Astroscale ELSA-d : le « camion poubelle » de l’espace est en orbite

Astroscale ELSA-d : le « camion poubelle » de l’espace est en orbite

Ce n’est pas le boulot qui manque là-haut

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

31/03/2021 7 minutes
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Astroscale ELSA-d : le « camion poubelle » de l’espace est en orbite

Astroscale vient d’envoyer dans l’espace son module ELSA-d : la « première mission au monde de démonstration d’élimination des débris orbitaux ». Après l’échec au lancement d’IDEA OSG 1, c’est une bonne nouvelle pour la start-up, qui ne manque pas de projets dans le domaine du nettoyage spatial.

Astroscale est une start-up créée en 2013 par un entrepreneur japonais (Nobu Okada), avec comme objectif de commencer à « nettoyer » l’espace. Il faut dire que les débris sont de plus en plus nombreux et inquiètent les experts. Leur prolifération est importante : on dénombre désormais plus de 128 millions d’objets de 1 à 10 mm, 900 000 de 1 à 10 cm et 34 000 de plus de 10 cm.

Alors que revoilà le syndrome de Kessler 

Depuis le début de l’exploration spatiale, plus de 10 000 satellites ont été placés en orbite via plus de 6 000 lancements de fusées. Début 2021, plus de 6 000 satellites étaient toujours en orbite… pour seulement 3 400 encore en fonctionnement, soit un peu plus de la moitié. Les satellites « morts » représentent un risque important de collision, et donc de création de débris supplémentaire.

Le risque en trame de fond porte le nom de syndrome de Kessler, mis en images dans le film Gravity. ll prédit qu’au-delà d’une certaine limite (pas encore atteinte, fort heureusement), la densité des débris en orbite basse sera tellement importante qu’elle sera le point de départ d’une réaction en chaîne de collisions, entrainant donc plus de débris, eux-mêmes multipliant les collisions, etc.

Une solution simple sur le papier – mais bien plus difficile à mettre en place dans la pratique – serait de « nettoyer » l’espace. Si les acteurs prennent des mesures pour essayer de limiter les déchets et les risques d’impacts, tous les débris ne vont pas s’évacuer comme par magie dans les dizaines (centaines) d’années qui viennent. Astroscale apporte sa pierre à l’édifice avec son projet ELSA-d.

IDEA OSG 1 part en fumée, ELSA-d se place en orbite

La start-up avait déjà développé un premier prototype qui avait décollé en 2017 à bord d’une fusée Soyuz-2.1b depuis le cosmodrome de Vostochny. Hélas, cette mission s’est soldée par un cuisant échec pour les Russes, avec l’explosion de la fusée et donc la perte de l’ensemble des charges utiles. IDEA OSG 1 (pour In-situ Debris Environment Analysis) devait être « le premier satellite commercial de suivi d’une taille inférieure au millimètre », il rejoint le cimetière des satellites comme bien d’autres avant lui.

C’était un coup dur pour Astroscale, qui a néanmoins continué ses travaux. Il y a quelques jours, un autre prototype – ELSA-d pour End-of-Life Services by Astroscale-demonstration – décollait de nouveau à bord d’un lanceur Soyuz-2.1b. Aucune explosion n’est cette fois venue ternir l’horizon ; les travaux in situ peuvent désormais commencer. Pour ce galop d’essai, Astroscale a envoyé un module de récupération et son propre « débris » avec lui.

Astroscale

Astroscale joue au chat et à la souris dans l’espace

La mission ELSA-d est prévue pour se dérouler en sept phases, qui se termineront dans un panache de flammes lors d’un retour dans l’atmosphère de la Terre. Passons rapidement sur les deux premières étapes qui ne consistent qu’au lancement et à la mise en marche du satellite à 550 km d’altitude.

Pour comprendre la suite, il faut savoir qu’ELSA-d se compose de deux engins : un satellite « serveur » de 175 kg environ et un autre « client » de 17 kg seulement. Ils ont été lancés ensemble, accroché l’un à l’autre. Le second est la « réplique » d’un débris spatial, équipé d’une « plaque ferromagnétique permettant l’amarrage » sur le satellite serveur. Cette plaque dispose aussi de repères pour les opérations de guidages et de contrôle.

Durant la troisième phase, les opérations d’amarrage et désamarrage débuteront, avec plusieurs exercices basiques pour commencer. Avec la quatrième phase, les choses se corseront davantage puisque le satellite « client » tournera sur lui-même, comme pourrait le faire un engin spatial laissé à l’abandon ou hors de contrôle.

Durant la cinquième phase, le satellite « serveur » tournera autour de sa cible pour acquérir des informations sur son état et sa trajectoire afin de décider s’il est possible ou non de le capturer. Les deux dernières étapes consistent à remettre les deux satellites (client et serveur) sur une orbite contrôlée, de les faire descendre doucement vers l’atmosphère dans laquelle ils se désintégreront lors d’une rentrée contrôlée.

Astroscale

Équiper les satellites d’une plaque pour les récupérer plus tard

Astroscale espère ensuite vendre son système à des partenaires pour qu’ils équipent leurs satellites d’une plaque ferromagnétique. Selon la start-up, elle « facilite l'identification, l'approche, la capture et la désorbitation d'un satellite "mort", minimisant ainsi les coûts futurs de son désorbitage ». 

ELSA-d n’est donc pas une solution « universelle » pour régler les problèmes actuels, mais plutôt une assurance sur l’avenir afin de s’assurer qu’un désorbitage sera possible même si un satellite est en perdition. Il faudra que les fabricants de satellites sautent le pas… éventuellement « aidés » par une nouvelle réglementation plus stricte sur la gestion des débris spatiaux.

 

Active Debris Removal : une autre mission, lancement en 2023

En plus d’ELSA-d, Astroscale travaille avec l’Agence spatiale japonaise (JAXA) sur un autre projet : ADRAS-J pour Active Debris Removal by Astroscale-Japan. La société est « responsable de la fabrication, du lancement et des opérations du satellite » dont la mission sera de se rapprocher de l’étage supérieur de la fusée ayant servi à le mettre en orbite. ADRAS-J récupérera alors de nombreuses données, dont le but sera de mieux comprendre l'environnement des débris.

Pour cela, le module devra s’approcher à une centaine de mètres en prenant des photos de sa cible sous tous les angles. Ce programme correspond à la phase I du Commercial Removal of Debris Demonstration (CRD2) de l’Agence spatiale japonaise. Le lancement est prévu pour avril 2023. À partir de 2025 (ou plus tard), le second chevron s’engagera avec cette fois-ci la capture et la désorbitation de l’étage supérieur de la fusée. 

Astroscale travaille aussi sur un programme baptisé Life Extension (LEX), dont le but est d’assurer une maintenance (dans la limite du possible évidemment) dans l’espace. Ce n’est pas sans rappeler le MEV-1 de  Northrop Grumman qui a réalisé un amarrage historique à un autre satellite (IS-901) d’Intelsat afin de lui « redonner vie ».

Étant donné le coût de fabrication et de lancement d’un satellite, allonger sa durée de vie peut avoir un intérêt économique en plus de celui écologique.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Alors que revoilà le syndrome de Kessler 

IDEA OSG 1 part en fumée, ELSA-d se place en orbite

Astroscale joue au chat et à la souris dans l’espace

Équiper les satellites d’une plaque pour les récupérer plus tard

Active Debris Removal : une autre mission, lancement en 2023

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Commentaires (11)


Quand je pense que je galère à accrocher quelque chose dans KSP … :transpi:



J’aurai plus pensé à une sorte d’électro-aimant, qui attire le client vers lui, à sa périphérie et désactive le champ magnétique une fois que l’inertie est suffisante, pour envoyer le client dans l’espace.
Il n’aurait pas été récupérable mais ça aurait toujours été un débris en moins.



Mais c’est une approche qui reste intéressante.


En jouant à KSP, on apprend qu’un débris qu’on envoie “plus loin dans l’espace” reste un débris sur une autre orbite 😄 …
Mais ton idée est intéressante pour désorbiter des débris (légers) sur des orbites basses.


Au niveau des ordre de grandeur, on y est pas du tout, Si un électroaimant alimenté par de simple panneaux solaires suffisait à propulser hors de l’orbite terrestre, ça serait une sacré révolution dans le domaine du voyage spatial.


Uther

Au niveau des ordre de grandeur, on y est pas du tout, Si un électroaimant alimenté par de simple panneaux solaires suffisait à propulser hors de l’orbite terrestre, ça serait une sacré révolution dans le domaine du voyage spatial.


Ou une rencontre du 5ème type. :cap:



Arcy a dit:


Quand je pense que je galère à accrocher quelque chose dans KSP … :transpi:




Faut dire que le grappin se décroche vraiment facilement :craint:


“IDEA OSG 1 part en fumé
:perv:


Si on pouvait déployer autant d’argent et d’énergie pour nettoyer nos océans 😞



(Si c’est le cas, je suis preneur d’infos sur le sujet)


“Étant donné le coup

:heben:



Quemalta a dit:


“Étant donné le coup:heben:




Je pense que c’est plus drôle avec la phrase complète :
“Étant donné le coup de fabrication et de lancement d’un satellite, allonger sa durée de vie peut avoir un intérêt économique en plus de celui écologique.”


essayes avec “coût” ! :francais:


Super projet ! J’espère que ce sera une réussite, pas facile de faire une rencontre spatiale avec des débris !