Mise en ligne du détail des frais de mandat des parlementaires et des agendas des responsables publics, recentrage du registre numérique de lobbyistes... La Haute Autorité pour la transparence profite de son dernier rapport d’activité pour décrier certains dispositifs en vigueur et formuler différentes propositions. Au risque de faire grincer des dents.
« Le « moment déontologique » que connait la France depuis quelques années ne doit pas retomber » prévient Jean-Louis Nadal, le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), en préambule du rapport d’activité 2017 de l’institution, dévoilé jeudi 24 mai.
Les affaires Cahuzac, Fillon ou Urvoas ont certes conduit le législateur à introduire différentes réformes (déclarations d’intérêts pour les responsables publics, registre numérique de lobbyistes, suppression de la réserve parlementaire, etc.), mais de nombreux points restent à améliorer selon l’autorité administrative indépendante.
L’institution réclame plus de transparence sur les frais de mandat des parlementaires
La HATVP étrille ainsi les lacunes des récentes lois sur la confiance dans la vie politique. Si ces textes ont conduit au remplacement de l’IRFM (la fameuse indemnité allouée aux députés et sénateurs pour leurs frais professionnels) par un dispositif de remboursement sur justificatifs, la Haute Autorité regrette que l’usage de ces deniers – avoisinant les 5 000 euros mensuels par élu – ne soit « pas plus transparent dans le nouveau système que dans l’ancien ».
L’institution rappelle que lors de ses contrôles portant sur la variation de patrimoine de certains parlementaires, elle s’était aperçue que « l’IRFM avait contribué, dans certains cas, à un accroissement sensible du patrimoine selon divers canaux : acquisition de permanences via le remboursement d’emprunts avec l’IRFM, financement de biens immobiliers privés, placement dans des instruments financiers rémunérateurs, etc. »
La « définition des frais imputables et la possibilité d’un contrôle », introduits par la récente réforme, « sont d’indéniables avancées », admet la HATVP. L’autorité s’alarme cependant de l’absence totale de transparence : « Les députés doivent certes conserver les justificatifs de leurs dépenses mais ni ces justificatifs ni le détail des dépenses ne seront rendus publics. Les députés peuvent même opposer le secret à leur déontologue, lors d’un contrôle, sur des informations qu’ils estiment confidentielles ou l’identité de tierces personnes. »
La Haute Autorité plaide ainsi pour une « transparence effective » sur l’usage de l’indemnité de frais de mandat, laquelle « permettrait de réduire les risques d’abus ». Comment ? Par une mise en ligne, dans un format compatible avec les standards de l’Open Data, des relevés de compte dédiés aux frais de mandat des parlementaires :
« Tant les députés que les sénateurs ont l’obligation d’ouvrir un compte bancaire dédié à l’indemnité pour leur frais de mandat, sur lequel ils perçoivent cette indemnité. Ces relevés pourraient être régulièrement publiés dans un format ouvert et réutilisable, afin que les citoyens puissent obtenir une pleine information sur l’usage qui est fait de cette indemnité et d’en assurer un contrôle. Une telle information permettrait également de connaitre finement le coût de l’activité du parlementaire, au cœur de la démocratie. Ces données pourraient être analysées afin de mieux comprendre l’activité quotidienne d’un parlementaire, ses besoins et ses choix de dépenses. »
Hasard du calendrier, cette proposition intervient alors que l’association Regards Citoyens vient de saisir le tribunal administratif, en vue d’obtenir les relevés bancaires des comptes ouverts par les députés de la précédente législature pour leur IRFM (voir notre article). Tout comme la HATVP, l’organisation derrière le site « NosDéputés.fr » plaide pour un système similaire à celui en vigueur au Royaume-Uni, où les détails des frais des parlementaires sont rendus publics sur Internet. La majorité n'a pour l'instant pas voulu en entendre parler.
Demande de publication d'agendas en Open Data
Dans une optique similaire, l’institution voudrait encourager les responsables publics concernés par le registre numérique de lobbyistes « à publier en Open Data leurs agendas et à lier l’acceptation d’un rendez-vous au respect des obligations déclaratives et déontologiques par le représentant d’intérêts ».
Une telle initiative « fournirait aux citoyens une compréhension inédite de l’action quotidienne de leurs responsables publics », argumente la HATVP. « Cela pourrait modifier certaines idées reçues sur le travail quotidien des élus et ainsi contribuer à renforcer la confiance », poursuit l’autorité.
Certains responsables publics se montrent déjà transparents, à l’image des ministres, sauf que ces derniers publient leurs agendas sous forme de PDF difficilement réexploitables... La Haute Autorité insiste ainsi sur la nécessité d’opter pour des formats ouverts, ce qui permettrait de vérifier plus facilement « la cohérence entre les éléments déclarés par les représentants d’intérêts et ceux rendus publics par les responsables publics ».
Les agendas de ministres sont-ils en Données Ouvertes ?
(En principe, à ce stade vous avez deviné la réponse)https://t.co/TQ300kYyoM pic.twitter.com/PhHU9dkmzq— OpenAgenda (@OAgenda) 25 avril 2018
Critiques réitérées sur le registre de lobbyistes
Quant au registre numérique de lobbyistes, qui commence tout juste à être mis en œuvre, la HATVP ne mâche pas ses mots. Pour l’institution, le décret d’application de la loi « Sapin 2 », pris à quelques jours de l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, a « affaibli l’intention du législateur ».
La Haute Autorité réitère ainsi ses critiques et déplore les « exigences extrêmement réduites » du texte « quant au niveau de détail et au rythme de transmission des informations demandées aux représentants d’intérêts ». À ses yeux, ces dispositions « font obstacle à l’accomplissement de l’objectif principal du répertoire, à savoir permettre aux citoyens de comprendre le processus d’élaboration des décisions publiques » (voir notre article).
« Afin de revenir à cet objectif premier », la HATVP propose de « recentrer » le registre sur la loi et le règlement – alors qu’il vise aujourd’hui un plus large panel de décisions publiques, notamment prises par les collectivités territoriales, de type contrats.
« Cette focalisation devrait s’accompagner d’une véritable transparence grâce à un niveau de détails bien plus avancé des informations sur les actions de représentation d’intérêts menées en vue d’influer sur la loi et le règlement (les responsables publics contactés, la date et l’objet précis des rendez-vous effectués par exemple) », poursuit le rapport. Ce dernier prône au passage pour une accélération du « rythme de communication des éléments à la Haute Autorité », les représentants d’intérêts devant actuellement fournir un rapport portant sur leurs activités de l’année précédente.
« Détailler les informations relatives aux actions menées donnerait au dispositif tout son sens et serait davantage en accord avec l’intention du législateur », insiste la HATVP.
L'extension du répertoire aux élus locaux toujours en suspens
L’autorité en appelle enfin à resserrer le registre autour des « décideurs publics nationaux ». Une proposition qui ne doit pas grand-chose au hasard : dans le cadre du projet de loi sur le droit à l’erreur, aiguillé par la Haute Autorité, le Sénat a décidé de revenir purement et simplement sur la « phase deux » de déploiement du répertoire numérique de lobbyistes.
Si la loi Sapin 2 s’applique à ce jour aux représentants d’intérêts entrant en communication avec des responsables publics de rang national (ministres, parlementaires, membres d’autorités administratives indépendantes...), elle devrait également viser, à partir du 1er juillet 2018, les lobbyistes qui tentent d’influencer des élus locaux (conseillers régionaux et départementaux, maires de communes de plus de 20 000 habitants, etc.).
Les sénateurs craignent cependant que cette extension ne vienne amoindrir la lisibilité du dispositif, qui s’éloignerait ainsi des sujets de portée nationale. La Haute Autorité, de son côté, s’alarme d’un risque de surcharge de travail face aux centaines de PME et d’associations locales qui veulent savoir si elles devront bientôt s’enregistrer auprès de ses services...
La mesure devra encore être avalisée par l’Assemblée nationale. En commission mixte paritaire, où députés et sénateurs ont échoué à trouver un accord, début avril, le Sénat avait accepté un compromis consistant à reporter l’entrée en vigueur de cette « phase deux » au 1er janvier 2022.
Il faudra toutefois attendre que la navette reprenne pour connaître la position des députés. Or le texte n’a toujours pas été réinscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale... Il ne pourra normalement pas l’être avant le 15 juin. Ce qui signifie qu’il y a très peu de chance pour qu’il ait été définitivement adopté par le Parlement d’ici au 1er juillet.
Commentaires (40)
#1
Eh bah y en un qu’a pas fini de gueuler " />
(Ouin Ouin je suis mal payé a 5300€/mois " />)
#2
La HATVP, une Haute Autorité qui devrait redonner un peu confiance dans l’utilité de ce genre d’institution, par rapport à une autre Haute Autorité assez mal vue ici, je pense à celle qui finit par DOPI " /> .
#3
Sauf que si ça se limite à un pauvre rapport, les mauvaises habitudes resteront…
…de la même manière qu’on peut bidouiller une campagne à Végas sans pour autant voir ses comptes de campagne (et le reste ?) invalidés…
#4
Ils le disent ce sont pas des truands " /> " /> " />
#5
Si tu parles de ceci, les comptes de campagne ne sont pas en cause :https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/05/22/affaire-french-tech-mur…
Sinon, le sujet étant sensible auprès du public, ça fait plutôt partie des rapports qui vont avoir une influence concrète. Déjà que comme le dit l’article, les différents scandales qui ont eu lieu ont à chaque fois provoqué des avancées dans les pratiques et la transparence.
#6
Si on doit noter certains progrès il me semble que l’on est encore loin du compte surtout par rapport aux annonces initiales.
Le problème relatif au registre de lobbyistes me semble le plus préoccupant; en prétendant présenter qui influence qui et comment, ce registre ne donne concrètement quasiment aucune information utile.
En l’état, le registre ne fait donc que légitimer les pratiques actuelles des lobbyistes et des politiques sans qu’aucun contrôle ne puisse être fait tout en donnant l’apparence d’une “transparence” qui n’est en réalité que formelle.
#7
Les mecs demandent toujours aux autres de se serrer la ceinture, pas être délinquant, du controle de tout, mais par contre, dès que ça les concerne directement ça avance quand même beaucoup moins vite. “Faites ce que je dis pas ce que je fais” " />
Le mec explique que 5300€ c’est pas assez pour pas se faire corrompre, soit, mais dans ce cas tu ne fais pas de mandats publiques, tu vas bosser dans le privée.
Pareil concernant les pates, gros foutage de gueule, bien sur avec plusieurs milliers d’euro par mois tu bouffes des pates a longueur de temps. Qu’ils aillent prendre la place de certains qui sont obligés de se nourrir de ça parce qu’ils n’ont pas les moyens, je suis pas sur que ça leur plairait.
J’ai rien contre les fonctionnaires, mais les politiques de métier par contre non merci, surtout avec autant de foutage de gueule pour la population
#8
“l’IRFM avait contribué, dans certains cas, à un accroissement sensible du patrimoine selon divers canaux”
Et c’est possible ça ou y a une action en justice ?
#9
C’est pas sa faute, c’est qu’avec son emploi payé 15000€/mois d’avant, tout son minable salaire de député suffit à peine à payer ses impôts.
C’est pour ça qu’il faut instaurer le prélèvement à la source!
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Merci pour la précision, j’avais suivi de loin.
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Tu prends les déclarations de 2 députés pour une généralité.
Pas sûr que ce soit pertinent pour critiquer l’ensemble des parlementaires. Si on pouvait éviter les amalgames et de mettre tout le monde dans le même sac, et avoir une vision un peu plus nuancée et fidèle…
(mais enfin certains adorent faire de l’anti-parlementarisme ou de l’anti-élu par principe, personne n’est jamais assez bien pour eux ; critiquer, oui, dénigrer systématiquement, non)
Et puis là (dans l’article qu’on commente) on parle plutôt de la transparence que de la rémunération des députés.
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gros +1
Après, faut pas déconner, si nos pauvres élus nationaux n’arrivent plus à gagner un tant soit peu d’argent, y aura plus personne qui voudra faire de la politique !!! " />
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En ces temps de corruption généralisée, avec des politiciens tous passés par la French American Foundation pour lécher les bottes de Washington, en allant jusqu’à vendre la terre “physique” de France à des étrangers, parler de transparence est une plaisanterie. Comme pour la CNIL : ils sont bien gentils à la HATVP, mais comme ils n’ont aucun pouvoir réel, ils existent surtout pour amuser la galerie, et faire croire aux imbéciles de service que ce pays serait encore une démocratie. Je rappelle en passant que pendant ce temps là, l’UPR et ses plus de 31300 adhérents réels n’ont toujours aucun accès aux grands médias du pays pour s’exprimer. Etrangement, je ne vois aucune recommandation pour la pluralité politique, qui dénoncerait clairement cette censure du CSA.
On se moque de qui ?
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je ne regarde plus ce genre de reportage, QUAND je vois TOUS ces millions mal dépensés
j’en ai mal au cœur (je me dis = : combien d’hôpitaux/écoles/routes aurait p ut-on construire ? " />
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Et en exemple récent, le coup des changements de panneaux pour la baisse de la limitation
à 80 sur route qui se chiffre en millions évidemment… Et comme ça grogne ils disent maintenant
“si ça va pas on reviendra comme avant”. Boom, des miyons en plus gaspillés pour le rollback.
faut pas, trop, y croire à ça (c’est pour mieux faire passer la Pilule)
quand .ce sera fait, .ils n’y toucheront plus, crois-moi !
c’est rare ça…..de revenir en AR, .tant que rien n”est fait, on peut “annuler”..ça oui (NDL aéroport) !
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Le fait que ça t’étonne n’est pas un argument. Quelle est la raison financière, économique, qui expliquerait ce revirement ?
La SNCF, déjà aujourd’hui, n’exploite pas ces lignes à perte. Les TER (parce que c’est souvent d’eux qu’il s’agit) sont rarement rentables par eux-mêmes, mais sont généreusement subventionnés par les régions, justement pour qu’avec la subvention, la ligne redevienne rentable.
Tant que la région restera disposée à subventionner les lignes non rentables, on trouvera des gens pour prendre l’argent. Peut-être une SNCF privatisée, peut-être un autre opérateur plus compétitif.
Si une ligne ferme le lendemain de la privatisation, la raison sera la même que si elle ferme aujourd’hui : la région a décidé que ça ne valait plus la peine de la payer.
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Pour être exact, les Transports Express Régionaux (TER) sont financés et organisés par les Régions. Les Régions négocient principalement une convention avec la SNCF Mobilités car il s’agit actuellement du plus gros transporteur de voyageur en France (trains+autocars), et du seul transporteur ferroviaire.