Des propos sur Facebook peuvent être utilisés par le ministère de l’Intérieur pour refuser le renouvellement d’un titre de séjour. C’est ce qu’a appris à ses dépens un Marocain de 31 ans, représentant aux yeux des services du renseignement une menace « très grave pour l’ordre public ».
Une nouvelle fois la justice tient compte des activités sur le réseau social avant de prendre une décision, témoignage de l’importance et de la sensibilité de ces sources ouvertes.
En l’espèce, le 10 juillet 2018, le préfet de police avait refusé de renouveler le titre de séjour d’un certain M. B... Il l’obligeait à quitter le territoire dans un délai d’un mois. L’intéressé avait cependant attaqué en annulation cet arrêté. En novembre 2018, le tribunal administratif de Paris rejeta sa demande. Il fit appel.
Dans l’arrêt rendu le 12 juillet dernier par la cour d’appel de Paris, on découvre que l’intéressé s’est vu refuser ce titre suite à une enquête des services spécialisés du renseignement qui ont tiré la sonnette d’alarme à raison « de son comportement et de ses propos et écrits ».
« Un discours anti-occidental, complotiste et dirigé contre la société française »
Et ce sont notamment ses activités sur les réseaux sociaux qui ont pesé dans la balance. Dans les pièces produites devant les juges, il ressort que « les publications de l'intéressé sur son compte Facebook, compte par lequel il est affilié à un nombre important de personnes appartenant à la mouvance islamiste radicale, révèlent de la part de l'intéressé un discours anti-occidental, complotiste et dirigé contre la société française » notent les juges d’appel.
Autres éléments à charge, une publication du 15 janvier 2018 où se retrouvaient sur le même service en ligne « la photographie d'une arme de poing » et « des photographies de femmes prises à leur insu dans les transports en commun ou dans l'espace public ».
Ces activités ne sont pas les seules à avoir été prises en compte. La commission du titre du séjour avait elle-même émis un avis défavorable au renouvellement de son titre à raison « de la dangerosité potentielle de M. B... et les risques d'atteintes graves à l'ordre public ». Préalablement, l’intéressé avait été interpellé « en 2010 pour des faits de violences volontaires aggravées et en 2012 pour la possession d'une arme prohibée de 6e catégorie » (une arme blanche).
La cour administrative d’appel a donc jugé souverainement que « la réalité de la menace à l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français est établie ». Elle a au surplus estimé que si son père, son demi-frère et sa demi-sœur vivent en France, il est en rupture avec ces personnes. Il n’a pas d’enfant et est hébergé par des tiers. Au Maroc, « résident sa mère et son frère ». Du coup, M.B… « n'est pas fondé à se prévaloir de sa vie familiale en France à l'encontre de l'arrêté contesté ».
Quand la justice s'appuie sur un « like » sur Facebook...
Ce n’est pas la première fois que les juridictions administratives scrutent les réseaux sociaux avant de rendre une décision. Lors de l’état d’urgence, le tribunal de Nice avait par exemple tenu compte de captures d’écran laissant penser qu’un homme « a consulté des sites favorables à l’État islamique et à d’autres organisations terroristes », en fait des groupes auxquels il a adhéré.
Préalablement, le préfet avait déduit de plusieurs « likes » sa potentielle dangerosité pour ordonner une perquisition administrative de celui qui avait déjà été condamné en correctionnelle pour apologie du terrorisme. Des activités qui laissent « penser que son comportement était susceptible, à la date de la perquisition, de constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics » résumait la juridiction ce 7 janvier 2017.
Elle avait au passage pointé que « les résultats infructueux de la perquisition ne démontrent pas, par eux-mêmes, le caractère non nécessaire de la mesure et sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ».
En 2017 toujours, le tribunal correctionnel de Meaux avait condamné un homme pour un « like » sous une photo d’un combattant de Daesh brandissant la tête d’une femme décapitée.
La même année, le tribunal de district de Zurich (Suisse) avait pour sa part condamné un internaute pour avoir aimé plusieurs commentaires diffamatoires à l’encontre du président d’une association de protection des animaux.
...mais refuse de tenir compte des liens « d'amitié »
Dans un arrêt du 5 janvier 2017, la Cour de cassation a au contraire estimé que des liens d’ « amitié » sur Facebook sont insuffisants pour justifier la récusation de membres de la formation de jugement du Conseil de l’ordre des avocats. « Le terme d’ "ami" employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme » insistait la haute juridiction. Ainsi, « l’existence de contacts entre ces différentes personnes par l’intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière ».