Grand collisionneur de hadrons : nouvelles protections contre les particules déviantes

Grand collisionneur de hadrons : nouvelles protections contre les particules déviantes

Le CERN plus fort que le MCU

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

04/10/2021 7 minutes
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Grand collisionneur de hadrons : nouvelles protections contre les particules déviantes

Au fil des années, le Grand collisionneur de Hadrons (LHC) s’améliore, ce qui implique de maitriser les faisceaux particules qui y circulent, sous peine d’endommager les systèmes. C’est le rôle des collimateurs, qui sont désormais seize de plus pour bloquer d'éventuelles particules rebelles.

Commençons par un rappel sur le principe général du Grand collisionneur de hadrons : il « repose sur l'accélération et la collision de faisceaux constitués de minuscules particules, à des intensités inédites ». Les scientifiques étudient alors les restes des collisions pour comprendre toujours plus en profondeur la conception de la matière.

Face aux déviants, le LHC montre les dents

Avant d’entrer en collision, les faisceaux de particules sont accélérés en effectuant des tours dans une immense boucle, de presque 27 km de long pour le LHC. Les particules ne doivent par contre pas varier de leur trajectoire : « Si des particules du faisceau, même en petit nombre, s'écartent de la trajectoire fixée très précisément, on risque la transition résistive d'un aimant supraconducteur ou même la destruction de certaines parties des accélérateurs ».

Si vous pensez que de petites particules ne peuvent pas faire de gros dégâts, vous vous trompez lourdement ; c’est comme dans l’espace : de petits débris à plusieurs dizaines de milliers de km/h peuvent causer des catastrophes. Le CERN donne un ordre de grandeur pour s’en rendre compte : « l'énergie contenue dans deux faisceaux du LHC est suffisante pour faire fondre près d'une tonne de cuivre ». Autre problème à prendre en considération : les particules rebelles créent du « bruit de fond » et altèrent donc la qualité des données obtenues.

Afin de garder les particules dans les rangs, des systèmes de protection ont été mis en place, et « le LHC montre les dents dès que les particules s'écartent du droit chemin ». Ces « dents » se trouvent dans ce qu’on appelle « les collimateurs », des dispositifs installés tout au long du LHC. Elles sont installées sur des mâchoires constituées de matériaux robustes qui se referment autour du faisceau afin de le « nettoyer des particules déviantes ».

Plus d’une centaine sont placés tout au long du tunnel du LHC et seize nouveaux ont été installés en vue de la prochaine période d’exploitation scientifique qui débutera dans quelques mois. Ils permettent aussi de préparer l’arrivée de la haute luminosité (HL-LHC) qui augmentera encore les performances du grand collisionneur.

16 nouveaux collimateurs pour renforcer la protection

Ce fut un travail de longue haleine puisque pas moins de trois ans ont été nécessaires pour installer ces seize protections. Pour rappel, le LHC est actuellement dans son deuxième long arrêt technique (LS2), qui a débuté fin 2018. Il reprendra du service à la fin du premier trimestre de l’année prochaine pour la troisième période d’exploitation scientifique (run 3), avec toujours plus de collisions au programme et donc de résultats à analyser. 

Cette augmentation va de pair avec celle du nombre de particules en circulation dans le LHC… et donc du nombre de déviants potentiels. Il faut donc renforcer la protection des équipements, tout particulièrement « à proximité des expériences et des zones du LHC consacrées à la collimation des faisceaux », explique le CERN.

Différents collimateurs ont donc été installés. Il y en a d’abord deux de type TCLD (Target Collimator Long Dispersion suppressor) mis en place dès l’année dernière autour de l’expérience ALICE. Les quatorze restants se trouvent aux alentours du point 7, « où une grande partie du "nettoyage de faisceau" est réalisée ».

« Certains remplacent des collimateurs existants pour les améliorer, d’autres ont été ajoutés », explique Stefano Redaelli, le responsable du lot de travaux consacré à la collimation pour le projet HL-LHC. Ils sont de trois types cette fois-ci : « quatre collimateurs primaires (TCPPM pour Primary Collimator with Pick-Up, Metallic), huit secondaires (TCSPM pour Secondary Collimator with Pick-Up, Metallic) et deux absorbeurs passifs ».

Les douze collimateurs primaires et secondaires ont été fabriqués avec des partenaires internationaux. Leur design évolue : « Ils sont basés sur un composite molybdène-graphite qui, grâce à sa faible résistivité électrique, permet une stabilité des faisceaux de plus haute intensité. Les collimateurs secondaires sont en plus dotés d’un revêtement en molybdène pur de 6 microns, qui réduit encore la résistivité électrique d’un facteur 20 ».

De plus, ils disposent désormais de capteurs permettant de contrôler et ajuster la position des faisceaux.

LHC CollimateurUn collimateur TCLD. Crédits : CERN

Des « cristaux » pour nettoyer les faisceaux de particules

Les travaux ne sont pas encore terminés : deux nouveaux collimateurs à base de cristaux devraient être installés d’ici la fin de l’année ; ils ont été spécialement développés pour l’exploitation avec ions lourds.

Les premiers travaux sur le sujet remontent à 2009, tandis que les performances de cette technique ont été démontrées en octobre 2018. Comme son nom l’indique, elle utilise des cristaux courbés – on parle d'un angle « microscopique » – qui permettent « d'améliorer la performance générale du processus de nettoyage ».

Ces cristaux permettent en effet de courber la trajectoire des particules sur de courtes distances, avec des effets bien supérieurs à ceux obtenus avec des aimants classiques. Normalement, les particules du halo (celles qui se trouvent autour du faisceau) se dispersent selon des angles aléatoires, mais avec cette technique ils « peuvent être dirigés et canalisés directement vers les absorbeurs installés en aval ».

Les cristaux réduisent ainsi la nécessité d’avoir recours aux collimateurs secondaires et tertiaires. Il faudra attendre 2022 pour avoir les résultats des tests sur les premiers faisceaux.

Toujours le même objectif : la haute luminosité

Tous ces travaux servent évidemment à préparer la troisième période d’exploitation scientifique qui débutera dans quelques mois, mais aussi (et surtout ?) à anticiper l’arrivée de la haute luminosité (HL-LHC).

Dans ce contexte, la « luminosité » est « une caractéristique essentielle d’un collisionneur, indiquant le nombre de collisions susceptibles de se produire par unité de surface et en un temps donné ». Plus il y a de collisions, plus il y a de résultats à analyser et donc de « chances » de trouver de nouvelles particules. Encore faut-il que les expériences se déroulent dans de bonnes conditions, que ce soit au niveau de la sécurité ou du bruit de fond. 

Les attentes autour du HL-LHC sont importantes du côté de la communauté : « Cela permettra aux scientifiques d'étudier des phénomènes rares et d'obtenir des mesures de grande précision indispensable pour préciser les propriétés du boson de Higgs. Plus largement, c'est un pas de plus vers la compréhension du modèle standard et des scénarios qui en découlent ».

Le Grand collisionneur de hadrons passera à la haute luminosité au cours de son troisième long arrêt technique, qui se déroulera entre début 2025 et mi-2027. Pour le moment, l’heure est au réveil de l’accélérateur, puis aux expériences qui se dérouleront entre 2022 et fin 2024. 

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Face aux déviants, le LHC montre les dents

16 nouveaux collimateurs pour renforcer la protection

Des « cristaux » pour nettoyer les faisceaux de particules

Toujours le même objectif : la haute luminosité

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Commentaires (8)


Je vois pas trop le rapport avec la ligne éditoriale, et j’ai pigé en vrai à peu près 10% du contenu (faut dire je l’ai lu un peu vite je le relirai posément quand j’aurai le temps)…



Mais MERCI pour cet article qui nous ouvre (en tout bien tout honneur :transpi:) à des disciplines scientifiques et des recherches majeures pour le siècle à venir.
:chinois: :smack:


Yep, ça déborde un peu du cadre mais ça fait du bien. Ok on s’attendrait à voir ce genre d’articles sur FuturaS !


Maga71

Yep, ça déborde un peu du cadre mais ça fait du bien. Ok on s’attendrait à voir ce genre d’articles sur FuturaS !


TechnoScience/FuturaScience seront un poil plus techniques éventuellement, mais cela n’enlève rien à la qualité de l’article ici présent.


C’est plus si rare qu’on ait ce genre d’article. J’aime bien. :yes:



Citan666 a dit:


Je vois pas trop le rapport avec la ligne éditoriale, et j’ai pigé en vrai à peu près 10% du contenu (faut dire je l’ai lu un peu vite je le relirai posément quand j’aurai le temps)…



Mais MERCI pour cet article qui nous ouvre (en tout bien tout honneur :transpi:) à des disciplines scientifiques et des recherches majeures pour le siècle à venir. :chinois: :smack:




Il y a un truc entre NXI et le LHC, et c’est pas pour me déplaire !



C’est plaisant de lire un article où la science est en action avec l’ingénierie.


Merci pour l’article.



Avouons le, nous avons tous zoomé sur le centre droit de la photo :non:



SwAY256 a dit:


Merci pour l’article.



Avouons le, nous avons tous zoomé sur le centre droit de la photo :non:
en chandail noir dans la photo du titre)
:windu: c est une boîte de touristes, regarde leurs EPI
Article intéressant, plus simple que les physical review A



“on risque la transition résistive d’un aimant supraconducteur”
Ce qui est déjà arrivé en 2008, avec le déplacement d’aimants pesant quelques tonnes.
Et ils avaient tiré une sacré gueule en découvrant les dégâts !
Mais bon, dans la recherche fondamentale, on gagne rarement à tous les coups.