Les députés ont adopté hier différents amendements censés inciter les Français à opter pour des produits issus de l'économie circulaire. La durée de la garantie légale de conformité pour les biens achetés d’occasion devrait par exemple passer à un an, contre six mois aujourd’hui.
L’examen du projet de loi « anti-gaspillage » s’est poursuivi hier, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, avec l’adoption de plusieurs articles relatifs à la réparation des produits.
En réponse aux pratiques de certains fabricants, notamment de smartphones, dont les batteries ou composants-clés sont impossibles à changer, les députés ont approuvé l’interdiction de « toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil hors de ses circuits agréés ».
Cette mesure, introduite par le Sénat, s’accompagne de sanctions calquées sur celles applicables au délit d’obsolescence programmée (en vigueur depuis 2015) : deux ans de prison et 300 000 euros d’amende. Des dérogations pourront néanmoins être prévues, par arrêté ministériel, d’une part pour certains « produits », et d’autre part en cas de « motifs légitimes » (sécurité, santé des utilisateurs...).
Des mesures pour favoriser la réparation, par les professionnels comme les particuliers
Pour faciliter le travail des réparateurs indépendants, il a été précisé que tout accord ou pratique « ayant pour objet de limiter l’accès d’un professionnel de la réparation aux pièces détachées, modes d’emploi, informations techniques ou à tout autre instrument, équipement ou logiciel permettant la réparation des produits » serait également interdite (et passible de deux ans de prison et 300 000 euros d’amende).
Alors que plusieurs députés souhaitaient favoriser l’auto-réparation, c’est-à-dire directement par les particuliers, la majorité s’est rabattue sur un amendement de la rapporteure, Véronique Riotton. L’idée ? Inciter les fabricants à concevoir des produits réparables, en prévoyant une absence de responsabilité si la réparation tourne mal.
« L’amendement s’adresse aux fabricants, a expliqué l’élue LREM : s’ils écoconçoivent des produits réparables et s’ils transmettent les consignes de réparation aux consommateurs, ils ne pourront être tenus pour responsables d’un dommage consécutif à une maladresse ou à un non-respect des consignes. C’est une incitation majeure pour que les fabricants proposent des produits simples et réparables. »
Ce qui n’a pas manqué de faire réagir différents parlementaires, dont le communiste André Chassaigne. « J’ai l’impression de contempler la hotte du Père Noël dans un conte, ou de me trouver au pays des Bisounours ! » Et ce dernier d’ironiser : « Vous y croyez vraiment ? »
Barbara Pompili, la présidente de la commission du développement durable a alors rétorqué qu’il s’agissait d’un « puissant levier pour favoriser l’autoréparation » : « Le fabricant sera tenu pour responsable si un particulier rencontre un problème en tâchant de réparer lui-même son produit sans avoir accès à l’ensemble des informations requises. Si le fabricant ne prévoit pas la mise à disposition des consignes adéquates, il prend un gros risque. Dans le cas contraire, la loi le protège. »
Pas d’initiation obligatoire des collégiens à la réparation
Toujours afin de favoriser les réparations, les sénateurs avaient souhaité que les collégiens bénéficie d'une initiation « aux techniques de réparation, de mécanique et d’entretien des produits ». Cette mesure, maintenue en commission, a cependant été supprimée hier.
« Il faut faire confiance aux acteurs de l’éducation nationale et résister à la tentation de vouloir imposer par la loi toute une série de dispositions qui contraindraient excessivement les programmes scolaires », s’est justifiée la rapporteure, Véronique Riotton. Et pour cause : le Code de l’éducation prévoit d’ores et déjà que les élèves soient sensibilisés, dès le primaire, « aux enjeux environnementaux et à la transition écologique ».
Un petit pas en faveur de l'impression 3D, pour les pièces indisponibles
Les députés ont également procédé à un important détricotage des dispositions imposant aux fabricants de dévoiler leurs plans d’impression 3D de certaines pièces (indispensables à l’utilisation d’un produit mais n’étant plus disponibles sur le marché), une nouvelle fois sous l’impulsion de la rapporteure, Véronique Riotton.
« L’impression en 3D est fondamentale », a soutenu Brune Poirson, la secrétaire d’État en charge de la Transition écologique. Avant de nuancer : « Il faut permettre son développement et, en même temps, ne pas léser les droits de propriété intellectuelle. »
À cette fin, la majorité a élaboré un dispositif activable uniquement à condition de respecter les conditions suivantes :
- Que le produit à réparer appartienne à une catégorie de biens, dont la liste sera fixée ultérieurement, par décret.
- Que la pièce détachée soit « indispensable à l’utilisation » du produit et ne soit « plus disponible sur le marché ».
- Qu’une demande soit faite, de la part d’un vendeur professionnel ou d’un réparateur, agréé ou non.
- Que l’éventuel détenteur de droits de propriété intellectuelle donne son accord.
Si ces conditions sont réunies, alors le fabricant devrait fournir le « plan de fabrication » de la pièce détachée « ou, à défaut, les informations techniques utiles à l’élaboration de ce plan dont le fabricant dispose ».
La garantie légale de conformité doublée pour les biens d'occasion
Toujours afin d’inciter les consommateurs à éviter les produits neufs, les députés ont adopté un amendement doublant la durée de la garantie légale de conformité pour les biens d’occasion. Et achetés dans le commerce, bien entendu, à l'image d'un smartphone reconditionné.
Aujourd’hui, si un défaut apparaît dans un délai de six mois (ou vingt-quatre mois pour les produits neufs), celui-ci est considéré comme existant au moment de la vente. L’intérêt ? Permettre au client de se retourner vers le vendeur, afin d’obtenir la réparation de l’appareil, son remplacement ou son remboursement, sans avoir d’autre chose à démontrer que l’existence du problème (défaut de fabrication, mauvais assemblage, etc.).
Le vendeur peut contester, mais doit apporter la preuve que le défaut est apparu après la vente, du fait de l’acheteur. Typiquement, en démontrant que le client a eu une mauvaise utilisation du produit : un téléphone qui ne fonctionne plus parce qu’il a subi de nombreux chocs, etc.
Cette protection n’est donc pas une garantie absolue pour le consommateur. Mais durant cette période de protection, c’est toujours au vendeur de prendre en charge le coût de la démonstration – qui est bien souvent le nerf de la guerre pour des biens d’une valeur faible ou modérée.
Avec cette réforme, portée notamment par Aude Luquet (Modem), la garantie légale de conformité prévaudrait donc pendant douze mois, pour les produits d’occasion. Les députés entendent ainsi rassurer les consommateurs, afin qu’ils privilégient l’occasion au neuf.
De nouvelles extensions de garantie pour éviter les remplacements à neuf
Les élus du Palais Bourbon ont également approuvé un autre dispositif, au cas justement où un défaut de conformité conduirait un consommateur à se retourner vers le SAV (que le produit soit neuf ou d’occasion). Bien souvent, la réparation coûtant plus cher qu’un remplacement, les vendeurs imposent cette seconde option à leurs clients.
Les députés ont donc souhaité qu’en cas de réparation, la garantie légale de conformité soit étendue de six mois. Et surtout, dans l’hypothèse où le vendeur refuserait de procéder à la réparation, contre l’avis du client, un renouvellement intégral de la garantie serait de mise.
La durée de garantie précisée sur les factures et tickets de caisse
Alors que certains consommateurs optent pour des garanties commerciales parfois redondantes au regard des protections offertes par la garantie légale de conformité, les députés ont décidé que les vendeurs devraient informer leurs clients quant à « l’existence et la durée de la garantie légale de conformité ». Et ce pour les biens neufs comme d’occasion.
Cette information figurera sur le « document de facturation remis au consommateur » (ticket de caisse ou facture), sous peine de 15 000 euros d’amende. Cette obligation ne prévaudra cependant que pour « certaines catégories de biens », dont la liste sera fixée ultérieurement, par décret.
Pas de TVA réduite pour les activités de réparation électronique
Notons enfin que l’Assemblée nationale a rejeté la proposition, portée par l’ex-élue socialiste Delphine Batho, de faire profiter les « services de réparation des appareils électroménagers et électroniques » d’un taux réduit de TVA, à titre expérimental.
Sur le banc du gouvernement, Brune Poirson a expliqué que les baisses de TVA ne provoquaient « pas nécessairement les meilleurs changements de comportement, parce qu’elles ne sont pas toujours répercutées sur le consommateur final – tel a été le cas de la baisse de la TVA sur la restauration ».
La majorité préfère ainsi jouer sur la modulation des éco-contributions, « jusqu’à 20 % du prix final ». D'après la secrétaire d’État à la Transition écologique, « c’est un signal-prix important, susceptible d’avoir un véritable effet sur le consommateur : à l’évidence, ce dernier achètera, plutôt qu’une bouteille de shampooing plus chère parce que peu respectueuse de l’environnement, une autre, rendue moins chère parce que plus respectueuse de l’environnement. »
« La mesure que je vous propose ne comporte aucun risque d’effet d’aubaine », a vainement assuré Delphine Batho, avant d’ajouter que la « convention citoyenne » sur le climat voulue par Emmanuel Macron pourrait reprendre prochainement cette proposition.
Les débats sur le projet de loi « anti-gaspillage » doivent durer jusqu’au vendredi 20 décembre. Le gouvernement ayant enclenché la procédure accélérée, députés et sénateurs se réuniront au sein d’une commission mixte paritaire, à l’issue de cette première lecture, en vue de trouver un compromis. Faute de quoi, le dernier mot sera donné à l’Assemblée.