Le 10 septembre dernier, le Conseil d’État a examiné la requête de la société Coyote, laquelle réclame l’annulation du décret interdisant, dès le 1er novembre 2021, le signalement des contrôles de police par les services de géolocalisation. L’entreprise a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité. Elle vient d’être transmise hier aux Sages de la rue de Montpensier.
Selon l’article L.130-11 du Code de la route, les éditeurs de ces solutions logicielles peuvent se voir interdire de rediffuser « tout message ou toute indication émis par les utilisateurs de ce service dès lors que cette rediffusion est susceptible de permettre aux autres utilisateurs de se soustraire au contrôle ».
La durée de l’interdiction peut aller jusqu’à 12 heures pour un périmètre de 10 km autour du point de contrôle, hors agglomération et deux kilomètres en agglomération.
Selon un décret d’avril 2021, qui doit entrer en vigueur le 1er novembre 2021, chaque préfet peut ainsi prendre un arrêté d’interdiction « sur proposition des officiers ou agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints de la gendarmerie et de la police nationales ».
Il mentionne alors à la fois les voies et la durée de l’interdiction visant à protéger certaines opérations, comme les contrôles d’alcoolémie ou s’agissant de la recherche de personne pour des crimes ou délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement.
Ces données sont alors transmises aux éditeurs de solutions logicielles qui ont l’obligation d’inhiber leurs systèmes d’aide à la conduite.
Une interdiction effective au 1er novembre, finalement remise en cause ?
« Nous n’avons aucun état d’âme à appliquer les mesures proposées, lesquelles vont dans le sens de la sécurité des automobilistes » nous assure l’entreprise qui rappelle ne pas avoir attendu ces dispositions pour prendre des mesures d’occultation, notamment lors de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg ou de Paris.
Seulement, elle considère « que leurs modalités ne sont pas applicables ». À ses yeux, « elles vont même à l’encontre des objectifs du texte ». Coyote n’a toutefois pas souhaité s’exprimer davantage sur un dossier en cours d’examen.
De fait, Coyote n’a pas seulement décidé de réclamer l’annulation du décret. Elle a aussi attaqué la loi qui lui sert de socle. Et bien lui en a pris puisque le Conseil d’État a jugé ses arguments suffisamment « sérieux » pour transmettre au Conseil constitutionnel sa question prioritaire de constitutionnalité (ou QPC).
Pour Coyote, la loi, en l’état, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en particulier la liberté de communication entre les utilisateurs.
Et pour cause, l’interdiction « s'étend à des motifs et est soumise à des conditions, notamment de durée et de couverture géographique, qui ne seraient pas suffisamment limitées ».
De même, l’interdiction prévue par la loi s’étend en dehors du réseau routier national (autoroutes et routes nationales), et frappe même dans son périmètre des informations ne portant pas sur l'existence d'un contrôle de police. Ces dispositions ne seraient donc ni adaptées, ni nécessaires et proportionnées à l'objectif du texte.
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision dans les trois mois à venir. Une déclaration d'inconstitutionnalité immédiate mettrait ainsi un coup de pied dans le château de carte de ce régime, appliqué dès le 1er novembre.