L’Agence spatiale européenne veut un « indicateur de durabilité spatiale »

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Pour lutter contre la prolifération des débris spatiaux, l’ESA propose un indicateur de durabilité. Elle espère que les entreprises du spatial l’utiliseront et met en avant les bénéfices qu’elles pourraient en tirer. L’idée parait séduisante, mais son adoption est loin d’être gagnée.

Depuis le début de la conquête spatiale, les humains ont laissé des débris dans l’espace. On y trouve les étages de fusées qui ne retombent pas sur Terre (ou plus exactement brulés dans l’atmosphère) et les satellites hors d’usage, mais également des restes de collisions et d’explosions en tout genre.

Les débris sont une « menace » pour notre avenir

Le problème est que chaque débris (même de petite taille), lancé à plusieurs dizaines de milliers de km/h, peut devenir une redoutable menace pour les autres satellites. Pour rappel, un fragment de quelques millièmes de millimètre de diamètre seulement a causé un impact sur une des vitres de la Station spatiale internationale.

Un autre risque, mis en avant par le film Gravity, est connu sous le nom de syndrome de Kessler. Il prévoit qu’au-delà d’une certaine densité de débris dans l’espace, une réaction en chaîne se lance : plus de débris, donc plus de collisions, donc plus de débris, etc. Le risque de cette boucle sans fin serait alors d’avoir une orbite basse complètement bouchée et inaccessible.

N’allez pas croire que ce danger est récent : le premier évitement d’un débris spatial a eu lieu il y a 30 ans (en 1991) avec la navette spatiale Discovery de la NASA. En 2020, la seule Agence spatiale européenne – qui dispose d’un nombre limité de satellites – a dû effectuer pas moins de 20 manœuvres d’évitement. La situation ne s’améliore pas avec le temps, bien au contraire.

Pour marquer les esprits, l’ESA n’y va pas par quatre chemins : ce problème de débris « menace notre avenir dans l’espace ». Il y a certes des projets de nettoyeur/camion poubelle de l’espace, mais rien de probant à grande échelle pour le moment. L’Agence voudrait changer les mentalités et présente un indicateur de durabilité – Space Sustainability Rating ou SSR en anglais –, « en cours de développement ».

La « dépendance de l’humanité » à l’espace

L’enjeu est important pour l’ESA, puisque « les satellites sont devenus l’épine dorsale de nos économies modernes ». Ils fournissent en effet des services pour la navigation, les télécommunications, les prévisions météo, la surveillance militaire, et bien d’autres encore.

De plus, « la dépendance de l’humanité à l’égard des infrastructures spatiales est appelée à s’accroître fortement avec le lancement de grandes constellations de petits satellites destinés à renforcer l’accès mondial à l’Internet ». On peut citer Starlink et OneWeb, mais d’autres sont en préparation.

L’ESA fait le compte : « Il existe actuellement plus de 4 000 satellites actifs en orbite, y compris les avant-postes habités de la Station spatiale internationale et la Station spatiale Tiangong, actuellement en construction ». Or, ce « nombre est appelé à croître de manière exponentielle » dans les prochaines années. Plus de satellites impliquent plus de risques de collisions et donc de débris, notamment sur les orbites basses. 

Un indicateur de durabilité pour « changer la donne »

Le but de cet indicateur est « de faire la lumière sur ce problème, en évaluant les opérateurs spatiaux sur la durabilité de leurs missions, en renforçant la transparence de leurs contributions à la protection de l’environnement spatial et en encourageant et en reconnaissant les comportements responsables », explique l’Agence spatiale.

L’ESA rappelle « qu’aucun gouvernement ou autorité n’a le pouvoir de fixer et d’appliquer des règles de comportement strictes pour toutes les organisations spatiales », mais affirme que ce projet lancé par le Forum économique mondial (une fondation à but non lucratif basée en Suisse) « promet de changer la donne ». 

Comme son nom le laisse supposer, cet indice est calqué sur les labels d’efficacité énergétique et de nutrition : « l'indicateur de durabilité spatiale indiquera clairement ce que font les entreprises et les organisations pour préserver et améliorer l’état de l’environnement circumterrestre ». Il est en préparation depuis deux ans. 

Méthode de calcul et « points bonus »

Il va désormais se jeter dans le grand bain : « Pour la prochaine étape cruciale, le Centre spatial (eSpace) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a été sélectionné pour diriger et exploiter le Space Sustainability Rating en vue de son déploiement ».

Plusieurs facteurs sont pris en compte : partage des données, choix de l’orbite, mesures prises pour éviter les collisions, plans de désorbitation des satellites en fin de mission et facilité avec laquelle les satellites peuvent être détectés et identifiés depuis le sol.

Le projet prévoit aussi d’attribuer des « points bonus » si les engins disposent par exemple « d’éléments facultatifs qui permettraient une élimination active des débris », un « dispositif permettant d'agripper le satellite », par exemple. L’évaluation prend en compte les risques à court et long terme.

L’ESA en profite pour pousser son Bureau Débris spatiaux qui « étudie depuis des années l’environnement des débris, ce qui fait de lui une autorité de premier plan sur cette question d’intérêt mondial ». Elle sera donc en charge de définir l’architecture de notation, « c’est-à-dire des critères sur lesquels les missions spatiales doivent être jugées, et à fournir des analyses d’experts, des données et un savoir-faire technique développé au fil des ans ». L’Agence européenne affirme qu’elle siégera au comité consultatif Space Sustainability Rating Advisory Board.

Quatre niveaux de certification

L’idée est séduisante, mais l'adhésion sera bien sûr volontaire, aucun organisme n'ayant le pouvoir de l'imposer au niveau mondial. Les intervenants – opérateurs, fournisseurs de services et fabricants – « pourront obtenir l’un des quatre niveaux de certification qu’ils pourront diffuser largement pour démontrer l’engagement de leur mission en faveur de la durabilité », sans plus de détail pour le moment.

L’ESA affirme ainsi que la transparence « s’en trouvera renforcée », mais sans pour autant que « soient divulguées des données commerciales sensibles ou exclusives à la mission ». Un « bon » score pourrait avoir des conséquences économiques avec, par exemple, « une baisse des coûts d’assurance ou une amélioration des conditions de financement des bailleurs de fonds ». Suffisant pour que l’écosystème saute le pas ?

L’Agence se veut rassurante sur ce point : « Plusieurs entreprises, dont Airbus, Astroscale, AXA XL, elseco, Lockheed Martin, Planet et Voyager Space Holdings, ont soutenu activement le concept du SSR et ont exprimé leur intérêt à y participer lorsqu’il sera lancé publiquement ». Il faudra faire les comptes une fois l’indicateur de durabilité lancé.

Commentaires (5)


Et des points malus retrospectif aux pays qui ont joué à qui a la plus grosse en tirant sur un de leur satellite depuis la Terre, ce qui a généré des dizaines de milliers de débris ?
Et en pensant à l’illustration de Flock, les trucs du genre Tesla satellisée, ça compte ?


Le pays en question n’en aurait cure…
Sinon la Tesla est en orbite autour du Soleil, pas autour de la Terre (ce qui est tout aussi débile, mais moins dangereux pour nous).


ouh, on parle d’écologie et de durabilité, du coup la question légitime: bientôt une redevance copie privée sur les satellites?


Qui parle d’écologie?
Les déchets spatiaux entrainent des problèmes de fiabilité sur les équipements de transmission essentiels dans notre vie moderne. Et pour les missions habitées bien entendu, bien que ce soit marginal par rapport à la quantité de satellites fonctionnels.


Les USA lancent des satellites par milliers chaque année et préparent de grosses fusées pour aller sur la Lune et sur Mars, les Chinois lancent leur station spatiale et préparent également de grosses fusées pour aller plus loin, ont posé des rovers sur la Lune et sur Mars, les Européens tirent si peu maintenant qu’ils se mettent à pondre des normes et de la paperasse. Je ne dis pas que c’est inutile, loin de là, mais c’est un peu la même histoire que le RGPD avec les grosses boites aux USA et en Chine.


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