CNES : une grève contre un « Contrat d’obsolescence programmée » du centre spatial

L’espace privatisé
Tech 4 min
CNES : une grève contre un « Contrat d’obsolescence programmée » du centre spatial
Crédits : Sébastien Gavois

Jeudi 14 avril, le CNES a vécu un débrayage d’ampleur inédite. Les salariés des quatre sites du Centre d’études spatiales ont protesté contre le nouveau Contrat d’objectifs et de performance (COP) signé le jour même par la direction et le gouvernement. Selon l’intersyndicale, il accentue le transfert de l’argent public vers le privé sans réel contrôle de la qualité et de la faisabilité des projets, et acte une baisse du pouvoir d’achat des salariés du CNES.

« Depuis 29 ans, je n’ai pas connu de mouvement d’une telle ampleur pour des raisons internes », affirme Georges Blaignan, délégué CFDT du CNES et membre de l’intersyndicale.

Si les élus du personnel étaient déjà très critiques sur la feuille de route que visait de mettre en place le projet de nouveau Contrat d’objectifs et de performance (COP) entre l’état et le centre, c’est l’ajout d’une prévision très basse de l’évolution de la masse salariale du CNES dans le COP qui a mis le feu aux poudres.

Baisse du pouvoir d’achat et potentiels licenciements

« Dans le contexte inflationniste que nous connaissons en Europe actuellement, ce COP affiche bravement une augmentation de 0,6 % de la masse salariale en euros courants » constate Georges Blaignan, « de fait, ça consacre une baisse de cette masse salariale en euros constants vu le niveau de l’inflation, ce qui ne garantit plus ni le maintien des effectifs, ni le pouvoir d’achat des salariés ».

Ce COP était en préparation depuis quelques mois et les représentants des salariés tiraient déjà le signal d’alarme en pointant du doigt qu’il « accentue le transfert de l’argent public vers le secteur privé en mettant à la disposition des industriels les moyens du CNES sans que celui-ci puisse réellement influer sur le choix et la réussite des activités menées » explique le délégué syndical.

Aujourd’hui, la revendication principale des salariés du CNES est le retrait de ce contrat et sa réécriture. Réunis en Assemblée générale, les salariés ont rebaptisé l’actuel COP en « Contrat d’obsolescence programmée » du CNES et veulent réécrire un « Contrat d’objectif du personnel » et le porter à la direction.

Même si le plus gros rassemblement a eu lieu devant le Centre spatial de Toulouse avec 600 personnes sur les 1700 du site, la mobilisation a touché jeudi dernier tous les sites du centre que ça soit celui de Daumesnil, de Paris ou de Kourou, où les employés craignent en plus une vague de licenciements due à l’arrêt des lancements de Soyouz depuis la base guyanaise.

« Le « newspace », pourquoi pas, mais pas à n’importe quel prix »

Le CNES, moteur de l’Europe spatiale depuis les années 1960, est habitué à travailler avec l’industrie et les entreprises innovantes. Mais aujourd’hui, ses salariés ont peur que le centre perde sa raison d’être dans la course au « newspace », nouvel eldorado de l’espace pour les startupers et milliardaires en herbe.

« Le newspace, notre direction et le gouvernement n’ont que ce mot-là à la bouche », déplore Georges Blaignan qui rajoute « Le newspace, pourquoi pas, encore que nous voudrions bien en avoir une définition précise, mais il nous semble que le seul objectif est de transférer de l’argent public dans le privé et ce n’est pas qu’on ne le veut pas sans contrôle ».

Une politique gouvernementale assumée

Cette stratégie de financement des start-ups à tout prix, Jean Castex l’assumait déjà en décembre dernier aux 60 ans du CNES en annonçant que « des financements sous la forme de concours ou d’appels à projets seront lancés dès l’année prochaine afin de développer de nouveaux segments de marché. »

Ce moment coïncide aussi avec un changement de taille pour le CNES. Depuis 2021, la politique spatiale française n’est plus conduite par le ministère de la recherche mais par celui de l’Économie et le CNES est passé sous la tutelle de la Direction générale des entreprises. Les priorités se sont donc transférées logiquement de la recherche publique vers l’aide aux entreprises.

Si ce changement de responsabilité ministérielle peut expliquer en partie ce basculement, la situation similaire dans d’autres établissements publics comme l’INRIA (racontée par Médiapart récemment) montre une certaine cohérence de politique gouvernementale pour transformer ces établissements publics en agences de financement de start-ups aux prix de frictions avec les salariés.

L’intersyndicale du CNES est d’ailleurs en train de se rapprocher des représentants des autres établissements publics de caractère industriel et commercial (ou EPIC) comme l’Office national d'études et de recherches aérospatiales pour créer une intersyndicale inter-EPIC.

Et maintenant ?

Georges Blaignan n'a pas encore de retour de la direction suite à cette journée de mobilisation et sur les revendications. Les choses devraient bouger rapidement : « Nous allons rencontrer le PDG en visio-conférence vendredi ».

Quoi qu'il en soit, la mobilisation est toujours forte selon le syndicaliste, mais aucune nouvelle journée de grève n'a pour le moment été programmée. Plusieurs assemblées générales sont par contre prévues afin de construire le « Contrat d’objectif du personnel », qui sera ensuite transmis à la direction.

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