Publicité en ligne : 1,49 milliard d'euros d'amende pour les pratiques abusives de Google

Et ce n'est (toujours) pas fini
Droit 7 min
Publicité en ligne : 1,49 milliard d'euros d'amende pour les pratiques abusives de Google

Et de trois. La Commission européenne vient d'infliger une nouvelle amende de 1,49 milliard de dollars à Google « pour pratiques abusives en matière de publicité en ligne ». Cet abus de position dominante aurait duré plus de 10 ans, affirme la commissaire européenne Margrethe Vestager. 

C'est donc la troisième fois en trois ans que le géant du Net est reconnu coupable d'abus de position dominante en Europe. La première amende de 2,42 milliards d'euros pour le moteur de recherche date de juin 2017, la deuxième de 4,34 milliards d'euros de juillet dernier concernait Android.

8,25 milliards d'euros d'amende en trois ans

Alors que certaines rumeurs évoquaient un montant record de 12 milliards d'euros, il n'est finalement question « que » de 1,49 milliard pour abus de position dominante sur la publicité en ligne. Cette amende représente 1,29 % du chiffre d'affaires de Google en 2018. Sur trois ans, Google a ainsi été condamné à 8,25 milliards d'euros d'amende par la Commission européenne.

Cette fois-ci, le géant du Net est reconnu coupable d'avoir imposé « un certain nombre de clauses restrictives dans les contrats passés avec des sites web tiers, empêchant ainsi ses concurrents de placer leurs publicités contextuelles sur ces sites ».

Motif de cette amende : AdSense for Search

Plus précisément, c'est « l'intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne » qui était dans le viseur de la Commission. Cette dernière avait débuté la procédure en novembre 2010, puis avait fait officiellement part de ses griefs à Google en juillet 2016 (lire notre analyse).

Au cœur du problème se trouve donc AdSense for Search, un outil fournissant des publicités contextuelles aux sites web : « Les sites de journaux, les blogs ou les agrégateurs de sites de voyages disposent souvent d'une fonction de recherche intégrée. Lorsqu'un utilisateur effectue une recherche à l'aide de cette fonction, le site web affiche à la fois les résultats de la recherche et les publicités contextuelles, qui apparaissent à côté du résultat de la recherche », explique la Commission.

Dans cette histoire, Google est un intermédiaire – ou une régie publicitaire – qui se place « entre les publicitaires et les propriétaires de sites web qui souhaitent profiter de l'espace autour de leurs pages de résultats de recherche ». La Commission explique qu'AdSense for Search « fonctionne donc comme une plateforme d'intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne ». 

Elle ajoute que, sur ce domaine, Google « était de loin l'acteur le plus puissant en matière d'intermédiation » : sa part de marché dépassait les 70 % entre 2006 et 2016. De plus, le géant du Net dominait largement les marchés nationaux de la publicité sur la recherche générale, avec « des parts de marché souvent supérieures à 90 % ».

Dans son argumentaire, la Commission explique que des concurrents sur la publicité contextuelle comme Microsoft et Yahoo n'ont pas la possibilité de vendre des espaces publicitaires sur les pages du moteur de recherche de Google. Par conséquent, fournir des publicités contextuelles aux sites tiers est « une porte d'entrée importante pour développer leur activité et essayer de faire concurrence à Google ». Problème, la porte était verrouillée à double tour.

Les griefs : exclusivité, emplacements premium, contrôle sur les concurrents...

En examinant « plusieurs centaines » de contrats, la Commission est arrivée à la conclusion suivante : « à partir de 2006, Google a inclus des clauses d'exclusivité dans ses contrats. Autrement dit, les éditeurs n'étaient pas autorisés à placer des publicités contextuelles de concurrents sur leurs pages de résultats de recherche ».

Trois ans plus tard, de timides changements ont été apportés, sans restaurer une saine concurrence : « à partir de mars 2009, Google a progressivement commencé à remplacer les clauses d'exclusivité par des clauses appelées "Premium Placement" ».

Une ouverture de façade puisque la société de Mountain View se gardait précieusement la part du lion. Les éditeurs étaient en effet obligé de « réserver l'espace le plus rentable sur leurs pages de résultats de recherche aux publicités de Google », en plus d'un « un nombre minimal de publicités de Google ». En conséquence, « les concurrents de Google étaient dans l'impossibilité de placer leurs publicités contextuelles dans les zones les plus visibles et les plus visitées des pages de résultats de recherche des sites web ».

Comme si cela ne suffisait pas, Google a également ajouté en mars 2009 « des clauses obligeant les éditeurs à disposer de l'accord écrit de Google avant de pouvoir modifier la manière dont les publicités concurrentes étaient affichées ». Bref, « Google pouvait contrôler le degré d'attractivité, et donc le taux de visite, des publicités contextuelles concurrentes ». 

La Commission ajoute que « les pratiques de Google ont couvert plus de la moitié du marché en termes de chiffre d'affaires durant la majeure partie de la période considérée », c'est-à-dire entre 2006 et 2016.

Google Condamnation europe Ad Search

« Un large éventail d'éléments de preuve »

Pour résumer, « les pratiques de Google constituent un abus de position dominante sur le marché de l'intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne, car elles empêchent la concurrence fondée sur les mérites ». Si exercer une position dominante n'est pas illégal en soi dans l'Union européenne, « il incombe néanmoins tout particulièrement aux entreprises dominantes de veiller à ne pas abuser de leur pouvoir de marché en restreignant la concurrence ».

La Commission affirme s'être basée sur « un large éventail d'éléments de preuve » durant son enquête pour arriver à la conclusion que « le comportement de Google portait préjudice à la concurrence et aux consommateurs et qu'il entravait l'innovation ».

Elle ajoute que le géant du Net « n'a pas apporté la preuve que les clauses créaient des gains d'efficience permettant de justifier ses pratiques ».

L'amende – de 1 494 459 000 euros très exactement – « a été calculée sur la base de la valeur des recettes de Google générées par l'intermédiation publicitaire liée aux recherches en ligne dans l'EEE ». La Commssion précise que la société a mis fin à ses pratiques illégales quelques mois après lui avoir communiqué ses griefs en juillet 2016.

La communication opportune de Google

Quelques heures avant que le couperet tombe, Google publiait un billet de blog pour se présenter comme un ardent défenseur de la concurrence et du choix laissé aux utilisateurs, malgré deux et maintenant trois condamnations pour abus de position dominante en Europe.

« Nous avons toujours été d'accord sur un point : que des marchés sains et prospères sont dans l'intérêt de tous. Nous avons déjà apporté une grande variété de modifications à nos produits pour répondre aux inquiétudes de la Commission », affirme ainsi Kent Walker. Ce dernier ajoute qu'Android va prochainement favoriser le choix du navigateur et du moteur de recherche en Europe. Quand et comment ? Mystère. Les détails ont pourtant toute leur importance.

Pour Margrethe Vestager, reprise par Le Monde, « ce sont des développements positifs. C’est une bonne nouvelle que Google renforce ses efforts ». La commissaire en profite aussi pour justifier sa politique de sanctions : sur Google Shopping, 30 % des cases montraient un concurrent de Google contre 75 % aujourd'hui, rapportent nos confrères.

Au fait, où part l'argent des amendes ?

La Commission européenne explique que « les amendes infligées aux sociétés qui violent les règles de l'UE en matière de pratiques anticoncurrentielles sont versées au budget général de l'Union européenne ». Elles ne sont donc pas allouées à des dépenses particulières, « mais les contributions des États membres au budget de l'UE pour l'année suivante sont réduites en conséquence. Les amendes aident donc à financer l'Union européenne et à réduire la charge des contribuables ».

Maintenant que le géant du Net a été reconnu coupable, la Commission ajoute qu'il « est également passible d'actions civiles en dommages et intérêts pouvant être portées devant les juridictions des États membres par toute personne ou entreprise touchée par son comportement anticoncurrentiel ».

Google avait pour rappel fait appel des deux premières amendes de la Commission (les instructions sont toujours en cours). L'entreprise ne s'est pour le moment pas prononcée sur le cas de cette troisième sanction.

Et ce n'est pas fini...

Lors d'une conférence de presse, Margrethe Vestager a précisé qu'elle allait maintenant se pencher « dans le détail » de deux autres cordes de l'immense arc de Google : les moteurs de recherche d’annonces d’emploi et de commerces de proximité. Deux chantiers qui n'arriveront certainement pas à leur terme avant les élections européennes qui se dérouleront le 26 mai 2019. 

Même si elle souhaite briguer un second mandant au poste de commissaire à la concurrence, c'est loin d'être gagné : « Mon pays d'origine ne semble pas très enthousiaste à l'idée de me donner un autre mandat [...] ce serait même un euphémisme. La tradition dans mon pays est que le premier parti au gouvernement nomme le commissaire. Étant donné que mon parti n'est pas au gouvernement, il faudrait a minima rompre avec la tradition », expliquait-elle en octobre.

Margrethe Vestager pourrait finalement être candidate à la présidence de la Commission européenne pour remplacer Jean-Claude Juncker.

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