Le volet numérique du programme EELV pour la présidentielle

L'e-Vert sera-t-il doux ?
Droit 10 min
Le volet numérique du programme EELV pour la présidentielle
Crédits : imaginima/iStock

« Vivant. Projet pour une République écologique ». Voilà l’intitulé du programme d’Europe Écologie les Verts  (EELV) pour la présidentielle. Un programme fort de plusieurs propositions sur le numérique. Tour d’horizon, à la veille du début du second tour des primaires. 

Yannick Jadot (27,70 %) et Sandrine Rousseau (25,14 %) ont été les deux finalistes du premier tour des élections du groupe. Le second tour de la primaire sera organisé entre le samedi 25 et le mardi 28 septembre. Celle ou celui qui l’emportera représentera les EELV aux présidentielles de 2022, pour y porter le programme interne.

Le volet numérique est parfois réduit à la plus simple expression lorsque le groupe promet de développer « le numérique à l’hôpital », sans plus de précision. Autre vague promesse : lutter contre la fracture numérique, en créant une « garantie de service public universelle », avec « des observatoires citoyens de la qualité du service public rassembleront usager.es, agents publics, élu.es, pour identifier les réussites et difficultés et co-construire les améliorations ».

Les plateformes

Sur les plateformes, les mots se font plus précis avec notamment un volet relatif au droit du travail. « Nous sommes entrés dans une période de profondes mutations du travail, marquées par la croissance de l’économie et des plateformes numériques, par les évolutions technologiques ou le développement du télétravail accéléré par la pandémie de la Covid-19 ».

Pour lutter contre l’ubérisation, EELV veut favoriser « le développement des plateformes coopératives d’activité et d’emploi (CAE) ». L’enjeu ? « Sécuriser les nouveaux travailleurs du numérique, tout en encourageant les investisseurs et les collectivités locales à investir dans ces plateformes coopératives ».

À cette fin, elle promet de créer une « une autorité de contrôle des algorithmes qui portera une attention particulière à la transparence sur le fonctionnement des algorithmes des plateformes numériques ». Sachant que le Digital Services Act prévoit justement d’imposer « la transparence des systèmes de recommandation et choix des utilisateurs pour l’accès à l’information », du moins pour les très grandes plateformes, avec des clés de régulation qui devraient être confiées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’instar de ce que prévoit la prétranscription du texte dans le cadre de la loi Séparatisme.

Autre promesse, « nous requalifierons les travailleurs des plateformes en ligne en salarié.es » expose le groupe, inscrivant en dur dans un futur texte ce qui a déjà été consacré par la jurisprudence à la Cour de cassation.

Fiscalité du reconditionné

Sur le volet fiscal, une TVA à taux ultra réduit sera instaurée pour « rendre plus accessibles les produits les plus vertueux climatiquement et au contraire pénaliser ceux qui le sont le moins ». À supposer que la mesure soit conforme au droit européen, cela concernerait « les produits locaux, bio, bons pour la santé et l’environnement ou essentiels ».

Inversement, ceux « dont les modalités et conditions de fabrication, les usages, la consommation énergétique, l'obsolescence, la pollution qu’ils génèrent ne sont acceptables ni pour les personnes ni pour l’environnement » seraient lestés d’un taux plus élevé.

Éducation : au revoir ParcourSup

Leur programme présidentiel veut également mener « un plan pour que les plateformes et outils numériques utilisés par l’éducation nationale et agricole répondent à des critères d’accessibilité et de sobriété précis ».

Ce plan passerait par la généralisation de « l’usage de l’open data (données ouvertes) et des logiciels libres et publics pour garantir la transparence et la sécurité des données ».

Parcoursup ? Supprimé. Au lieu et place, « les dispositifs d'affectation après la troisième et la terminale devront être soumis au contrôle d'une autorité indépendante et répondre à de nouveaux critères de transparence et de prévention des biais qu’ils peuvent engendrer »

Pas d’écran à l’école avant six ans

EELV assure aussi que « de nombreuses études démontrent la nocivité des écrans récréatifs sur le développement de l’enfant ». L’enseignement du numérique à l’école distillera donc quelques bons conseils : « pas d’écran à l’école avant six ans, un temps limité en fonction de l’âge jusqu’au lycée, et une formation des élèves, des enseignant.es et des familles à la sobriété et aux risques des écrans et du numérique ».

Parallèlement, « l’école joue un rôle central afin de promouvoir chez les élèves un usage réfléchi, limité et contrôlé de leurs différentes activités numériques actuelles et futures, au-delà de la seule utilisation récréative. L’école ne peut se tenir à l’écart de ces évolutions. En apprenant à accéder, trier et sélectionner l’information, l’école permet à l’élève de s’insérer dans les évolutions futures du monde et d’apprendre dans un cadre social construit, liant présentiel et enseignement à distance ».

Au passage, la publicité télévisée à destination des enfants sera tout simplement interdite.

Une plateforme libre sur la recherche scientifique

Un plan de lutte contre « l’illectronisme » sera lancé afin de « réduire les inégalités sociales et territoriales face au numérique, contre la culture des fakenews et des violences numériques, à destination des scolaires, mais aussi par des campagnes auprès du grand public ».

Sur la recherche scientifique, le programme milite pour la mise en place d’une plateforme numérique libre, dans l’espoir de « régler l'abus de position dominante des entreprises privées de publication scientifique, qui recourent au bénévolat des chercheurs pour la relecture, mais aussi la vente en ligne des articles qui eux-mêmes ont été en très grosse partie financés par des subventions publiques ». Pour EELV, en effet, l’État doit « obtenir les droits de lecture gratuitement sur ces articles qu'il a lui-même financés ».

La culture face aux géants du numérique

« La culture est essentielle », insiste le groupe. « Elle nous a manqué quand nous avons été privés de partage collectif. Pendant le premier confinement, elle s’est réduite à un accès en ligne, interrogeant le modèle des géants privés du numérique (GAFAM) »

Pour le cinéma, « l'intégration des plateformes SVOD dans cet écosystème doit être accompagnée par le législateur pour garantir un véritable soutien aux productions indépendantes excluant les filiales de production de ces mêmes plateformes du dispositif ». Ainsi, les plateformes seraient appelées à contribuer par des taxes au cinéma français et européen (via la directive SMA), mais seraient exclues des soutiens aux productions indépendantes. Ce n’est pas tout : « le rachat de sociétés de production par les plateformes doit être fortement contrôlé. Les plateformes doivent également fournir une information transparente sur l’audimat ».

Sur le terrain des médias et de l’information, le groupe entend soutenir « un service public indépendant pour éviter la concentration de médias entre les mains de quelques puissants ». Ce soutien passera par le maintien de la redevance audiovisuelle, et ce afin de « garantir un service public fort ».

Dans le même temps, les télévisions associatives profiteront d’un fonds financé par le déplafonnement de la taxe sur la publicité audiovisuelle, laquelle aura donc disparu des émissions pour les plus jeunes. Le programme entend aussi faire voter « une loi Evin pour le climat, soit l'interdiction de publicités pour les produits climaticides ». Les publicités sous forme de bâches géantes, écrans vidéos et affichages seront « réduites » et « chacun.e devra consentir explicitement au démarchage téléphonique »

Autre soutien programmé : « accompagner la transition vers la radio numérique terrestre », au profit de « choix technologiques en adéquation avec les territoires [...] pour offrir aux auditeurs de tous les territoires un choix de radios en qualité numérique ».

Culture et bulle algorithmique

Retour sur le terrain des plateformes : EELV veut crever la bulle algorithmique, où les plateformes de streaming « proposent de nouveaux contenus à partir des consultations antérieures, de leur catalogue et des accords avec leurs partenaires ». Un tel modèle, juge le parti des Verts, « influe négativement sur le pluralisme de l'information et la diversité culturelle ».

Face à cet abcès, il exige « plus de transparence » sur ces algorithmes, outre « des dispositifs pour permettre des utilisations autonomes et des découvertes aléatoires ».

Réduire l’impact environnemental du numérique

Si EELV milite pour « une couverture numérique de l'intégralité du territoire », il y aura un moratoire sur les chantiers en cours et autres projets d’implantation de plateformes logistiques sur le territoire français.

« Nous mènerons une mission d’étude sur les impacts du stockage de données informatiques sur le climat, l’environnement et l’accès aux ressources naturelles et énergétiques. Aucune nouvelle implantation de centre de stockage de données (datacenter) ne sera autorisée en France avant que ne soient publiés et validés les résultats de cette étude ».

Les industriels du secteur devront donner une information « précise sur la consommation énergétique, les matériaux, les modes de gestion des centres de données qui devra être affichée sur les objets (téléphones, ordinateurs…), mais aussi sur les sites par la généralisation des méthodologies de mesures d’impact environnemental basées sur l’analyse de cycle de vie (ACV) et pas seulement sur la consommation énergétique ».

Une taxe sur le trafic Internet, un contrôle communal des antennes

Alors que les services au public ferment dans les villages, EELV plaide aussi pour « une contribution sur le trafic internet, pour financer partout des maisons des services publics mutualisées, avec du personnel formé et assermenté pour accompagner les usager.es qui le souhaitent dans leurs démarches administratives ».

Les collectivités locales retrouveront une pleine et entière « capacité de contrôle de déploiement des réseaux numériques, en particulier les implantations d’antennes relais », avec l’exigence d’un vote conforme du conseil municipal pour toute nouvelle implantation.

Un plan d’approvisionnement durable en terres et métaux rares sera lancé, avec limitation de l’obsolescence programmée et les besoins matériels, tout « en investissant dans la récupération des matériaux et dans le réemploi et recyclage ».

« Capitalisme de surveillance »

Toujours dans cette imposante brouette des promesses, le groupe compte interdire la modération par filtres automatisés, au motif que ces outils « ne peuvent pas garantir la protection des utilisateurs ».

La reconnaissance faciale dans l’espace public subira, non une interdiction, mais un moratoire de deux ans. Cette suspension aura pour objet « d’ouvrir une large expertise et un débat démocratique digne de ce nom pour évaluer des dispositifs aussi problématiques en termes de liberté individuelle et de respect de la vie privée ».

Contre la haine en ligne, EELV pense que le meilleur moyen est de mettre en place à l’échelle européenne une procédure de résolution des conflits, prise en main par une « autorité administrative et judiciaire indépendante ».

Les internautes pourront donc la saisir en cas de contentieux. « Nous veillerons à ce que les contenus et les mécanismes de recours soient disponibles sur toutes les plateformes. Cela introduira une sécurité juridique et augmentera la responsabilité des fournisseurs de services envers leurs utilisateurs ». Comment ?

Une loi de « démantèlement des GAFAM »

Google, Facebook et les autres géants doivent aussi s’attendre à une « une loi nationale et européenne de démantèlement des GAFAM ». Au menu, de nouvelles normes européennes antitrust « et pour organiser un débat européen autour de l’émergence d’un écosystème numérique diversifié et déconcentré ».

Autre promesse, dont on n’a pas encore les détails concrets : « relocaliser le traitement des données au plus proche de leur lieu de production par l’adoption d’une gouvernance collégiale des câbles internet mondiaux et continentaux par des instances multilatérales, en privilégiant la coopération des nations aux intérêts privés ».

Le libre, un bien commun

EELV entend enfin soutenir un service public du numérique et le logiciel libre, « un bien commun, open source et de préférence autogéré, [qui] permet de rendre le contrôle aux utilisateurs et institutions, et la nécessaire souveraineté de l'État vis-à-vis de ses outils ainsi qu'une approche décentralisée ».

L'État et les collectivités devront progressivement migrer vers ces licences. EELV demande un « usage systématique des logiciels et systèmes d'exploitation libres » outre l’utilisation de « services en ligne et réseaux sociaux libres, éthiques et décentralisés »

Cette migration passera tout autant par l’éducation où « l'ensemble des établissements scolaires et de formation utiliseront et formeront leurs apprenant.es à l'usage du numérique et des logiciels et systèmes d'exploitation libres ».

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