elementary OS reviendra bientôt en version 6. Une mouture majeure, aux multiples améliorations et dont une bêta publique est disponible depuis peu. Plongeons dans cette distribution Linux moins connue que les Ubuntu, Fedora et autre Debian, qui se concentre sur la prise en main par les néophytes.
Qu’est-ce qu’elementary OS ? Une distribution Linux basée sur Ubuntu et focalisée sur la facilité d’utilisation. Elle est souvent connue pour son style s’inspirant de macOS, avec en particulier un Dock central. Si vous n’en avez jamais entendu parler, sachez qu’elle a pourtant fêté ses dix ans le 11 avril dernier.
Pour la petite histoire, il s'agissait initialement… d'un simple pack d’icônes. Extrêmement utilisé sur GNOME, son succès a été tel que Canonical en a dérivé son pack Humanity. Daniel Foré, créateur du pack, décide alors avec d’autres développeurs (notamment Cassidy Blaede) de se jetter à l’eau en créant une distribution complète.
Les grande lignes directrices sont alors jetées : proposer l’essentiel, sans fioritures, en gommant autant que possible les soucis éventuels de dépendances et orienter l’ergonomie vers des logiques simples à assimiler. Le nom du projet était tout trouvé. La première version, Jupiter, sort le 11 avril 2011.
Basée sur Ubuntu 10.10, elle est estampillée 0.1, pour bien signifier qu’il s’agit d’un gros travail en cours. Suivront des versions 0.2 (Luna) en août 2013, 0.3 (Freya) en avril 2015 et 0.4 (Loki) en septembre 2016. À compter de la mouture suivante, Juno, la nomenclature jusqu’alors utilisée est abandonnée. Les développeurs ont confiance : la version 0.5 sera une 5.0, basée sur Ubuntu 18.04. La dernière en date, Hera (5.1) est sortie en décembre 2019.
C’était peu dire que la suivante était attendue, notamment pour moderniser le socle technique, toujours branché sur Ubuntu 18.04. Avec elementary OS 6, l’équipe passe à Ubuntu 20.04, la dernière version LTS (Long Term Support) proposée par Canonical et dont le support court jusqu’en 2025. Nommée Odin, elle n’a pas encore de date de sortie mais une première bêta est disponible. Nous l'avons testée.
Avant de vous lancer dans la bêta d’elementary OS 6, soyez prévenus : cette préversion ne pourra pas être mise à jour vers la finale. L’avertissement est d’ailleurs affiché durant la phase d’installation, qui recommande de ne pas utiliser cette bêta sur une machine de production, un conseil valable pour tous les logiciels non finalisés.
Du nouvel installeur au nouvel accueil
Si la base d'elementary est Ubuntu, de nombreux composants techniques et d’applications sont issus de GNOME. L’équipe s’en sert uniquement de référence et adapte le tout à ses besoins. L'OS est ainsi fourni avec son propre environnement de bureau, baptisé Pantheon, toutes les versions du système portant des noms de divinités.
Avant la v6 finale, l’équipe prévoit au moins une seconde bêta et une Release Candidate, sans plus de précisions. Notez également que le système n’est pour l’instant disponible qu’en variante x86-64. Celle pour ARM et Raspberry Pi sont en pause du fait de changements profonds dans la nouvelle branche, sur lesquels nous reviendrons.
Il ne faut pas aller loin pour découvrir des nouveautés. L’ancien installeur était basé sur Ubiquity, celui d’Ubuntu. Canonical cherche à le remplacer, mais les développeurs d’elementary n’ont pas attendu et proposent donc un nouveau venu, en préparation depuis longtemps et pensé pour répondre aux besoins exprimés par l’équipe : écrit en Vala et proposant une ergonomie alignée sur les canons de la distribution.
Une partie de ce travail est d’ailleurs reprise par System76 pour sa propre distribution, Pop!_OS.
C’est de loin l’un des installeurs les plus simples que nous ayons pu voir dans une distribution Linux. Les questions sont réduites à l’essentiel : choix de la langue, type d’installation, sélection du stockage et activation optionnelle du chiffrement intégral. Après quoi la procédure commence, plus courte que sur les précédentes versions du système.
Le partitionnement est réalisé par GParted. On aurait aimé que ce temps soit mis à profit pour demander à l’utilisateur de créer son compte, à l’instar d’Ubuntu. Cette étape vous attendra après le redémarrage de la machine. Très vite, on se retrouve sur le bureau d’elementary OS 6, avec son ergonomie générale. Le Dock est toujours en bas, avec ses applications principales (vue multitâche, navigateur, client email, contacts, agenda…).
En haut, de gauche à droite, on a la grille et la recherche d’applications, l’heure et la date, ainsi que la zone de notifications, avec un accès rapide au volume, au type de connexion Internet et au menu d’alimentation.

Les personnes nouvellement venues seront peut-être surprises de ne pas trouver de gestionnaire de fichiers. L’optique d’elementary est en effet de passer d’abord par les applications, la production de fichiers étant presque un « effet secondaire ». Qu’elles se rassurent, le gestionnaire est bien là. Il suffit de cliquer sur Applications en haut à gauche pour afficher l’une des spécificités de cette distribution : la grille des applications, qui s’utilise presque comme un menu Démarrer. Fichiers se trouve au centre, et il est alors possible de le faire glisser dans le Dock.
Ce panneau sert à la fois à concentrer toutes les applications et à y faire des recherches, via le champ intégré. Contrairement à GNOME 40, il n’est pas (encore ?) possible de réarranger les icônes à l’intérieur. En revanche, le panneau dispose d’un deuxième mode d’affichage. Les applications seront alors classées par catégories, ce qui ne sera pas pour déplaire aux aficionados de Cinnamon (Linux Mint).
Au premier lancement, on est en outre reçus avec un panneau d’accueil rappelant qu’il s’agit d’une préversion et présentant les principales nouveautés.
Quoi de neuf pour les utilisateurs ?
Les habitués du système ne manqueront pas de noter çà et là de multiples changements. L’ensemble du style graphique est révisé, avec toujours cette idée d’offrir un élan de modernité. Pour la première fois, il est possible de définir une couleur d’accentuation qui sera utilisée à travers tout le système.
De fait, la configuration du Bureau depuis les paramètres rappelle beaucoup celui de macOS. Sous elementary OS, les utilisateurs pourront choisir entre les thèmes clair et sombre, l’éventuelle bascule automatique entre les deux en fonction de certains critères (dont les heures de coucher et lever du soleil), la fameuse couleur d’accentuation et la taille générale du texte. À noter une option dédiée aux personnes souffrant de dyslexie, qui épaissit le bas des lettres et augmente légèrement l’espacement.
Dans l’onglet Dock et panneau, on peut choisir des réglages classiques comme la taille des icônes dans le Dock. Le passage d’une fenêtre sur ce dernier permet de le masquer, une option bienvenue et inexistante sous macOS.
En revanche, l’onglet Multitâche renvoie à des comportements disponibles depuis longtemps dans le système d’Apple. Par exemple, les coins actifs, pour déclencher une action quand le curseur de la souris les touche (vue multitâche, menu Applications, maximiser la fenêtre actuelle…). C’est ici également que l’on trouve l’option – active par défaut – d'envoi d’une application dans un nouvel espace de travail quand on a la passe en plein écran.
À propos des espaces de travail, elementary travaille sur une base horizontale, la même qui a fait réagir lors du passage à GNOME 40. À la différence de ce dernier cependant, le système ne propose pas de vue miniature des espaces en haut de l’écran. Le défilement se fait au clavier ou à la molette, mais on aurait aimé une vue réduite permettant parfois de retrouver rapidement ce que l’on cherche.
Parmi les autres évolutions, signalons une réécriture complète du client mail, qui se sert désormais du serveur de données d’Evolution (EDS) plutôt que de Geary. D’ailleurs, l’ajout d’un compte nécessite l’installation d’Evolution depuis le dépôt Ubuntu, mais ce souci sera réglé dans la version définitive.
Le fameux gestionnaire de fichiers se dote d’une barre latérale qui le fait largement ressembler au Finder de macOS. Il change également de comportement par défaut : clic simple pour la navigation et double-clic pour ouvrir des fichiers. On peut revenir à l’ancien, d’autant qu’elementary se servait du simple clic depuis des années pour ouvrir les fichiers. Selon l’équipe, cette décision a été prise après de nombreuses discussions avec la communauté.
Le panneau des notifications est, lui aussi, entièrement revisité et se veut beaucoup plus clair. Autre changement important, l’intégration de LibHandy, qui sera chargé de nombreuses interactions, notamment tout ce qui touche au tactile. Car oui, elementary OS est aussi conçu pour les machines hybrides.
Centre d’applications : la grande bascule vers Flatpak
C’est l’un des plus gros changements d’elementary OS 6 : le Centre d’applications ne propose plus que des flatpaks. Le kit de développement est intégré au système et les développeurs sont invités à proposer leurs créations dans ce format, qui fournit pour rappel l’ensemble des dépendantes, entre autres spécificités.
Le cadriciel de publication est cependant toujours en développement, il faudra donc attendre avant de les proposer. La bascule est osée, mais puisque le format de paquet rencontre un succès grandissant (poussé notamment par Fedora), le changement pourrait être bénéfique pour elementary OS. Tout sera prêt d'ici à la version finale, et il vaudrait mieux, car le Centre d’applications est pour l’instant assez vide.
En effet, si la catégorie Internet propose des applications courantes comme Firefox et Thunderbird, d’autres sont tout simplement vides de tout prétendant. Dans Bureautique par exemple, on ne trouve ni LibreOffice ni même aucune suite. La situation s’améliorera bien sûr au cours des mois.
On attendra donc de voir comment la boutique – qui mélange applications libres et payantes - se remplira et à quel rythme les développeurs s’adapteront. En attendant, l’équipe recommande de se familiariser avec les mécanismes de Flatpak, dont le manifeste, et d’effectuer des tests locaux.
Sous le capot, de nombreuses évolutions de la plateforme
Les développeurs ont du travail avec le nouveau système, car l’équipe annonce d’emblée que de nombreux pans ont évolué. La modernisation des notifications passe ainsi par un nouveau serveur dont il faudra vérifier la compatibilité dans les applications. Lorsque l’écran passe en veille, la diffusion audio peut – enfin – se poursuivre.
Bien sûr, passer à une base Ubuntu 20.04 entraîne l’arrivée du noyau Linux 5.8. Même s’il ne s’agit pas d’une version très récente, les avantages en matière de support du matériel sont clairs.
Toutes les lignes directrices concernant l’interface ont été mises à jour et placées dans de nouveaux documents sur Gitbook. Là encore, l’équipe recommande chaudement aux développeurs de s’y référer. Par exemple, l’ajout d’un thème central offre de nouvelles capacités aux applications, qui pourront choisir de s’y référer ou pas. Elles pourront ainsi s’adapter automatiquement au réglage central défini par l’utilisateur. Si le thème sombre doit s’activer au coucher du soleil, les applications tierces suivront.
À destination toujours des développeurs, l’équipe d’elementary OS rappelle qu’une bêta signifie pour elle que les API proposées sont stables. Manque l’inévitable période de peaufinage, mais l’essentiel est là.
Nous suivrons de près l’avancée de cette v6 et vous tiendrons informés de son évolution. En l’état, la bêta intéressera surtout les développeurs. Côté utilisateurs, nous vous recommandons d’attendre la seconde, voire la Release Candidate pour se faire une idée du système, surtout si vous ne l’avez jamais testé.