Les pistes de sénateurs pour réduire l’empreinte environnementale du numérique

Une volée de bois vert
Droit 5 min
Les pistes de sénateurs pour réduire l’empreinte environnementale du numérique
Crédits : imaginima/iStock

La proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France a été déposée au Sénat. Elle prévoit une série de dispositions, parmi elles une lutte aiguisée contre l’obsolescence programmée, l’interdiction des forfaits illimités ou des vidéos automatiquement jouées.

Après un rapport publié au début de l'été, qui s'était déjà fait remarquer, les sénateurs Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegate et et Hervé Mauray jugent « urgent de se pencher sur la pollution engendrée par ce secteur du numérique ». À l’index, notamment la croissance exponentielle de la consommation des données mobiles en 4G. Mais le texte déposé hier au Sénat comprend de nombreuses dispositions.

Certaines veulent agir en amont. Par exemple, la proposition prévoit que les formations d’ingénieurs en informatique seraient à l’avenir enrichies « d’une attestation de compétences acquises en écoconception logicielle ». Plus tôt, dans les écoles, la formation des élèves comporterait « une sensibilisation à l’impact environnemental du numérique ainsi qu’un volet relatif à la sobriété numérique. »

Dans son volet fiscal, elle propose de créer un crédit d’impôt de 50 % des dépenses engagées notamment pour « l’acquisition d’équipements numériques reconditionnés, issus d’activités de préparation à la réutilisation et au réemploi ». L’article 14 envisage aussi de réduire le taux de TVA « sur la réparation de terminaux et l’acquisition d’objets électroniques reconditionnés pour limiter les achats neufs ».

L’idée ? Jouer sur le prix pour soutenir cette activité. Une proposition similaire, portée par une quarantaine de députés de la majorité, avait été retoquée en 2018 au nom du « principe de neutralité fiscale ». Elle était même jugée « coûteuse pour les finances publiques au regard des biens concernés » sans pour autant d'« effet sur le prix supporté par le consommateur, les marges étant fixées librement par les opérateurs économiques ».

Le gouvernement y sera-t-il plus sensible cette fois ?

La loi sur l’obsolescence reprogrammée

L’article 6 du texte veut renverser la charge de la preuve en matière d’obsolescence programmée pour les équipements numériques. Avec cette astuce, « il incomberait désormais au producteur – et non plus au consommateur – de prouver que la réduction de la durée de vie du terminal n’est pas délibérée et qu’elle découle d’éléments objectifs étrangers à toute stratégie d’augmentation du taux de remplacement ».

Ce levier permettrait ainsi de plus facilement inciter les producteurs à concevoir des biens dans la durée. Une autre disposition intègre cette fois l’obsolescence logicielle dans la définition de l’obsolescence programmée. D’ailleurs, l’article 8 compte obliger les vendeurs à dissocier cette fois les mises à jour de sécurité des autres.

Et la durée durant laquelle le même consommateur pourrait recevoir « des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ses biens » serait portée de 2 à 5 ans. Inversement, un consommateur devrait pouvoir revenir sur les versions installées pour rétablir une version plus ancienne. Le texte ne distingue pas cependant entre les mises à jour de sécurité et celles relatives aux fonctionnalités.

Ce n’est pas tout puisque la proposition de loi étend aussi la durée de garantie légale de conformité de 2 à 5 ans, du moins pour les seuls équipements numériques.

Achats publics, fin des abonnements illimités

Le texte veut également toucher aux règles relatives aux achats publics. À compter du 1er janvier 2021, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements devraient favoriser « les biens dont l’indice de réparabilité (…) est supérieur à un certain seuil défini par décret ». En 2024, cette règle serait étendue à l’indice cette fois de durabilité.

D’autres mesures touchent cette fois aux prix des abonnements. « Dès lors qu’une offre de téléphonie mobile intègre un accès mobile à Internet, sa facture comprend un montant calculé en fonction du volume de données fixé par l’offre et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service ». En somme, cette disposition interdirait les forfaits mobiles avec un accès aux données illimitées, en contraignant les opérateurs à facturer pour partie le volume de données.

« Cette mesure vise à limiter la croissance de la consommation de données mobiles, qui devrait induire, dans les années à venir et dans le contexte du déploiement de la 5G, une augmentation des consommations des réseaux » indiquent les parlementaires. « Elle permettrait d’inciter les consommateurs à privilégier une connexion Wifi via les réseaux fixes, moins énergivores ». Nous avions déjà évoqué le sujet en juin à la publication du rapport sénatorial.

Écoconception des sites, définition et lecture des vidéos

Le concept d’écoconception est étendu au Web, du moins aux sites publics mais aussi aux sites privés dont le chiffre d’affaires excéderait un seuil défini par décret en Conseil d’État.

Il reviendrait à un décret pris après avis de l’Arcep de préciser ces règles, mais la proposition de loi prévoit déjà des sanctions financières (3 % du chiffre d’affaires HT, voire 5 % en cas de récidive), voire allant jusqu’à la fermeture du site « jusqu’à ce que des actions visant à remédier au manquement aient été engagées ».

Retenons enfin l’article 18, qui s’adresse à l’ensemble des services de médias audiovisuels à la demande. Ces sites de vidéo en ligne se voient contraints de s’assurer « que la qualité de visionnage des vidéos n’excède pas la résolution maximale des équipements numériques utilisés par les utilisateurs de ces services ».

Tous les sites web auraient l’interdiction de charger et lancer automatiquement des vidéos. Une exception est prévue pour les services de médias audiovisuels à la demande et pour les sites de partages comme YouTube. Mais seulement « sous réserve que l’utilisateur puisse librement activer et désactiver la fonctionnalité de chargement et de lecture automatique, et que cette fonctionnalité soit désactivée par défaut ».

D’autres mesures sont programmées, notamment celles consistant à interdire les sites usant du défilement infini. « Une pratique consommatrice de données et soulevant de nombreuses questions en termes de captation de l’attention des utilisateurs » dénoncent les auteurs de la proposition de loi.

Des fréquences refusées pour motif environnemental

Les derniers articles concernent notamment les opérateurs de réseaux. Ils prendraient des engagements pluriannuels pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et autres consommations énergétiques :

« Ces engagements incluent une planification de l’extinction progressive d’anciennes générations de réseaux de communications électroniques, sans préjudice des engagements souscrits par les opérateurs afin de contribuer à l’aménagement et à la couverture numérique des zones peu denses du territoire. »

Enfin, l’article 24 autorise l’ARCEP à refuser l’attribution de fréquences aux opérateurs peu soucieux de la préservation de l’environnement. Là aussi sans plus de détails sur cette notion pour le moment.

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