Sur le même principe que les « numéros verts », qui se multiplient ces dernières années, la secrétaire d'État chargée de l'Éducation prioritaire veut que la consultation des « sites éducatifs » ne consomme pas le quota de données sur les forfaits Internet. Une déclaration qui soulève plusieurs questions.
En cette période de second confinement, les problématiques autour de l’éducation des enfants reviennent régulièrement sur le tapis. Si les écoles sont restées ouvertes cette fois-ci, parfois avec un mixte entre distanciel et présentiel pour les lycéens, l’utilisation des outils pédagogiques en ligne a toujours le vent en poupe.
Dans une interview accordée au Parisien sur un énième remaniement des Réseau d'Éducation Prioritaire (REP), la secrétaire d'État chargée de l'Éducation prioritaire, Nathalie Elimas, dévoile des mesures pour l’éducation en ligne.
Elle veut ainsi généraliser « avant la fin du mois » le service « "Devoirs faits à distance" pour permettre au plus grand nombre de bénéficier d'un service public d'aide aux devoirs en ligne, en dehors de l'école ». Elle souhaite aussi lancer un Bar « ou bureau d'aide rapide » pour permettre aux enseignants de répondre aux élèves à distance.
Alors que nos confrères demandent ce qu’il en est des familles « qui n'ont qu'un accès limité à Internet », la réponse de Nathalie Elimas pourrait surprendre certains : « On va faire en sorte que les sites éducatifs soient gratuits : le fait d'aller sur ces sites ne consommera pas leur forfait Internet, sur le modèle des "numéros verts" en téléphonie ».
Elle souhaite que cette mesure « très utile aux familles qui disposent de très petits forfaits » soit rapidement mise en place, « au plus tard à la rentrée prochaine ». De nombreuses questions sont soulevées par cette déclaration, à commencer par la définition précise de ce qu’englobe les « sites éducatifs ». Il faudra également voir si l’Arcep ne trouvera pas quelque chose à redire, notamment au niveau de la neutralité du Net.
On s’approche en effet du zero-rating, une pratique qui consiste « à ne pas décompter du forfait data du client final le volume de données consommé par une ou plusieurs applications particulières » selon la définition du régulateur des télécoms. Des FAI avaient déjà tenté l’expérience par le passé, comme YouTube en illimité chez SFR et Red.
Si l'intention est ici un peu plus louable, elle ne devrait pas moins être concernée. Cela semble néanmoins ne pas aller dans le sens de la fin des offres illimitées dans les offres fixes ou mobiles poussée récemment.
Pour rappel, la Cour de Justice de l’Union européenne s’était récemment penchée sur cette question : « Les exigences de protection des droits des utilisateurs d’Internet et de traitement non discriminatoire du trafic s’opposent à ce qu’un fournisseur d’accès à Internet privilégie certaines applications et certains services au moyen d’offres faisant bénéficier ces applications et services d’un « tarif nul » et soumettant l’utilisation des autres applications et services à des mesures de blocage ou de ralentissement ». Une décision qui avait été largement saluée.
Peu après la publication de notre article, Sébastien Soriano, actuel président de l'Arcep est intervenu pour indiquer que « les opérateurs télécoms sont très engagés pour apporter plus de forfait quand c’est nécessaire. S’il reste des difficultés, on doit pouvoir trouver des solutions pragmatiques dans le respect de la neutralité du réseau ».