Cause probable de l'accident mortel Uber : tout le monde en prend pour son grade

Sauf le vélo, il n'y est pour rien !
Tech 7 min
Cause probable de l'accident mortel Uber : tout le monde en prend pour son grade
Crédits : NTSB

Pour le NTSB, la cause probable de l'accident mortel impliquant une voiture autonome Uber est le manque d'attention de l'opérateur derrière le volant, notamment rendu possible par une « surveillance inefficace des conducteurs » de la part d'Uber. Le comportement du piéton, l'État d'Arizona et le NHTSA sont également cités dans le rapport.

Il est enfin là. 20 mois après l'accident mortel impliquant une voiture autonome Uber (a priori le premier du genre), le NTSB vient de rendre son verdict sur la « cause probable » de cette collision. Selon le régulateur, elle est la conséquence de « l’incapacité du conducteur du véhicule à surveiller l’environnement de conduite et le fonctionnement du système de conduite automatisé ».

« Si la conductrice du véhicule avait été attentive »...

Sans la citer nommément, il est donc question de Rafaela Vasquez, qui « était distraite visuellement par son téléphone portable durant le trajet », ajoute le Conseil national de la sécurité des transports : « Si la conductrice du véhicule avait été attentive, elle aurait probablement eu suffisamment de temps pour détecter le piéton et réagir afin d'éviter l'accident, ou atténuer l'impact ».

Mais elle n'est pas la seule mise en cause puisque le régulateur dénonce l'attitude globale d'Uber sur la question de la sécurité durant les expérimentations : « Cette collision était le dernier maillon d'une longue chaîne d'actions et de décisions prises par une organisation qui, malheureusement, n'a pas fait de la sécurité sa priorité absolue », lâche Robert L. Sumwalt, président du National Transportation Safety Board.

Le rapport détaillé permet d'en apprendre davantage sur ce point, mais aussi de revenir sur d'autres éléments ayant conduit à l'accident. Sont notamment pointés du doigt, l'État d'Arizona, le NTHSA et le comportement du piéton alors qu'il traversait les voies. Enfin, le NTSB émet une série de recommandations adressées à tous les maillons impliqués dans l'accident.

« Culture de la sécurité inadéquate » chez Uber

Si la cause probable de l'accident est l'inattention de la conductrice qui était chargée de surveiller la route et le pilote automatique, le NTSB ne laisse pas Uber s'en tirer à si bon compte. Pour le régulateur américain, la société a sa part de responsabilité car elle avait mis en place une « surveillance inefficace des conducteurs » et n'avait développé « aucun mécanisme adéquat afin de prendre en compte le manque de vigilance des opérateurs de conduite ».

Ces manquements sont la conséquence d'une « culture de la sécurité inadéquate », ajoute le NTSB ; les mots sont forts. Le rapport affirme néanmoins que, depuis, des changements ont été mis en place « dans les domaines organisationnels, opérationnels et techniques », mais trop tard pour Elaine Herzberg. Impossible de dire s'ils auraient permis de changer la donne le 18 mars 2018. Pour rappel, les voitures autonomes Uber sont restées plusieurs mois au garage après l'accident mortel, avant d'obtenir l'autorisation de revenir sur les routes à partir de décembre 2018.

Tesla avait aussi été épinglé par le régulateur après un accident mortel d'une de ses voitures, alors que le pilote automatique était engagé et que le conducteur n'était visiblement pas attentif à la route : « le design opérationnel a contribué à l'excès de confiance du conducteur envers le pilote automatique, ce qui lui a permis de se désintéresser de manière prolongée de la conduite et d'utiliser ainsi le pilote automatique de manière incompatible avec les conseils et recommandations du fabricant ». Tesla avait apporté des changements suite à cet accident. 

Piéton, Arizona et NHTSA :  le NTSB distribue les mauvais points

D'autres facteurs ayant contribué à l'accident sont mis en avant dans le rapport : la topologie du terre-plein central, qui a d'ailleurs été revue depuis. Dans un précédent rapport, le NTSB expliquait que la ville de Tempe a procédé à des changements : « les zones pavées au milieu de l'avenue North Mill ont été enlevées » et elles sont désormais recouvertes de pierres et de végétation. De plus, des panneaux précisent désormais qu'il est interdit aux piétons de traverser les voies de circulation à cet endroit et indiquent la position d'un passage pour les piétons à proximité.

Ce n'est pas tout, le rapport pointe aussi « le comportement du piéton au moment de l'accident, combiné à une traversée des voies en dehors d'un passage clouté ». En effet, « des tests toxicologiques de son sang ont révélé la présence de drogues susceptibles de nuire à sa perception et à son jugement ». Elle traversait pour rappel la route à pied (avec son vélo à la main) dans une zone peu éclairée et en dehors d'un passage prévu pour les piétons. La police locale avait rapidement publié les vidéos de l'accident (caméra intérieure et extérieure)

Uber Tempe accident mortelUber Tempe accident mortel

Le rapport reproche aussi au département des Transports de l'Arizona de ne pas avoir suffisamment encadré et surveillé les tests des fabricants de voitures autonomes. Il s'attaque aussi au National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) qui n'a fourni aucun « moyen d’évaluer un système de conduite automatisé » (ADS ou Automated Driving System dans la langue de Shakespeare), malgré la mise en ligne de trois versions de sa politique relative aux véhicules automatisés.

Ainsi, « l'absence de règles de sécurité et de directives détaillées a incité certains États à élaborer leurs propres exigences en matière de test automatisé des véhicules ».

Le déroulement des faits vu par l'ordinateur de bord

Avant de rendre son verdict, le NTSB avait mis en ligne 43 documents pour un total de 439 pages, dont le « Vehicle Automation Report » donnant de précieux détails sur la chronologie des faits avant l'impact. On y apprend que la voiture avait détecté le piéton 5,6 secondes avant l'accident... mais sans le classer comme tel.

En effet, « le système n'a jamais classé [Elaine Herzberg] comme piéton ni prédit correctement sa trajectoire en tant que piéton ou cycliste piétonnier – parce qu’elle traversait l’avenue en dehors des passages cloutés [...]. La conception du système n'incluait pas la prise en compte des piétons traversant en dehors des passages ». Au final, la voiture n'avait pas été en mesure de prédire le risque de collision que 1,2 seconde avant l'impact. 

Il n'était alors pas question de déterminer la cause probable de l'accident, mais simplement de préciser le déroulement des faits. On y apprenait aussi que la conductrice n'avait donné un coup de volant, désengageant le pilote automatique, que 0,02 seconde avant l'impact et n'appuyait sur les freins que 0,7 seconde après l'accident. 

Dans le communiqué sur la cause probable de l'accident, la « bêtise » du pilote automatique n'est pas mentionnée. 

Uber accident mortel NTSB

Les six recommandations pour éviter un nouveau drame

Le NTSB émet ensuite une série de recommandations visant directement des entités précises. Tout d'abord l'agence fédérale du NHTSA devrait « exiger » (et non plus seulement demander sur la base du volontariat) des sociétés procédant à des tests de voitures autonomes ou ayant l'intention de le faire, de lui « soumettre un rapport d'auto-évaluation sur la sécurité ». 

Elle devrait également établir un « processus d'évaluation continue » concernant ces fameux « rapports d'auto-évaluation ». Objectif : « déterminer si les plans prévoient des garanties appropriées pour tester un système de conduite automatisé sur la voie publique, y compris une surveillance adéquate de l'attention de l'opérateur du véhicule ». Le manque de concentration de l'opérateur étant pour rappel la cause probable de l'accident, selon le régulateur. 

Deux recommandations également pour l'État de l'Arizona. Il devrait « exiger » des développeurs qu'ils « décrivent au minimum un plan de gestion des risques liés aux accidents et au manque de vigilance de l'opérateur, et aussi établir des contre-mesures pour prévenir ou réduire la gravité des accidents ». Dans le cas d'Uber, les systèmes d'alerte de collision et de freinage d'urgence installée par défaut par Volvo avaient été désactivés par exemple.

L'Arizona devrait également mettre sur pied un groupe de travail composé d'experts chargés d'évaluer les systèmes de protection, avant de délivrer une autorisation. Le NTSB demande au passage à l'American Association of Motor Vehicle Administrators (AAMV) d'informer tous les autres États des circonstances précises de l'accident mortel de Tempe, et de les inciter à mettre en place la même procédure avant de délivrer une autorisation. 

Enfin, la dernière recommandation est adressée à Uber : renforcer son système de gestion de la sécurité pour les systèmes de conduite automatisée. Au minimum, il devrait être question d'une politique, d'une gestion des risques, d'une garantie et d'une promotion (pour les chauffeurs par exemple) de la sécurité.

Un rapport plus complet sera publié dans les prochaines semaines. 

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