Avec à nouveau 9 millions d'euros de subventions annuelles, la Hadopi fêtera l’année prochaine ses 10 ans. À l’heure des réformes voulues par la ministre de la Culture, une question se pose : après plus de 10 millions d’avertissements, combien d’amendes à 1 500 euros ont-elles été prononcées par les tribunaux de police ? Aucune, a-t-on appris.
Jeudi, la députée LREM Aurore Berger dévoilera son rapport sur l’audiovisuel où, sans surprise, elle devrait plaider des pistes de réformes visant la Hadopi. L’idée principale serait que l’autorité puisse infliger elle-même des sortes de sanction, via la procédure de transaction pénale.
Dans la mécanique actuelle, l'abonné multi-averti peut voir son dossier transmis à la justice par la Hadopi. Un tribunal peut alors infliger une amende de cinquième classe jusqu’à 1 500 euros, ou opter pour d'autres formules. D’après les derniers chiffres clefs, en neuf ans, 101 amendes ont été prononcées par ces tribunaux. S’y ajoutent 62 ordonnances pénales et 625 mesures alternatives aux poursuites. Enfin, on dénombre 9 condamnations pour des délits, puisqu’un dossier de riposte graduée peut être redirigé sur une action en contrefaçon.
Une moyenne de 300 euros par contravention
Une question n'avait jamais été posée : combien d'abonnés ont-ils été condamné à l'amende maximale de 1 500 euros ? Selon nos informations, ce cas… ne s’est jamais produit ! Sur le stock de décisions connues, pas une seule fois un juge n’a voulu infliger un tel montant.
Quatre ou cinq fois seulement, un tribunal a bien condamné des abonnés à une amende de 1 000 euros, mais ces décisions ont été le plus souvent assorties d’un sursis sur plusieurs centaines d’euros.
La moyenne des condamnations tourne finalement autour de 300 euros, somme qui ne tient pas compte des hypothèses où les ayants droit se constituent partie civile. Dans un tel cadre, le montant moyen des dommages et intérêts est cette fois de 100 euros, par demandeur.
Enfin, jamais une personne morale n’a été condamnée.
Hadopi, pédagogie
Sur le nombre de saisines, la Hadopi plafonne aujourd’hui à 70 000 signalements adressés chaque jour par l’ensemble des cinq entités agréées pour flasher les IP sur les réseaux P2P. Seulement ce chiffre est à prendre avec des pincettes, puisqu’une telle donnée brute ne tient pas compte des doublons, à savoir « lorsque plusieurs ayants droit constatent la même infraction »
Du coup, lorsqu’on oppose les extrêmes, d'un côté des dizaines de millions de signalements des sociétés de gestion collective et l'association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, mais de l'autre aucune condamnation à 1 500 euros, l’écart doit être relativisé.
Surtout, ce n’est pas parce que le régime produit peu de condamnations qu’on peut mécaniquement en déduire son inefficacité. Depuis ses origines, l’institution s’est toujours drapée dans ses vertus pédagogiques. Inversement, une pluie de condamnations serait aussi le signe d’un échec.
Une certitude, la Hadopi a mobilisé chaque année autour de 9 millions d’euros de subventions publiques depuis son cri primal. Soit au total près de 80 millions d'euros.