Dans le cadre du projet de loi sur l’audiovisuel, plusieurs députés veulent revoir le régime de la copie privée en France. Le projet, qui n’a que peu de chance de passer tant l’industrie culturelle tient à cette manne, a le mérite de rappeler les spécificités de cette exception à la française.
Surprise ! Le sujet de la copie privée s’invite dans le projet de loi examiné cette semaine en commission à l’Assemblée nationale.
Cette redevance leur rapporte chaque année plus de 270 millions d’euros puisque cette compensation est prélevée et redistribuée dans ce seul univers. 25 % des sommes collectées sont utilisées par les sociétés de gestion collective pour financer les festivals et autres manifestations culturelles, les 75 % restants étant répartis entre les titulaires de droits, après ponction des inévitables frais administratifs.
La France est toutefois le pays où le régime est le plus généreux. Comprendre, où les taux de prélèvement sont les plus importants. Comme expliqué en détail dans le numéro 1 de notre magazine, cela tient notamment à la composition même de l’instance chargée d’établir ces variables (assiettes et taux).
On y trouve certes 6 représentants des consommateurs et 6 autres représentants des importateurs et fabricants, mais surtout 12 représentants des ayants droit (SACEM, SACD, SPPF, SCPP, Adami, Spedidam, etc., via la société civile Copie France).
Ces 12 sont donc en position de force pour faire adopter « leurs » barèmes et fixer les sommes qu’ils vont eux-mêmes percevoir. Il suffit qu’une voix supplémentaire vienne gonfler leur vote, par exemple celle du président de la commission, pour qu’ils soient assurés d’arriver à leurs fins.
La structure décisionnaire a régulièrement été mise à l’index, aussi bien dans le rapport de Christine Maugüe que dans celui du député Marcel Rogemont. L’un et l’autre en 2015 plaidaient pour que les études d’usages, celles qui jaugent des pratiques de copie privée d’un panel avant d’enclencher le vote, soient confiées à une entité externe (un collège d’experts indépendants ou une autorité administrative indépendante).
Ces préconisations sont néanmoins restées lettre morte. Ainsi, ces études d’usages, pierres angulaires du système, restent gérées au sein de la commission, et aujourd’hui comme autrefois, financées par les sociétés de gestion collective.
Dans le cadre des débats autour du projet de loi sur l’audiovisuel, plusieurs députés s’émeuvent de cette situation.
Des barèmes fixés par le Premier ministre
Avec l’amendement AC48 ou AC407 (identiques), des députés LR veulent ainsi que le montant de la redevance sur les supports d’enregistrement soit fixé non plus par cette instance administrative, mais par arrêté du Premier ministre. Ce texte déterminerait également les types de supports et les modalités de versement.
La Commission Copie privée persisterait, mais avec un rôle purement consultatif. Elle serait composé non plus de 12 ayants droit, 6 industriels et 6 consommateurs, mais par 8 représentants de chacun de ces collèges. « La Commission chargée d’établir le montant de la rémunération pour Copie Privée, assure Virginie Duby-Muller, connait d’importants dysfonctionnements structurels depuis de nombreuses années. En dépit des précédents rapports parlementaires, son fonctionnement n’a que peu évolué ».
Ces amendements identiques proposent donc de rétablir « une objectivité réelle dans la détermination des barèmes, en confiant au Premier Ministre le soin de les établir ».
Les groupes de travail soumis à une obligation de transparence
Cette rustine parlementaire envisage aussi d’assurer une plus grande transparence des débats. Ainsi, elle voudrait que les comptes rendus des groupes de travail soient à l’avenir « rendus publics ».
Aujourd’hui, seuls les examens en séance font l’objet de tels comptes rendus, parfois plusieurs mois après les réunions correspondantes. Des groupes de travail ont toutefois été constitués pour arbitrer les débats sensibles, loin des yeux des citoyens et des redevables puisqu’ils ne sont pas soumis à une obligation de transparence.
En novembre dernier, par exemple, Marc Guez, l’un des représentants de Copie France, a plaidé pour la formation d’un tel groupe « afin de réfléchir à l’élaboration d’un cahier des charges » relatif à l’assujettissement des disques durs internes et autres ordinateurs fixes. Et c’est ce qu’il s’est passé par la suite.
Un fromage partagé aussi avec les chaînes de TV et les radios
Dans l’amendement AC719, Constance Le Grip (LR) souhaite avec d’autres collègues du groupe faire entrer les chaînes de télévision et les éditeurs de radio dans la liste des bénéficiaires de la redevance, « au même titre que les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes depuis 1985 ».
Cette entrée permettrait de mettre plus de monde autour de la table pour se partager le gâteau. La même députée entend toutefois soumettre à autorisation préalable, la reprise notamment par les plateformes de leurs contenus qui « monétisent ces flux et en tirent profit ».