule signalétique homologuée en France », relève le ministère de l’Intérieur

Certification en chaîne

Les fabricants devront s’assurer lors de la mise sur le marché de leurs équipements terminaux que les systèmes d'exploitation installés intègrent le logiciel voulu par la France. Au besoin, le fabricant contactera le fournisseur de l'OS pour qu’il s’assure et certifie la présence de cette solution.

Ceci fait, les fabricants certifieront à leur tour auprès des importateurs, et des échelons suivants notamment les distributeurs, que le produit est bien équipé, en transmettant le cas échéant le certificat du fournisseur du système d'exploitation. C’est là encore le décret qui expliquera comment se dérouleront ces festivités administratives.  

Le marché de l’occasion est également frappé par la loi française, du moins lorsque ces équipements sont commercialisés par un professionnel.

Après avoir été placé dans le champ de la redevance copie privée, les acteurs du secteur devront s’assurer que les téléphones et autres tablettes de seconde main, dont les produits reconditionnés, intègrent bien le fameux logiciel.

Une mesure qui imposera une vérification de l’ensemble des stocks et des flux de produits remis sur le marché. Pas simple.

Une certitude, le professionnel qui ignorerait les prescriptions prévues par la loi, et surtout détaillées dans de futurs décrets aux contours encore inconnus, prendraient le risque d’une douloureuse sanction avec à la clef, restriction voire interdiction de commercialisation en France.

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